Maroc Telecom et Méditel Les excellents résultats de Maroc Telecom sont publiés sur fond de polémique. La concurrence entre les deux opérateurs téléphoniques est on ne peut plus rude. Chacun accuse l'autre de pratiques anticoncurrentielles ou déloyales. Lors de la présentation des résultats de Maroc Telecom, la presse n'a pas manqué de faire revenir le directeur de l'opérateur historique sur les raisons de la colère mutuelle. Bien malgré lui, Abdeslam Ahizoune a répondu avec des schémas à l'appui. Il y a tout juste quelques jours Méditelecom, le premier opérateur privé de téléphonie, publiait un communiqué pour se plaindre de la récente campagne de communication de son concurrent. Selon lui, la publicité de Maroc Telecom dont le personnage principal est le héros de la mythologie grecque, Hercule, est truffée de mauvaises intentions. "Méditel et ses clients sont représentés comme des individus faibles et vaincus, recevant des ordres et des menaces visant à les terrifier", se plaignait-il. Sur ce point précis, le président du directoire de Maroc Telecom n'a pas manqué de répliquer. Selon lui, une telle technique de communication était jusqu'ici l'apanage de son concurrent. A l'appui de ses dires, il a évoqué plusieurs spots publicitaires de Méditelecom. Le premier consiste en une publicité qui se terminait par un schéma s'inspirant d'un panneau d'interdiction de passer sur lequel figurent deux voitures, l'une rouge et l'autre bleue. Dans cette publicité, vantant les mérites des produits Méditel, la voiture à la couleur de ce dernier roulait à toute vitesse alors que la bleue de Maroc Telecom semblait être en panne. "N'était-ce pas une manière de dire que Maroc Telecom, et ses clients avec lui, sont faibles" ? s'interroge Abdeslam Ahizoune. Il passera à un second spot de Méditelecom, montrant cette fois-ci une image assez suggestive où une paire de ciseaux était posée sur un fil de téléphone fixe appelant presque les clients à rompre avec l'utilisation de cet outil. Enfin, le dernier spot montrera deux équipes de football qui, comme dans l'histoire des voitures, étaient aux couleurs des deux opérateurs. La suite on la connaît, c'est toujours les rouges qui sont les plus forts et les bleus les faibles. Pour Abdeslam Ahizoune, son entreprise n'a fait qu'utiliser les armes de son concurrent, ce qui a provoqué son ire. Il explique d'ailleurs que ce coup de gueule n'est qu'un prétexte pour faire oublier l'essentiel du combat qu'ils sont en train de se livrer devant les autorités de tutelle, à savoir l'ANRT, ou encore la justice. En effet, selon Ahizoune en criant aux pratiques anticoncurrentielles et déloyales de Maroc Telecom, Méditel veut éluder le fait que sur plusieurs aspects, la loi a été enfreinte par Méditel. C'est en tout cas ce qu'il affirme. Méditel, dit-il, n'a pas le droit de faire du téléphone fixe, pourtant il a lancé le produit ELO box permettant de recevoir des appels vers le téléphone fixe de l'entreprise sur des numéros Méditel. Cet ingénieux produit, faut-il le reconnaître, connaît un franc succès auprès des entreprises puisqu'il permet d'avoir que des communications Méditel à Méditel et Maroc Telecom à Maroc Telecom. De sorte qu'elles reviennent moins cher pour l'entreprise. Cependant, au passage Maroc Telecom perd dans les tarifs d'interconnexion ce que Méditel économise en faisant du fixe indirectement. Ce n'est là qu'un aspect parmi tant d'autres sur lesquels, selon le président du directoire de Maroc Telecom, Méditel est en infraction. Aujourd'hui, l'opérateur privé s'est lancé dans les cabines téléphoniques. Là aussi, la question se pose de savoir s'il en a le droit. La réponse de Maroc Telecom est bien évidemment non, la loi ne l'autorise pas à exploiter des télé-boutiques. Mais le lui interdit-elle ? C'est à cette question que l'Agence nationale de régulation des télécoms est amenée à répondre en attendant de s'attaquer à une autre qui est non moins importante. Puisque selon Maroc Telecom c'est à cause de cette pratique qu'il n'est plus aujourd'hui possible d'attribuer la seconde licence de téléphonie fixe. Méditel serait donc à l'origine de ce qu'il appelle la protection réglementaire évidente sur le téléphone fixe. En effet, selon Abdeslam Ahizoune depuis le mois d'août dernier, toutes les communications internationales destinées aux numéros Méditel ne transitent plus par Maroc Telecom. L'opérateur privé aurait en effet demandé à l'ensemble des partenaires internationaux de ne plus faire transiter les communications internationales par son concurrent. Désormais, tous ceux qui désireraient joindre ses numéros devraient passer par son partenaire et maison-mère Telefonica. Du coup, Maroc Telecom n'a plus ce privilège qui lui est accordé par la loi sur toutes les communications de voix à l'international. D'après Abdeslam Ahizoune, dans de telles conditions aucun opérateur ne voudra souscrire à une seconde licence de téléphonie fixe au Maroc. Car, chacun faisant de l'international pour son propre compte il sera impossible à un nouvel entrant de bénéficier de cette manne qui participe à amortir les coûts liés à l'installation dans les régions défavorisées. Il faut ajouter à cela que chacun fait du fixe de son côté, explique-t-il. Il faut cependant rappeler que Méditel n'a pas cessé de demander que le législateur lui ouvre l'accès à l'international puisqu'il avait tous les moyens de le faire grâce notamment aux satellites de Telefonica. C'est là un point important puisqu'on est amené à se demander pourquoi le législateur a donné le monopole de l'international à Maroc Telecom. La réponse donnée par les différents directeurs de l'ANRT, chacun en son temps, était que ce privilège avait été accordé à Maroc Telecom pour qu'il puisse continuer à faire ce qu'on appelle le "service universel". Ce dernier consiste à exiger de lui qu'il amène le téléphone dans les zones même non rentables, ce qui suggère une subvention. Car, aujourd'hui la présence des actionnaires étrangers dans le capital de ce dernier suggère qu'il ne peut plus se substituer aux tâches sociales, voire bénévoles, de l'Etat. La subvention devait donc venir d'une taxe pour l'audiovisuel qui serait de 4% dans un premier temps du chiffre d'affaires de tous les opérateurs et qui diminuerait progressivement pour ne se situer qu'à 1% au bout de quatre ans. Si cette dernière voyait le jour, il n'y aurait plus aucune raison de conservcr les attributions régaliennes de Maroc Telecom sur l'international. Pour l'heure, ces dossiers sont pour la plupart devant l'ANRT qui devrait trancher. L'attente d'une réponse, qui ne saurait tarder, serait à l'origine du communiqué de presse de Méditel, selon Abdeslam Ahizoune. En attendant, le consommateur marocain qui est l'ultime juge continue de bénéficier de services tout à fait novateurs de la part des deux opérateurs. Si concurrence signifie nouvelles promotions, baisses des tarifs, services plus pratiques et plus accessibles, elle aura tendance à se soustraire de toute cette polémique. Résultats 2003 : 2 milliards d'IS pour l'Etat Maroc Telecom a encore une fois fait montre d'une étonnante rentabilité. Le chiffre d'affaires est en hausse de 3,4% durant l'année 2003, alors que ses résultats avant impôts, frais financiers et amortissements, augmentent de 11,6%. Ces performances ont eu une influence directe sur le résultat net de 2003, se situant à 4 milliards de dh, après paiement d'un impôt sur les sociétés de deux milliards de DH. Aujourd'hui, Maroc Telecom rapporte plus à l'Etat qu'avant la cession des 35% du capital à Vivendi Universal. Selon le président de son directoire, Maroc Telecom déjà aux normes internationales les plus sévères en matière de comptabilité et de contrôle interne, est fin prêt pour entrer en bourse. Pour ce qui est de l'activité proprement dite, le marché s'est maintenu à 68% au niveau du mobile. Alors que le fixe se serait redressé légèrement cette année avec 100.000 nouveaux clients. Cette performance est principalement due à une offre commerciale de plus en plus adaptée et répondant mieux aux attentes du consommateur marocain. Les packs Al Manzil, formule présentant des factures prépayées, ont connu un succès notoire. Au niveau des produits internet, c'est aussi le même constat. A la fin 2003, on comptait 47.000 accès soit une croissance de 38% par rapport à 2002. Certes, le nombre reste encore faible, mais l'accélération de la croissance est un élément on ne peut plus rassurant. Le lancement de l'ADSL est un succès important avec 3500 abonnés et 59 villes desservies dès décembre 2003. Mieux encore, le rythme s'accélère puisque l'internet compte 10.000 nouveaux clients, en l'espace de 10 jours seulement, dans la période du 11 au 20 mars 2004. M.B.N.