Maroc/Chine L'événement majeur de l'économie mondiale en 2003, c'est bien la croissance économique insolente de la Chine, deux ans à peine, après son entrée dans l'OMC. Cette embellie profite à plusieurs pays. Le Maroc bien apprécié des milieux d'affaires chinois, a une carte à jouer pour améliorer ses positions. “Les opportunités d'affaires entre le Maroc et la Chine sont bien réelles, mais leur concrétisation nécessitera encore du temps”, lance d'emblée Khadija Doukkali, co-présidente du Conseil d'affaires maroco-chinois à l'issue de la visite à Casablanca d'une délégation d'affaires de la province de Canton (sud de la Chine). La rencontre a eu lieu jeudi 13 novembre avec certains membres de la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc) pour nouer des partenariats dans plusieurs secteurs d'activités notamment le textile-habillement, la céramique, l'électronique, la métallurgie, l'emballage et les technologies de l'information. “Tisser des partenariats avec les Chinois, c'est bien…mais ce n'est pas suffisant. L'enjeu est de les convaincre à délocaliser leur industrie chez nous. A ce titre, les besoins des industriels chinois sont tangibles”, assure Mme Doukkali. Le Maroc offre plusieurs atouts dans ce sens, ne serait-ce que par sa proximité géographique avec l'Europe. Un acquis certes considérable aux yeux des Chinois, mais le royaume n'est pas le seul pays dans la course. Parmi les concurrents les plus redoutables, on peut citer la Tunisie et l'Egypte. La compétition promet d'être de plus en plus agressive. Chaque pays affine donc ses armes pour avoir la grosse part du gâteau. Des échanges encore timides Connaissant bien la Chine de par ses visites régulières dans ce pays, la co-Présidente du Conseil d'affaires reste convaincue que les relations économiques entre les deux pays connaîtront une progression significative dans les années à venir. D'autant plus qu'il existe une réelle volonté politique des deux parties pour rehausser le niveau des échanges. La création récente du Conseil d'affaires maroco-chinois s'inscrit d'ailleurs dans ce sens. Ce dernier a pour mission de promouvoir les relations économiques entre les deux pays à travers des rencontres et des voyages d'affaires. Dans ce sens, notons que Casablanca accueillera le 17 décembre prochain une grande foire de produits chinois. Ce sera de même à Pékin même si la date de l'organisation de la foire marocaine n'est pas encore fixée. Autant d'initiatives pour rehausser le niveau des échanges commerciaux. Pour l'heure, ces derniers restent en deçà des ambitions affichées. A fin mars 2003, la Chine était classée 17ème client du royaume et 8ème fournisseur (chiffres provisoires de l'Office des changes). Toujours pour la même période, les exportations se sont établies à 130 millions de DH alors que les importations se sont élevées à 1 milliard de DH. En 2002, les échanges commerciaux entre le Maroc et la Chine ont atteint 124,4 millions de DH pour les exportations et 1,85 milliard de DH pour les importations. Booster les échanges entre les deux pays ne dépend pas uniquement de la volonté des pouvoirs publics. Le privé doit également se mobiliser pour saisir des opportunités d'affaires. Du moins, c'est ce qui ressort des propos de Mme Doukkali. Affirmer aujourd'hui que la Chine représente une menace pour l'économie marocaine, comme c'est le cas pour les économies les plus avancées, est certes vrai, mais il s'agit d'un discours fataliste. Les inquiétudes des Etats et des milieux d'affaires sont légitimes. Les faits sont têtus. La productivité de la Chine donne du fil à retordre aussi bien aux Etats-Unis qu'à l'Europe. Les pays qui l'ont compris ont amélioré leurs positions depuis déjà longtemps sur les marchés asiatiques, particulièrement chinois. Ce sera difficile pour le Maroc, on en convient. Toujours est-il, en matière de partenariat, qu'il y a lieu de capitaliser sur deux secteurs-clés notamment le textile et le tourisme. La Chine est un marché émetteur qu'il faut prendre au sérieux. On estime à 100 millions par an le nombre de touristes chinois. Le premier acheteur mondial Désormais, il faudra aussi composer avec une nouvelle donne. Si l'on croit les projections des économistes, la Chine sera bientôt le premier acheteur dans le monde. Rappelons que durant les dernières années, les exportations ont progressé plus rapidement que les importations avec un excédent commercial qui atteint 30 milliards de dollars en 2002. A en juger par les derniers chiffres officiels, les achats ont progressé de 40% sur les neuf premiers mois de l'année en cours, soit 400 milliards de dollars. Toujours selon les prévisions, en 2004, la Chine pourrait être déficitaire pour la première fois depuis plus d'une décennie. Le quotidien financier britannique “The Financial Times” a rapporté récemment que le gouvernement chinois se fixe comme objectif d'atteindre 1.000 milliards de dollars en matière d'importations d'ici trois ans alors que les exportations seront loin de ce niveau dans les 20 ans à venir. En d'autres termes, l'empire céleste est appelé à devenir le premier marché de la planète dès 2005 ou 2006. L'expansion de l'économie chinoise profite déjà à certains pays. C'est dire que le Maroc, lui aussi, a une carte à jouer dans ce sens.