La présence accrue de la Chine dans le secteur du textile-habillement continue dinquiéter. Si Pékin estime que les quotas imposés par les Américains vont à l'encontre des règles de l'OMC, Washington, toujours sur la défensive, considère que ces dispositions sont prévues par le protocole d'adhésion que la Chine a signé avant dintégrer l'OMC. L'adhésion de la Chine à l'Organisation Mondiale du Commerce et la fin de l'accord multifibres ont profondément remodelé la configuration du secteur mondial du textile-habillement. Toutefois, il est à signaler que dès le départ, il a été question que cette adhésion se traduise à terme par une forte progression dans les échanges mondiaux du secteur du textile-habillement. L'accord multifibres prévoyait la réintégration progressive du secteur dans le cadre général de l'OMC et la levée des quotas à l'horizon 2005. Les gains d'économies d'échelle assurés par un vaste marché intérieur et l'abondance d'une main-d'uvre bon marché confèrent à la Chine de grands avantages. Cette intensification de la concurrence chinoise pèse d'une manière variable sur les économies. Pour ces dernières, la Chine est un redoutable concurrent dans le secteur de l'habillement. Sur le marché européen, lEmpire du milieu est d'ores et déjà un concurrent notoire des pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée. Et compte tenu de l'importance différenciée du secteur de l'habillement dans les économies dans cette région, la concurrence de la Chine devrait peser sur la Tunisie, le Maroc et l'Egypte. Un creusement du déficit Si certains pays du Sud-Ouest de la Méditerranée, en l'occurrence le Maroc, ont essayé de régler amicalement le problème avec la Chine, il n'en est pas de même pour Washington et Bruxelles. Le vice-ministre chinois du commerce, accompagné d'une délégation d'hommes d'affaires a rencontré, le 17 mai, Mustapha Mechahouri, ministre du commerce extérieur. L'objet de la visite était essentiellement de trouver des solutions adéquates aux problèmes liés aux exportations chinoises vers le Maroc, notamment en matière de textile et de céramique, et ce dans un cadre de concertation et de dialogue. Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays a enregistré une progression sensible au cours des dernières années. Les importations du Maroc en provenance de la Chine ont atteint 6.613 MDH en 2004 contre 4.656 MDH en 2003 alors que ses exportations se sont établies à 441,3 MDH (630 MDH en 2003). Il est à rappeler que le déficit accusé par le Maroc est de l'ordre de 6,2 Mds DH. Dans un tel contexte, le ministre du Commerce extérieur a entamé une procédure d'enquête de sauvegarde et pris les mesures nécessaires conformément aux règles de l'OMC pour contrôler la qualité des produits importés et faire face à la pratique illégale de sous-facturation. Toutefois, quelle sera la portée de la marge de manuvre du Maroc, si les grandes puissances peinent à faire face à la situation actuelle ? Certains analystes estiment que la crise du textile, considérée comme le premier grand affrontement entre la Chine et ses partenaires commerciaux depuis son adhésion à l'OMC, est vu comme un test pour l'intégration de ce pays dans l'économie mondiale. La pression exercée par Washington et Bruxelles sur la Chine font que cette dernière va relever ses droits de douane à l'exportation sur 74 produits textiles à partir du 1er juin. Le bras de fer avec les puissances économiques Ce geste est destiné essentiellement à apaiser les craintes de l'Europe et des Etat-Unis devant la poussée des importations chinoises. Parmi les produits concernés figurent le pantalon, les tee-shirts et les sous-vêtements. La Chine avait imposé des tarifs à l'exportation de 0,2 à 0,3 yuan par produit sur 148 catégories de produits à partir du 1er janvier, date à laquelle a été supprimé le système des quotas sur les exportations des textiles des pays en développement. Mais ces taxes ont été insuffisantes pour endiguer les exportations et les diplomates sont persuadés que leur hausse le 1er juin ne remettra pas en cause l'avantage que procurent aux Chinois leurs immenses usines modernes et leur main-d'uvre bon marché. Pékin a soufflé le chaud et le froid depuis la suppression des quotas dénonçant d'un côté les interventions de Bruxelles et de Washington comme étant contraires aux règles de libre-échange tout en reconnaissant que le boom des importations du textile crée un problème politique aussi bien pour la Chine que pour les pays visés. On ne peut d'un côté demander à la Chine de rejoindre l'OMC et ouvrir ses marchés tout en lui imposant des limites lorsque la Chine devient un fournisseur et un producteur de taille. Bien qu'elles paraissent a priori comme étant contraires aux règles de l'OMC, il faut dire que ces dispositions sont prévues par le protocole d'adhésion que la Chine a signé pour entrer à l'OMC. Toutefois, un spécialiste de l'institution multilatérale annonce que rien n'empêche Pékin de porter plainte pour discrimination devant l'organe de règlement des différends de l'OMC, en faisant valoir que les exportations d'autres pays comme l'Inde ou le Pakistan ont également augmenté depuis le début de l'année. En attendant, «Pékin pourrait aussi menacer d'annuler certains grands projets», pronostique l'économiste Jean-Pierre Lehman rappelant que la Chine a déjà eu recours à ce procédé face au Japon à l'occasion d'un différend sur le commerce des champignons juste avant son entrée à l'OMC. De telles mesures peuvent porter préjudice aux industriels occidentaux notamment dans les produits de luxe, l'automobile ou l'aéronautique. Ne risque-t-on pas avec ces différends de remettre en cause la crédibilité de l'OMC? Cette institution s'efforce ainsi d'amener le pays à lutter contre la contrefaçon, la sous-facturation et de cesser de subventionner les secteurs. La Chine essaye de se corriger, mais elle a un long chemin devant elle avant dy arriver. Le taux de change du yuan chinois favorise indûment les exportations chinoises, mais il faut dire que tout cela dépasse les compétences de l'OMC.