Risque pays en Afrique subsaharienne Les raisons de l'hésitation de la conquête du marché africain par les entreprises marocaines ne sont pas tant liées à la faiblesse du pouvoir d'achat qu'à l'insolvabilité qui caractérise les partenaires potentiels. C'est de manière unanime que les entreprises fournissent une telle explication. C'est un fait qu'en matière de commerce international, la pratique du crédit est ce qu'il y a de plus répandu. Le paiement n'intervient qu'après réception de la marchandise. C'est ce qui peut être à l'origine des créances douteuses ou insolvables. Les clients sont souvent protégés par un contexte juridique dans lequel toute action est vaine. Par ailleurs, les sommes en jeu ne valent souvent ni les frais de justice, ni l'énergie déployée pour faire plier les récalcitrants. Evidemment, les moyens existent pour réduire autant que possible le risque lié au paiement. Il s'agit avant tout du crédit documentaire qui est un engagement donné par la banque du client pour payer le fournisseur à la réception de la marchandise. Mais même avec cette garantie, il est possible de rencontrer des difficultés. Comme l'explique Mohamed Tazi vice-président de l'Association marocaine des exportateurs (ASMEX), les entreprises exigent que les crédits documentaires fassent l'objet d'une caution d'une banque européenne. Dans cet océan de risque, le Sénégal apparaît pourtant comme une île sûre. C'est Mohamed Tazi de l'ASMEX qui en fait le constat. Selon lui, les difficultés de paiement qui sont liées au marché africain en général et ne concernent pas uniquement le Sénégal. L'homme est assez bien placé pour aborder le sujet dans la mesure où il est également le chef d'une entreprise qui connaît parfaitement le marché sénégalais. Il s'agit du biscuitier Biscolux qui exporte sans grande difficulté et connaît de mieux en mieux le marché sénégalais. L'autre moyen concerne plutôt l'assurance à l'exportation. Dans chaque pays, il existe un ou plusieurs organismes dont la fonction principale est d'aider les entreprises nationales à surmonter le risque lié à l'exportation. Pour le cas du Maroc, c'est la Société marocaine pour l'assurance à l'exportation (SMAEX) qui est le spécialiste de l'assurance export. Interrogé, Chakib Yacoubi, attaché de direction, explique que "le chiffre réalisé sur le marché africain demeure relativement faible". En effet, cette société à l'image de ses homologues à travers le monde, est très soucieuse du risque couvert. Plus les entreprises étrangères en prennent, moins elles sont enthousiastes à se positionner sur les transactions les concernant. Par ailleurs, il est quasiment impossible de couvrir une transaction dans laquelle sont impliquées des entreprises Néanmoins, il y a lieu de distinguer entre les clients publics et les clients privés : les premiers ne présentant presque pas de risque et les autres nécessitant d'être mieux connus. Pour ces derniers, il est important de se référer aux états financiers. "Mais comment faire quand la seule adresse connue du client de l'entreprise marocaine est une boîte aux lettres", se demande Chakib Yacoubi. N'ayant pas de représentation en Afrique, la SMAEX a recours à des correspondants pour l'appréciation du risque spécifique. Concernant le Sénégal, c'est le même son de cloche au niveau de la SMAEX. "Le rebond économique matérialisé par la croissance soutenue ainsi que la stabilité politique du Sénégal inspirent confiance", affirme Chakib Yacoubi. C'est sans doute ce risque faible qui pousse de plus en plus d'entreprises à tenter l'expérience. C'est aussi pour cette raison que l'ASMEX envisage d'ouvrir une représentation à Dakar d'ici la fin de l'année ou au plus tard début 2004. Un volume d'exportation faible mais en croissance Jusqu'en 1999, les exportations marocaines vers le Sénégal peinaient à dépasser les 160 millions de DH. Avec ce niveau, ce serait une lapalissade que de vouloir en souligner le caractère dérisoire. Mais depuis 2000, ce chiffre est en constante augmentation. Ce regain d'intérêt pour ce partenaire historique du Maroc se lit à travers les 181 millions de DH d'exportation. C'est donc de mieux en mieux. Certaines entreprises ont de réelles chances de réussite au niveau du marché sénégalais. En premier lieu figure le secteur de l'agroalimentaire. En effet, les conserves de légumes et de sardines, la biscuiterie, ou encore la margarine marocaine ont fait leur preuve sur le marché africain. Aujourd'hui encore, ce sont de tels produits qui ont la part belle sur le marché ouest africain en général et sénégalais en particulier. Par ailleurs, le Sénégal est une excellente porte d'entrée vers le marché l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Ce sont pas moins de 80 millions d'habitants à conquérir ce marché commun où les droits de douane sont supprimés entre Etats membres. Etant conscient de ces enjeux, l'Etat marocain a paraphé un accord de libre-échange avec la UEMOA qui permettra aux entreprises d'être plus compétitives. Au passage, il conviendra de remarquer que sur ce marché l'élément déterminant est le prix à cause notamment de la faiblesse du pouvoir d'achat. Cependant, avant que l'accord de libre-échange ne puisse entrer en vigueur, il faudra le faire ratifier par la quinzaine d'Etats membres. Ce qui n'est pas une mince affaire. La meilleure solution serait pour le Maroc d'entrer au sein de cette communauté. Il semble que les autorités y travaillent depuis peu.