Il semble que l'Egypte réussit petit à petit à récupérer son rôle d'autan et à redevenir ainsi un passage obligé pour la majorité des forces politiques présentes dans le monde arabe. Elle intervient désormais pour aider à résoudre les conflits existant dans la région, Palestine et Soudan en premier lieu du moins pour l'instant. D'autre part, la recomposition du puzzle irakien, l'occupation de ce pays par des armées étrangères, qui risque de perdurer, des facteurs qui ont incité l'establishment égyptien à prendre des initiatives dans tous les sens. Non seulement pour avoir un pied à terre dans le pays des Rafidaïnes, participer à sa reconstruction, mais aussi d'avoir un droit de regard politique. La proposition faite par le Conseiller politique du président Moubarak, Oussama al Baz, d'avoir un rôle dans la rédaction de la nouvelle constitution de l'Irak, en est l'indice tangible. En effet, après avoir reçu les sunnites arabes, représentés par l'ancien ministre irakien des Affaires étrangères, Adnane Al Bajohji, le premier ministre du département kurde irakien, Barham Saleh, le Caire a accueilli une importante délégation de l'organisation chiite “ Haut Conseil de la Révolution Islamique ” de Mohamed Baker al Hakim. Dans ce contexte, force est de rappeler que des dirigeants de cette formation basée en Iran, se sont rendus dans la capitale égyptienne en octobre dernier où ils ont rencontré le général Omar Soulaïmane, responsable des services de renseignements. Les représentants de ce courant religieux modéré sont conscients de l'importance et de l'influence de l'environnement arabe sur l'Irak. De là vient la déclaration de Ibrahim Hammadi suite à sa rencontre avec le ministre égyptien des Affaires étrangères Ahmed Maher. Le dignitaire chiite a tenu à préciser qu'ils “ ne sont pas pour un régime irakien calqué sur celui de l'Iran ”. Une position qui ne fait que réconforter les Egyptiens qui cherchent avec d'autres pays arabes comme l'Arabie Saoudite, la Jordanie et la Syrie à aider à instaurer un Irak démocratique, unifié sur leurs frontières communes. En bref, toutes les déclarations émanant ces derniers jours de la part des responsables égyptiens confirment à quel point le Caire est attaché à jouer un rôle primordial dans l'Irak de demain. Car cela fait partie de sa géopolitique. Il n'est pas question pour l'Egypte ni pour les pays arabes cités –malgré l'hégémonie américaine et la faiblesse du système arabe régional- de voir naître un Irak partagé entre communautés religieuses ou différentes ethnies. Un danger à terme pour tout le monde. Les craintes du voisinage arabe d'un gouvernement religieux ou ethnique a poussé celui-ci à anticiper, en se répartissant les rôles. Alors que la Jordanie utilise tous ses contacts privilégiés, notamment en Angleterre et aux Etats-Unis pour écarter Ahmed Jalabi, l'Arabie Saoudite promet aux factions irakiennes influentes d'apporter son aide nécessaire au redémarrage de l'appareil économique. De son côté l'Egypte s'engage à apporter son savoir-faire dans les domaines administratif, judiciaire et même moukhabarat. La réception d'Adnane Al Bajohji par le roi Abdellah II de Jordanie, du président Hosni Moubarak, de Cheïkh Zayed ben Sultan (Al Bajohji réside à Abou-Dhabi depuis 23 ans) est un message à qui de droit pour faire comprendre que le président du “ Rassemblement des irakiens indépendants ” est le candidat du système arabe pour gouverner l'Irak. De longues discussions avec Washington ont fini par convaincre l'Administration Bush qu'Al-Bajohji est le dénominateur commun. Le seul capable de diriger un gouvernement de transition. En dépit de la promotion, jusqu'ici réussie de cette personnalité qui vient de rentrer à Baghdad à bord d'un avion d'un chef d'Etat arabe, la partie n'est pas encore gagnée. Car Jalabi, soutenu toujours par le Pentagone, tente de s'opposer à la nomination de ce démocrate, intègre, contrairement à lui. Mais ce que Jalabi craint le plus, c'est un retour arabe sunnite et en force sur la scène irakienne. C'est pourquoi il a menacé de dévoiler sur la place publique des dossiers scandaleux sur les relations des responsables arabes avec Saddam Hussein. Le Kurde Jalal Talabani va aussi dans le même sens pour la simple raison qu'Al Bajohji est contre toute forme d'Etat fédéral qui pourrait se recouper avec le rêve séparatiste, aboutissant à la création d'un Etat Kurde au nord. Cette dernière est refusée par l'entourage aussi bien arabe que turc et iranien. Une telle configuration pourrait entraîner la région et l'Irak dans des guerres de cent ans et… plus. L'imposition de Bajohji par les Arabes, avec bien entendu le consentement américano-britannique sera un indice significatif concernant, d'abord l'unité de l'Irak, et, de là, son avenir. Dans tous les cas de figure, les Arabes ne peuvent pas céder là-dessus. Ils auront toutefois une capacité de nuisance à tout projet contradictoire avec leurs intérêts géopolitiques, ce, malgré leur faiblesse à l'heure actuelle.