Dans le cadre d'un hommage à Mohamed Abdelouahab, Mohamed Ali se produira à Paris, à l'Institut du Monde Arabe, les 20 et 21 novembre prochain. Parmi ses mémorables refrains l'incontournable «Lamkhantar». Pour changer de répertoire et s'attaquer à la chanson marocaine en «zajal» (dialecte), il a fallu à Mohamed Ali une remarque pertinente de la part de son ami d'enfance Ahmed Tayeb Laalej. Ce dernier lui conseilla, en plaisantant, de ne pas négliger son «capital», c'est-à-dire sa culture marocaine, musicalement d'une richesse innouie. «C'est comme si j'avais reçu une gifle, moi qui ne jurais que par le classique arabe». C'est dans ce contexte qu'est née la chanson «Lamkhantar». Par proposition de son auteur, Jamal Al Ouazzani, alias Zine Elabidine Al Ouazzani Attouhami, réalisateur à la radio et parolier notoire qui fréquentait l'ensemble des artistes qu'ils soient auteurs, compositeurs ou interprètes, Mohamed Ali a décidé de composer et de chanter un morceau du terroir. Une fois le texte en main, il se mit au travail, cherchant la manière de lui trouver l'habillage adéquat. Et ce ne fut pas difficile pour ce fils du fond de la médina de Marrakech avec sa place Jamaa El Fna, cour des miracles où on peut écouter tous les chants et tous les rythmes du royaume. Après son enregistrement à la radio avec l'orchestre national et son succès immédiat chez le public, on conseilla à Mohamed Ali de la sortir dans le commerce. Un jour, il débarque chez Philips à Casablanca pour leur proposer son produit. On le reçoit, on l'écoute et on lui explique qu'il lui faut au moins deux chansons pour sortir un 45 tours. Et avant de prendre une decision, ils doivent faire leur étude de marché, savoir qui est Mohamed Ali et s'il a un public au Maroc etc… La boite contacta Abdelouahab Doukkali qui n'a pas hésité à le cautionner. Il connaissait la valeur et les qualités de l'artiste. N'ont-ils pas travaillé ensemble sur «Habib al jamahir», Mohamed Ali faisant partie des choristes de ce morceau mémorable. Philips finit par lancer sur le marché le 45tours de «Lamkhantar», avec sur la pochette le portrait du chanteur signé par Mohamed Maradji. Les fans se l'arrachent et il est aujourd'hui une pièce rare qu'on ne retrouve que chez les collectionneurs. Dans les archives de la télévision, on trouve une version en noir et blanc filmée en studio et une soirée à Tanger datant du début des années soixante dix. Mohamed Ali entonnant Lamkhantar, accompagné par les musiciens Egyptiens de la troupe Al Massia sous la direction d'Ahmed Fouad Hassan. On sentait qu'ils avaient du mal à jouer le refrain avec sa rythmique, inspirée du patrimoine populaire. Le concert était en plein air et les feuilles de notes sur leur pupitres s'envolaient. A chaque fois que le chanteur sentait leur embarras, il faisait appel aux choristes marocains pour sauver la situation. Ainsi est l'histoire de «Lamkhantar». Crée dans les années soixante, il reste l'un des refrains les plus fredonnés par les Marocains. ■ Mohamed Ali une voix en or Né à Marrakech, Mohamed Ali apprit tout jeune les Sayed Darouich, Abdelouahab, Oum Keltoum et Farid al Atrache qu'il chantait en famille ou dans les mariages de ses voisins et amis. De retour de Fès où il avait assisté au mariage de l'un des fils Ghallab, son père Moulay Ali Lâatabi et un ami de la famille faisaient escale à Casablanca. Ils s'attablèrent un après-midi au fameux Riad du coté de Bab el Kébir pour siroter un verre de thé à la menthe et admirer Ahmed Zniber et son Takht (orchestre de chambre) avec les Smires, Akif, Tantaoui et autres Mustapha Hariri. Profitant d'une pause, l'ami de la famille et beau-père plus tard de notre artiste, proposa au maestro d'écouter le jeune Merrakchi. Et ce fut la première fois que Mohamed Ali se produit dans un lieu public. Il charma l'assistance en interprétant avec sa voix suave et enfantine «mali foutintou». Séduit, Zniber proposa à son père de le garder. Débarqué à Rabat, il rejoint la radio comme choriste et chanteur tout en suivant les cours du conservatoire de la place Pietri, dirigé par Abdelwahab Agoumi. C'est là qu'Ahmed El Bidaoui l'initia au luth. El Gharbaoui lui compose «dikrayat», sa première chanson dont les paroles sont signées Ahmed Nadim, auteur de la mémorable «Molhimati». Suivent des compositions d'Ahmed Bidaoui, Mohamed Benbrahim (al firdaws al mafqoud), Abdenbi Jirari (Rafiqati)… Mohamed Ali finit par s'initier à la composition et crée les «Hrouf Zine», «Kadoukh allia», «El walf», ainsi que l'inoubliable «Lamkhantar…