Conçue pour Abdelouahed Smili, interprétée par Ismail Ahmed, «machi adtek hadi» a fini par devenir synonyme de Abdelouahed Tetouani. Ahmed Tayeb Laalej et Abdelkader Rachedi sirotent un thé à la menthe à la terrasse d'un café tangérois. Ils discutent de choses et d'autres. En fouinant dans ses poches, A.T Laalej fait tomber un papier. Rachedi le ramasse et le lit. Il savait, étant donnée leur amitié et complicité, que ça ne pouvait être qu'un poème. Et c'était le manuscrit de « machi adtek hadi ». « J'ai envie de le composer », lance à Laalej qui lui répond qu'il s'agit d'un texte en dialectal et que ce n'était pas dans les habitudes du maître de composer ce genre. Abdelkader Rachedi, à l'époque, maniait plus les créations du regretté Mohamed Belhoucine. La chanson a été destinée, au départ, à Abdelouahed Smili. Homme d'affaires, mélomane notoire, amis des artistes qu'il convie à sa maison et grand mécène devant l'éternel. Il était incollable sur Mohamed Abdelouaheb et interprétait au luth, comme personne, « Koulli da kan lih ». Bien que le texte soit en zajal, Abdelkader Rachedi l'habilla d'une composition orientale avec un style purement marocain. Il utilisa les mêmes composantes de « Koulli kida kan lih » avec une maîtrise du rythme qui dépasse, d'après les connaisseurs dont Abdelouahed Tetouani, le travail de Mohamed Abdelouahab. Le hasard a voulu que c'est Ismail Ahmed qui finit par la chanter vers les années 62/63. Outre la radio, le public la découvre en direct des studios de la télévision, situés à l'époque au dernier étage du théâtre national Mohammed V. Un 45 tours sort chez Ourikaphone et se vend comme des petits pains. Parmi les fans du refrain, Abdelouahed Tétouani qui rejoint Abdelkader Rachedi et l'orchestre de Tanger, fondé en 1964. Le maestro lui confie plusieurs chansons dont « Machi adtek hadi ». Depuis, le fin et élégant artiste tétouanais la chante avec grâce en y intégrant ses interminables Mawal. Et son nom finit par devenir synonyme du refrain. ■ Abdelkader Rachedi Le maître des rythmes Abdelkader Rachedi, contribua dès l'indépendance, en compagnie des Fouiteh, Abdelouahab Agoumi, Ahmed Bidaoui et autre Mohamed Benabdessalam, à la création d'un genre nouveau dit « Asri. ». Natif de Rabat d'une famille traditionnelle et mélomane, son enfance a été bercée par les Noubat andalouses et le Tarab Gharnati, les textes du Melhoun et les veillées du Madih et Samaâ qu'organisait une mère Haddaria. Il intègre le conservatoire Moulay Rachid et s'initie, d'une manière plus professionnelle, à tous ces genres, épaulé par les maîtres de l'époque, Najarou, Sbiaâ…Plus tard, Abdelkader Rachedi participa à la constitution des premiers orchestres, à la découverte des nouvelles voix et à la composition des premiers refrains de notre mémoire. Il salua le retour de Mohammed V par « Oudta ya khaira imam » et composa la pièce de « Rraksat al Atlas » (la danse de L'Atlas) en 1948. Morceau musical original où il mixa la musique arabe orientale (Maqam Rast) et la musique andalouse marocaine (Insiraf mizan btaihi). Connaisseur des textes de la poésie arabe classique, des Mouachahats andalouses et du Zajal de terroir, Abdelkader Rachedi excellait dans le genre spirituel avec des morceaux mythiques tels « Min dai bhak » de Mohamed Lahyani, « Al matal al ali » de Ismail Ahlmed et « Ya taliîn lajbal » de Abdelhadi Belkhiat. Comment citer toutes les chanteuses et chanteurs marocains ayant bénéficié de son imaginaire fertile et créatif ? Les archives de la radio nationale sauvegardent pas moins de 330 compositions du maître des rythmes.