Relations tendues avec l'Occident, rôle perturbateur dans la région, enfin prosélytisme poussé dans le monde musulman, l'Iran se fera isoler. L'Iran reprend sa stratégie conflictuelle des années 80. La gestion du dossier du nucléaire, intransigeante au-delà du raisonnable, puisqu'elle ne cherche même pas à s'appuyer sur les divisions entre l'Europe et les USA, est instrumentalisée pour une mobilisation interne. Par Hezbollah libanais et Hamas interposés, l'Iran cherche à devenir un acteur principal au Moyen-Orient. Téhéran sabote tous les efforts de paix, alimente la tension et par des extravagances d'Ahmadinajad, son président, renforce la propagande israélienne. Ce faisant, l'Iran a déjà mis en branle un axe le Caire–Ryad pour contrer cette tentative d'hégémonie perse. Aujourd'hui, au Moyen-Orient, il y a bien un problème iranien, une volonté de faire imploser les Etats où coexistent, jusqu'ici pacifiquement, sunnites et chiites. Car Téhéran utilise une nouvelle fois la religion et instrumentalise tous les chiites, censés faire allégeance aux maîtres de Téhéran et non à leur propre pays. Pire, même au Maghreb, et spécialement au Maroc, le prosélytisme suranné de l'Iran fonctionne à grande vitesse. Les groupuscules chiites, un à deux milliers de personnes selon des sources bien informées, sont financés et appuyés par les services iraniens. L'ambassadeur dépasse souvent le cadre de sa mission pour s'immiscer dans les affaires internes du pays. Le Maroc, qui a toujours sauvegardé l'unicité du rite, a jusqu'ici maintenu un calme olympien face aux manigances iraniennes, mais les officiels ne cachent plus leur irritation, alors même que Rabat fait son possible pour renforcer les relations bilatérales. La stratégie des mollahs En fait, il faut faire l'effort de rechercher une logique au redéploiement iranien. Tout se passe comme si le clergé iranien revient à « l'exportation de la révolution » comme stratégie… de gestion du pays. Les efforts de modernisation, de réforme, initiés par l'ancien président Khatani, ont été balayés comme un feu de paille, les conservateurs ont choisi un populiste à la tête de l'exécutif, il joue de la question palestinienne pour restaurer l'aura d'une révolution islamique depuis longtemps en perte de vitesse. C'est sur le plan interne que cette stratégie de la confrontation est intéressante à appréhender. Ce sont des centaines de milliers d'iraniens qui assistent aux discours enflammés, interminables, du nouveau président iranien. Celui-ci reprend à son compte les slogans du début de la révolution. L'Occident, Israël, les régimes arabes, sont désignés comme l'ennemi d'un processus enrayé depuis longtemps. Ce contexte a non seulement permis aux conservateurs de reprendre tous les leviers du pouvoir en Iran, il a aussi mis en veilleuse les revendications de la société. Tout appel à la démocratisation, à l'ouverture est dès lors assimilé à une trahison. La jeunesse, les femmes avaient exprimé un très fort désir de démocratisation. Le discours populiste, mobilisateur certes, cache mal la volonté de renforcer la chape de plomb. Pour éviter une trop grosse pression occidentale, et non pas par principe internationaliste, l'Iran s'implique dans la situation en Irak, au Liban, en Palestine. En pleines négociations sur le nucléaire, le ministre des Affaires Etrangères Iranien a dit textuellement «si les Américains se montrent plus souples, nous ferons en sorte qu'ils perdent moins de soldats en Irak». Cette déclaration avait choqué Jack Straw, chef de la diplomatie britannique à l'époque. D'autant plus que ce sont les soldats britanniques qui sont stationnés en zone chiite. La bombe et la fierté nationale Les Américains, aujourd'hui, affirment que l'Iran a le matériel nécessaire pour fabriquer la bombe atomique. Ils ajoutent tout de suite qu'ils ne le permettront jamais. Ehud Olmert avait proposé à Bush une frappe préventive à la fin de son mandat avant l'agression de Gaza. Tous ces éléments sont utilisés pour mobiliser une opinion publique au patriotisme à fleur de peau. Le soutien, le financement, du chiisme au Maghreb en général et au Maroc en particulier, relève d'une stratégie tout aussi agressive. Les courants chiites sont d'abord des courants politiques à la solde de Téhéran. Les motifs religieux cachent mal une volonté expansionniste, celle d'avoir une cinquième colonne dans ces pays. « L'exportation de la révolution », devient une stratégie belliciste tendant à donner à Téhéran des cartes dans son jeu de poker menteur et rien d'autre. Le Maroc ne peut subir cette infiltration sans réagir, pour plusieurs raisons. D'abord parce que le champ religieux est structuré depuis des siècles par un rite unique. C'est un élément de cohésion sociale important, d'autant plus que la monarchie assume aussi la commanderie des croyants. Ensuite parce que l'Islam politique, dans ses différentes variantes, est déjà un problème sécuritaire au Maroc, et qu'aucun état souverain ne peut admettre sur son territoire des courants politiques à la solde d'un Etat étranger. Enfin, le Maroc a d'autres ambitions sur la scène internationale que celle de servir le jeu iranien. La diplomatie marocaine a jusqu'ici tout fait pour éviter l'imbroglio naissant au Proche-Orient. Sur le plan bilatéral une réelle volonté de développer la coopération avec l'Iran est affichée. Mais quel Iran? Quand celui-ci se dirigeait vers une certaine normalité, qu'il s'engageait à respecter la souveraineté des Etats, qu'il recherchait le développement, le Maroc a été l'un des premiers pays à accompagner cette démarche en renforçant la coopération bilatérale. Aujourd'hui on assiste au retour de l'Iran belliciste, qui lorgne sur les territoires de ses petits voisins les incitant à la course aux armements, qui reprend ses rêves d'une révolution islamique qui mettrait la région à ses bottes. Cet Iran-là, dont les ambassades se transforment en officines finançant des groupuscules chiites, n'est pas très amical et doit être traité en tant que tel. Téhéran joue aujourd'hui avec le feu. Sa stratégie de confrontation avec le reste du monde aboutira fatalement à l'isoler, y compris dans la sphère arabo-musulmane. C'est une stratégie suicidaire même si l'illusion populiste est renforcée par la mobilisation de l'opinion interne. Il suffit de voir à quel point l'économie de ce pays est dépendante de ses voisins en vue de contourner le blocus pour trouver la stratégie débile. Le clergé n'a pas de projet pour l'Iran autre que le maintien de son propre pouvoir et les prébendes qui vont avec. ■