Avant les municipales, de véritables bouleversements d'alliance se préparent. Certains partis n'en sortiront pas indemnes L'alliance PAM-RNI a accouché d'un puissant groupe parlementaire, représentant le tiers des sièges. La démarche démocratique voudrait que ce groupe dirige la coalition majoritaire, mais nous n'en sommes pas là. Les partis politiques ont un autre agenda, celui des élections municipales. Cette bataille sera cruciale et préfigurera les rapports de force de 2012. La conjoncture politique a mis sur la table la question des alliances. Le projet d'El Himma, celui d'un grand pôle libéral prend forme et incite les autres à se rassembler. La Koutla n'est plus qu'un cadavre politique, elle ne se réunit plus que pour donner des alibis à quelques chefs en perte de crédibilité. Les partis qui la composent vivent l'une des crises les plus aiguës de leur histoire. L'Istiqlal a reporté son congrès pour tenter de trouver un consensus. Abbas El Fassi veut briguer un troisième mandat et doit pour cela, changer les statuts du parti. Son argument est simple, son départ du secrétariat général le déstabiliserait à la Primature. Ses troupes ont même proposé une nouvelle formule qui consisterait à élire un secrétaire général adjoint, garder El Fassi jusqu'à la fin de sa mission à la Primature, ensuite il cédera la place à son adjoint. Une forte opposition existe menée par des ténors de l'Istiqlal. La bataille qui fait rage a fini par écœurer les troupes, les démissions s'accumulent et l'appareil tangue, d'autant plus que les sirènes du PAM exercent de l'attrait sur les néo-Istiqlaliens. La gauche et ses débris L'USFP n'est pas en meilleure condition, loin s'en faut. La deuxième mi-temps de son congrès ne sera pas une formalité. La lutte pour le poste de Premier secrétaire n'est que la partie visible de l'iceberg. Le congrès devra tenter de répondre à de vraies questions politiques, quasiment identitaires. C'est ce que réclament les bases, qui n'ont aucune envie que le congrès se résume au choix d'un nouveau chef, qui sera contesté le lendemain. Les autres partis ne sont pas non plus dans des eaux calmes. En fait, tous les partis marocains sont en crise larvée, parce que le choc des élections du 7 septembre 2007 n'a pas été assumé et n'a pas eu de réponse politique adéquate. Mais aussi parce que la gestion rentière des structures partisanes a atteint ses limites et que donc beaucoup d'aspirations individuelles, ont été contrariées. Des alliances imprévues Sur ce champ de ruines pointe la question des alliances. Et en vérité cela ressemble plus à une comédia dell'arte, qu'à une refondation du champ politique. Ainsi, Mohand El Ansar a annoncé que le Mouvement populaire passera une alliance avec le nouveau groupe El Himma-RNI pour les élections municipales de juin 2009. Il y a quand même un hiatus, le MP est dans l'opposition et ses futurs alliés sont le premier groupe de la majorité parlementaire. D'ailleurs, cette alliance devrait aussi inclure le surprenant UC, qui aura survécu à Driss Basri. Or, l'UC est dans l'opposition depuis l'alternance. La seule lecture rationnelle, c'est qu'une nouvelle majorité de droite se prépare. C'est en tout cas l'analyse que font certains dirigeants de gauche. Mais ce flanc du champ politique ne fait pas dans la cohérence minimale non plus. Ainsi, le PPS qui, bien malgré lui, adoube deux ministres, a un groupe commun avec le FFD, qui, lui, est dans l'opposition parce que personne n'en veut au gouvernement. Le même PPS mène une action plus lisible, sa tentative de ranimer une union à gauche. Encore faudrait-il que l'USFP veuille bien de cet ancrage-là, car une union de gauche sans l'USFP, cela n'a aucun sens. Mais à l'USFP, Driss Lachgar et beaucoup d'autres, militent pour une alliance avec le PJD. Cette alliance contre-nature n'est plus une lubie. Au sein de l'USFP il y a un discours, réducteur, qui séduit en cette phase d'absence de leadership et de vacuité intellectuelle. Ce discours, très simpliste, s'articule autour de deux idées : - Le contrat avec la monarchie était léonin, l'USFP a sacrifié son aura pour rien et l'Istiqlal n'est pas un allié fiable. Seul El Yazghi soutient le contraire. - Fouad Ali El Himma agit contre l'USFP et le PJD, et ce dernier est le seul parti de militants. C'est donc en s'alliant à ce parti que l'Ittihad pourra retrouver les Forces populaires. Un gouvernement out Ce raisonnement est bien évidemment vicié, comme ceux qui fondent toutes les alliances en cours de bricolage. Les choses étant ce qu'elles sont, le Maroc va entrer dans l'histoire, puisque sa majorité gouvernementale va se diviser, s'allier avec l'opposition, sans que cela ne choque personne. Cela n'est pas nouveau, puisqu'en 2003 l'Istiqlal a fait faux bond à l'USFP dans toutes les grandes villes, y compris Rabat et que les réalités locales l'ont emporté sur le national. Cette fois c'est d'alliances nationales qu'il s'agit, ce qui met la formule gouvernementale en dehors de la démocratie, telle qu'elle est perçue partout dans le monde. Ce gouvernement, très chahuté dès sa naissance parce que les partis ont été humiliés et que des proches du palais ont pris un malin plaisir à le faire savoir, est déjà en situation délicate. L'Istiqlal n'a plus le premier groupe parlementaire. La nouvelle alliance peut faire tomber ce cabinet quand elle veut. Elle ne le fera pas, parce qu'elle n'a aucune autonomie politique, sans feu vert de l'autorité centrale. Mais Abbas El Fassi, sait qu'il est sous la coupe de cette alliance. Combien de temps peut durer cet équilibre ubuesque ? ■