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Algérie : 5 Octobre 88 :«Un chahut de gamins» qui mit fin au règne du FLN
Publié dans La Gazette du Maroc le 03 - 10 - 2008

L'été de cette année 1988 était plutôt calme. Aucun évènement notable à signaler et c'est justement durant cette période estivale que se préparait le séisme de l'automne qui allait ébranler pour la première fois le régime. La rentrée sociale fut marquée par de folles rumeurs. On parlait même de coup d'Etat pour faire face au mécontentement populaire.
Il faut remonter au début de l'année 1985 pour situer les véritables causes de cette crise. C'est en janvier que le prix du baril connaît la dégringolade ; 16 dollars. C'est toute l'économie algérienne qui allait être fragilisée et bien entendu, la crise sociale faisait ses premières victimes, ce sont les ouvriers qui paieront le prix fort : les licenciements massifs et des départs volontaires vont précipiter les choses. Tout était prêt pour la révolte : il fallait un signal, celui-ci pouvait venir du PAGS, le seul parti d'avant garde qui activait dans la clandestinité ou même des islamistes qui occupaient déjà le terrain. Et c'est finalement le président Chadli qui sonna le glas. Devant la colère grandissante du peuple contre le pouvoir d'achat, le président de la république s'adressa à la nation dans un discours télévisé. Le premier magistrat du pays demande aux citoyens de résister et de faire face aux spéculateurs. Le message était on ne peut plus clair.
La nuit du 04 octobre : la nuit du
destin
Les premières manifestations sont signalées à Alger; les enfants de Bab ElOued prennent l'initiative et c'est toute la casbah qui suit. Le peuple est dans la rue pour faire face à la répression. A l'aube de cette journée du 5 octobre, on dénombrait les premières victimes parmi les manifestants; le sang des Algériens coule dans les rues de la capitale. L'armée tirait à bout portant sur ses «gamins». Les tenants du pouvoir vivaient pour la première fois dans la panique, car c'est toute l'Algérie qui allait prendre le relais pour dénoncer les assassinats de civils. Annaba et Constantine à l'Est; Oran et Tlemcen à l'ouest l'Algérie était à feu et à sang. Les manifestants n'avaient peur de rien, même des chars qui prirent position autour des édifices publics; rien ne pouvait arrêter ce peuple, qui, après avoir subi les affres de la colonisation, vivait sous le joug d'une dictature unique dans le monde arabe.
Le FLN parti unique servait d'instrument de propagande, ses militants étaient de véritables miliciens. Confortés par le sinistre article 120, ils faisaient la pluie et le beau temps. Les entreprises nationales qui ont coulé étaient dirigées par ces rentiers du pouvoir qui contrôlaient le syndicat unique (UGTA) et les fameuses cellules installées au niveau de chaque administration et de chaque unité de production. Devant cette deuxième révolution populaire, le pouvoir était à terre, certains dignitaires du régime s'apprêtaient à quitter le pays, des ministres furent malmenés et humiliés. On leur a tout simplement rasé le crâne comme des «collabos» au lendemain de la libération
Les islamistes au secours du pouvoir
Alors que tout paraissait fini pour ce pouvoir corrompu et décadent, les islamistes entrent en scènes pour récupérer les dividendes politiques. Tous les Algériens se souviennent de cette image à la télévision, montrant Ali Belhaj n° 2 du FIS en tenue de combat, reçu au ministère de la Défense avec tous les honneurs d'un conquérant, à un moment donné, on s'acheminait peut être à un compromis à la soudanaise et c'est ainsi que les événements d'octobre furent deviés au profit de la mouvance islamiste qui se chargea de calmer les émeutiers et tout le pays. Les généraux savaient que seuls les islamistes étaient capables d'une telle mission de sauvetage. Le contrat fut respecté et le régime sauvé par ses propres ennemis. Peut-on parler d'une ironie du sort, certainement pas. la suite on la connaît. Les premières élections verront la victoire écrasante des islamistes du FIS aux législatives. Le parti de Abbas Madani exige la démission de Chadli, qualifié de «mesmar djeha» par ses détracteurs. C'est la première et fatidique erreur des islamistes. Les janviéristes passent à l'acte les élections annulées, le FIS dissout, ses dirigeants emprisonnés et c'est le début de la tragédie nationale.
1999-2008 : le FLN ressuscite
par le clan d'Oujda
L'assassinat de Boudiaf et la démission forcée de Zeroual, dévoilent au grand jour les dissidences au sommet. L'image de l'Algérie est ternie; les droits de l'homme sont bafoués, disparitions et exécutions sommaires sont dénoncées par des ONG. L'Algérie est isolée et devient infréquentable. La grande muette fortement impliquée dans cette tragédie, a besoin d'un sauveur pour sauver l'image de marque du pays d'un million et demi de martyrs. C'est le général Larbi Belkheir qui se chargera de cette mission, en ramenant Bouteflika de son exil.
L'élection présidentielle de 1999 verra la participation de sérieux candidats, tel Taleb Ibrahimi. Ils seront sept à briguer le poste d'El Mouradia. Coup de théâtre ; en plein scrutin, les autres candidats annoncent leur retrait de la course en dénonçant la fraude massive. Bouteflika fera cavalier seul et sera élu président de la république. L'ex-parti unique revient au pouvoir et le pays replonge dans la pensée unique. Vingt ans après les événements du 5 octobre 1988, les choses n'ont guère évoluées. Des partis politiques qui se cherchent une opposition muselée, un Parlement de façade et des attentats suicides qui ensanglantent le pays. Ceux qui sont nés en octobre 1988, ont aujourd'hui 20 ans, l'âge des harragas. Les enfants sont morts en martyrs pour ce pays. Si l'histoire officielle les ignore, le peuple se souviendra de ce chahut de gamins» qui a fait trembler une dictature et mis fin à l'ère du parti unique.


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