A trois semaines de la tenue du prochain sommet arabe à Damas, les tiraillements et les chantages entre l'Arabie Saoudite et l'Egypte, d'un côté, et le pays organisateur, la Syrie, de l'autre, ont atteint leur apogée. La Syrie est déterminée à organiser cet événement du 28 au 30 mars 2008. Les tentatives du Secrétaire général de La Ligue Arabe, Amr Moussa, qui a visité Damas et rencontré le président, Bachar al-Assad, son adjoint Farouk al-Charah et le chef de la diplomatie, Walid al-Mouallem, pour les convaincre de reporter le sommet de deux ou trois mois, le temps d'assainir le climat inter-arabe, ont été vouées à l'échec. Les Syriens ne veulent rien entendre, surtout après avoir reçu, ces derniers jours, la confirmation de la part de plusieurs Etats arabes qui ont répondu présent. Il s'agit, du Qatar, de l'Algérie, de la Libye, du Yémen, du Soudan, et même de l'Irak. Ces derniers ont tous annoncé qu'ils seront représentés au plus haut niveau. Ce qui a consolidé les positions de la Syrie, et l'a incité à plus de fermeté. Les propos conciliants et diplomatiques qu'on entendait, il y a quelques semaines, des responsables syriens, ne sont plus à l'ordre du jour aujourd'hui. Ils sont désormais remplacés par un durcissement, mesuré certes, notamment, après que le Premier ministre, ministre des Affaires étrangères qatari, cheikh Hamad ben Jassem ben Jabr Al-Thani a déclaré que le report forcé du sommet de Damas aux calendes grecques, constitue un précédent à éviter à tout prix. Car, une telle éventualité risque de briser à jamais, une solidarité arabe déjà ébranlée. La participation confirmée de ces Etats arabes va sans doute encourager ceux qui gagnent encore du temps pour voir plus clair et, par là, à se décider. Ce qui a apparemment contraint les sept pays qui devaient se réunir à Charm al-Cheikh ou au Caire, la semaine prochaine, à nuancer leur discours. Une source proche de ce front arabe, formé d'Arabie Saoudite, l'Egypte, la Jordanie, le Bahrein, le sultanat d'Oman, les Emirats Arabes Unis et le Koweit, - ce dernier qui avait déjà affirmé que son émir, cheikh Sabah al-Ahmad Al-Sabah participera personnellement à ce sommet- a indiqué, lundi dernier, que les pays du Golfe seront présents si l'invitation est adressée au Liban. Reste à savoir au nom de qui celle-ci sera envoyée en l'absence du président de la République ? Alors que l'on s'interroge si cette invitation sera transmise par la voie de La Ligue Arabe - tout comme celle d'Arabie Saoudite- sera-t-elle adressée au président du Parlement, Nabih Berri, qui fait partie de l'opposition ou au chef du gouvernement, Fouad Sanioura, qui gère les affaires courantes avec le consentement de la majorité parlementaire, les proches du Patriarche maronite Nasrallah Sfeir ont laissé entendre que celui qui doit diriger la délégation libanaise au sommet devra être chrétien et maronite. Car, c'est du droit de cette communauté qu'il s'agit après la création du vide au sommet de l'Etat, en raison du conflit entre majorité et opposition. Ce qui complique encore plus la situation. Ceci donne à la Syrie des alibis supplémentaires lui permettant de jouer sur le facteur «temps», comme l'habitude. Vers la crise Les médiations des uns et des autres n'ont rien donné jusqu'à ce jour, souligne Amr Moussa, qui mise toujours sur une initiative, même de dernière minute, de la part du Raïs égyptien qui sauvera les meubles et la solidarité arabe. Cependant, un responsable d'un pays du Golfe, qui faisait partie d'une délégation qui a visité Damas le mois dernier, a indiqué que le problème ne consiste pas pour les Etats contestataires d'assister au sommet, mais de ne pas permettre à la Syrie de présider le Sommet durant un an. Les chefs de ces pays estiment qu'une telle éventualité renforcera les positions du régime syrien qui n'est aucunement prêt à rompre son alliance stratégique avec l'Iran. Les pays voisins de l'Irak, notamment l'Arabie Saoudite et la Jordanie, craignent déjà les répercussions de la récente visite du président Mahmoud Ahmedinejad à Baghdad. D'autant que les massacres de Gaza, accompagnés du silence total des pays les plus concernés, comme l'Egypte et la Jordanie, ne font que consolider les positions de la Syrie qui soutient avec Téhéran, le mouvement Hamas. Le fait d'insister, par certains pays arabes, de placer la situation de Gaza en tête des priorités du jour du sommet, avant la crise libanaise ou l'Irak, affaiblira sans doute les arguments de ceux qui accusaient la Syrie d'empêcher de trouver une issue au problème libanais. Par ailleurs, on apprend de source saoudienne, que le chef de l'Etat du Qatar pourrait se rendre prochainement à Riyad pour rencontrer le roi Abdallah Ben Abdellaziz et, par là, le convaincre de faciliter la tenue du sommet. Dans ce même ordre d'approche, cette même source souligne que le chef d'Etat du Qatar va aussi préparer le terrain à la visite du chef de la diplomatie syrienne, pour remettre l'invitation au souverain saoudien. Pis encore, cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani va exiger que l'Arabie Saoudite soit représentée par son roi et pas par le ministre des Affaires étrangères, le prince Saoud A-Fayçal ou comme l'a laissé entendre un des leaders de la majorité libanaise, par son ambassadeur à Damas. Parallèlement, des rumeurs commencent à circuler au Caire évoquant la visite surprise du président syrien en Egypte, qui sera suivie par un déplacement conjoint avec son homologue, Hosni Moubarak, dans la capitale saoudienne. Ces informations demeurent toutefois une configuration loin d'être réalisable, étant donné les susceptibilités et les conflits d'influence et d'intérêt entre Damas et Riyad et plus particulièrement les dossiers libanais, palestinien et irakien. De plus, les saoudiens voient d'un mauvais œil le récent rapprochement entre la Syrie et la Libye. Ce qui rendra ces derniers de plus en plus méfiants parce qu'ils leur rappellent l'alliance tripartite du bon vieux temps avec l'Iran de Khomeïni. D'autant que le roi Abdallah Ben Abdellaziz évite de se retrouver dans la même salle du Sommet avec le colonel Kadhafi. Ce dernier, toujours accusé par les saoudiens de comploter contre leur souverain. D'ici le 28 mars prochain, date de la tenue du sommet, le monde arabe sera confronté à des vents et marées. Notamment, si Israel décide d'élargir l'éventail de ses agressions pour atteindre le Liban, et pourquoi pas la Syrie. Ce qui fera alors tomber le sommet à l'eau. Par ailleurs, si la Syrie trouve que «son» sommet n'a aucune chance de réussir, elle ripostera à sa manière à l'assassinat du leader du Hezbollah, Imad Mouggnieh, sur son territoire. Les autorités syriennes ont déjà laissé entendre que des suspects originaires d'un pays du Golfe sont impliqués dans cet attentat. Allusion faite à l'Arabie Saoudite.