La longue interview de Abbas El Fassi, secrétaire général du parti de l'Istiqlal, publiée par Al Ayyam dans son avant-dernière livraison, nous a laissés sur notre faim. Ni révélations intéressantes sur les tractations du dirigeant istiqlalien avec Driss Jettou avant la constitution du gouvernement, ni “scoup” sensationnel sur les rumeurs qui secouent actuellement le plus vieux parti du royaume. A l'entendre, tout se serait passé dans la clarté et la transparence. Et dans le respect absolu des choix et des orientations des organes dirigeants du parti. Même l'entrée en qualité de ministres de Ghallab et Douiri - patronymes éminemment istiqlaliens - dans le gouvernement ne semble pas poser de problèmes à Abbas El Fassi. Fini donc des voix protestataires au sein du parti. Elles ne comptent pas si on les compare aux 120.000 adhérents. Pris en tenaille entre le Premier ministre qui voulait des “technocrates” à tout prix et l'ardent désir de certains caciques du parti qui tiennent à ce que leurs proches soient ministres, Abbas El Fassi a fait pour le mieux, bien-heureux encore que M'hamed Boucetta et Hachemi El Filali n'aient pas trop insisté pour “caser”, eux aussi, leurs rejetons : ça aurait été trop et quand on sait que Abbas El Fassi est le neveu du fondateur du parti, Allal El Fassi, on peut à juste titre parler de “la grande famille istiqlalienne”. N'oublions pas que le secrétaire général ne s'est pas oublié et qui, comme les autres, a proposé ses services. Il a hérité d'un poste ministériel sans portefeuille et d'un titre ronflant de ministre d'Etat. On a beau se “remuer les méninges”, on n'arrive pas à comprendre comment il a pu, lui, si jeune, si actif, si compétent, s'accommoder d'un ministère sans responsabilités définies, sans secteur délimité à gérer, sans budget propre. Que va-t-il donc faire et à quoi va-t-il employer son temps de ministre ? C'était là qu'on attendait le nouveau ministre de l'Intérieur dans l'interview d'“Al Ayyam”. Et la réponse est venue, simple, concise et vaste de perspectives: Abbas El Fassi va s'atteler à la tâche énorme, surhumaine, nécessaire et urgente de “réfléchir et de proposer”. On le voit d'ici, dans l'étage presque anonyme où on l'a logé, cogitant fiévreusement, réfléchissant à outrance, tel le penseur de Rodin. On le voit suant sang et eau pour faire prendre forme à ses sublimes pensées. Pour le bonheur du peuple et du pays. Accessoirement pour la consolidation de la démocratie. Craignant seulement que, comme le dit Baudelaire, "les vastes éclairs de son esprit lucide, lui dérobent l'esprit des peuples furieux”. Le Maroc est sauvé : Abbas El Fassi va “penser” pour nous.