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VLADIMIR MAÏAKOVSKI : «ôte ton chapeau, c'est moi qui passe»
Publié dans La Gazette du Maroc le 06 - 10 - 2007

Il fait partie des poètes maudits. Grand chantre de la liberté, il subira le stalinisme de plein fouet et il s'en donnera la mort. Comme d'autres grandes figures de la poésie russe, Ossip Mandelstam ou Marina Tzvetaïevna. Disparu à 37 ans, Vladimir Maïakovski est la figure suprême de la poésie russe du XX siècle.
C'est un colosse. L'allure d'un gladiateur doublé d'un Rugbyman. Ce fils de forestier géorgien portait en lui, et très tôt, une sève amère qui va faire chavirer les acquis poétiques de la sainte Russie. Né en 1894, il a la chance de voir ce dix-neuvième siècle tzariste finir en s'effilochant. Sa révolution rouge à lui portera la marque de fabrique des masses. Comme son langage qu'il destinait au plus grand nombre, les gens du bas, du très bas, ceux du sous-sol, des trous, du macadam. Et pour ceux du très haut, il avait trouvé la bonne formule en fragment poétique acerbe: «ô toi ciel ôte ton chapeau, c'est moi qui passe.» Rien de moins qu'irrévérencieux. Avec la voix grondeuse de celui qui revendique une autre hiérarchie des valeurs. Socialisme primaire, nourri des premières grandes déflagrations de Marx, Engels et Feuerbach, léninisme aux abois, stalinisme meurtrier au faite de l'horreur, tout ceci Maïakovski en a fait une ligne de conduite pour tracer un chemin parallèle à la vérité du poète.
Le carcan stalinien
Dans un extrait de la préface de Claude Frioux pour le recueil de poésie à «Pleine Voix», on peut lire quelques passages très justes sur l'univers d'un poète engagé dans le sens mythique du terme: «La grandeur de Maïakovski tient à l'extraordinaire cohérence de son univers poétique. Une cohérence assidue, réfléchie, déterminante pour la charpente constitutive de son oeuvre. Une cohérence enfin à laquelle l'impulsion lyrique et idéologique ne cesse d'être subordonnée et intégrée.» Une œuvre de lutte poétique et idéologique. Maïakovski a cru au socialisme sans croire à Lénine et Staline. Il prévoyait la montée de l'état policier, des matraques, des esprits mutilés, du Goulag, des camps de la mort. Il savait que Beria allait décimer toutes les belles intelligences de la Russie. Il n'était pas dupe, le grand Maïakovski, mais naïf. Comme un gosse qui a trouvé en lui la force de dire non à tout, de l'assumer et d'en faire une ligne de conduite. Politique de la poésie, poésie politisante. Oui et plus encore. Comme Essenine, il connaissait le pouvoir terrible des mots et les maux que cela engendre. Mais il se devait d'expérimenter la poétique de la société. D'où son engagement, son militantisme, sa fougue, son amour du prochain, sa volonté de briser les carcans et d'installer une vision humaine du socialisme. Peut-être l'unique forme du socialisme qui soit viable. Mais il devait payer de sa vie pour le savoir, dans un sens comme Empédocle se jetant dans le volcan pour savoir.
La poétique du non
Il y a des gens pour qui la poésie est un mode de vie, d'autres une enjolivure du quotidien. Entre les deux, il y a la distance qui sépare l'esprit de l'objet de la création. «La poésie, c'est comme le radium, pour en obtenir un gramme, il faut des années d'effort», écrivait Maïakovski pour résumer le sacrifice de toute une vie pour le verbe. Mais il ne s'agit pas là de mots, mais de situations qui trouvent racine dans l'existence. Alors quel rôle peut jouer le poète pour porter ses idées au-delà des contingences ? Il peut démasquer, démystifier, engendrer le changement, faire vaciller les acquis, réfléchir le marteau à la main, mais un marteau sans maître, comme dira plus tard, un allié substantiel de Maïakovski, le poète René Char. Dans ce même ordre de défis, comme le conseiller Maître Eckhart : «il faut fracasser le crâne du créateur». Le chapeau à ôter quand l'homme fait son chemin fait partie de cette volonté à tout fléchir devant l'humain. Maïakovski a porté son projet jusqu'au bout. Et au bout, il y avait le geste final. Le point de non-retour. Le suicide philosophique dont parlait son aîné Dostoïevski dans les Possédés, lui, l'avait incarné, dans les lettres et les arts russes. Mais Vladimir n'est ni Kirilov, ni Chatov, mais un homme du Gai Savoir, un être dont la poésie se situe au-delà du bien et du mal. Paroles de feu devant la barbarie, l'esclavage humain, la production en série du semblable et du faux semblable, la poésie du non telle que Maïakovski l'a incarnée est surtout une vision du monde à venir. Dans un sens, l'univers d'Orwell s'inspire beaucoup de ces fragments apocalyptiques, mais riches de beauté, qui ont fait des scansions de Maïakovski, des incantations sans sacré.
Un pistolet pour
le refus
Maïakovski n'est pas un adorateur de Diane. Il n'est pas Breton, encore moins Aragon et d'autres figures fantomatiques de l'éloge du noir. On n'attend pas l'incarnation de l'horreur pour expérimenter sa vilenie. On la devance. On est alors poète ou faiseur. Lui, le Géorgien l'était. Visionnaire, prophétique et sourcier. Porteur d'eau qui meurt avec dans le creux de la main à peine de quoi étancher un siècle de soif. Quand il parle des étoiles, il a cette grâce de dire : «Ecoutez ! Puisqu'on allume les étoiles, c'est qu'elles sont nécessaires à quelqu'un ? c'est qu'il est indispensable, que tous les soirs, au-dessus des toits, se mette à luire seule au moins une étoile»? Dans quel firmament ? Pour quelle constellation ? Peu importe, nous sommes avec un pionnier du désastre. Alors que le monde éclate et brûle et part en fumée, l'homme doit rester la dernière ressource à préserver. Maïakovski y a cru comme d'autres inventent des divinités. Sauf que pour lui, il faut faire endosser à l'humain la part de merveilleux à réinventer. Tout est au futur, vision limpide de demain, dans un retour amont où l'on puise de quoi éclairer tant d'aurores qui n'ont pas encore luit. Et quand vient l'impossibilité, il faut tester son endurance. Le poète tente le geste ultime. Et du haut de sa haute stature de galérien, il reste debout, mort, mais érigé en refus.


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