Après le désenchantement inhibiteur des participationnistes du PJD et la fin tragi-comique des refuzniks d'Al Adl Walihsane, la tentation intégriste était-elle en train de finir en queue de poisson. Au profit de qui et quel avenir pour les mouvements islamistes ? C'aurait été une année de désillusions islamistes. Après le flop des visions 2006, et donc du programme politico-onérique des adeptes du Cheikh Abdeslam Yassine, ce fût le tour de la désillusion totale des amis de Saadeddine Othmani. Autoproclamée porteuse de message califal ou délibérément désignée par sondage interposé porte-étendard de la marée verte, chacune des deux fractions de l'intégrisme marocain a dû se remettre en cause et revoir sa deus machina ! Pour les amis de Saâdeddine Othmani la grande victoire qui les place irréversiblement sur l'échiquier de commande n'a pas eu lieu. Grisé par un présumé raz-de-marée électoral, le Parti de l'islamisme légaliste s'est trouvé devant un fait national des plus banals : épouvantail pour les uns, alternative pour les autres, le PJD s'est avéré enfin, un parti comme les autres ou presque. Classé deuxième, il n'a pu obtenir que moins d'un million de voix. L'enjeu, plutôt inquiétant était en dehors des urnes. Dix millions d'électeurs marocains n'ont pas jugé nécessaire de faire le déplacement. Pis pour les protégés de Abdelkrim Khatib?: bien que rodée, la mécanique, tantôt caritative, tantôt prosélytique, n'a pas pu convaincre les foules. Loin s'en faut. Absolutisme Le décompte des voix a été favorable à une tendance nationaliste conservatrice menacée pourtant par le dynamisme intégriste. Nombreux étaient les observateurs qui décrétaient que le PJD fera sûrement une seule bouchée de l'électorat du vieux parti national. Et pour cause, dirait-on « érodé par la gestion des affaires, le parti bourgeois pieux manquerait de tonus et d'argument pour séduire », lit-on par ci et par là. Rien n'y fait, et la surprise, terme réfuté par les membres du parti, a eu lieu. «Le soir de la déclaration des résultats, a déclaré une militante islamiste à LGM, l'amertume islamiste n'avait d'égale que la consternation socialiste de l'USFP ». Pourtant, les islamistes ont péché par un optimisme sans borne ! La première place, parmi les partis ayant participé aux élections aurait créé un antécédent et une chance inégalée pour Abdelillah Benkirane et les siens. Entre autres acquis, notons d'abord et surtout « une normalisation politique » qui aurait beaucoup gagné d'un exercice de concertation et de négociations, comme en cours actuellement. Encore une fois, le PJD devait savoir attendre, alors que des voix et pas des moindres se font entendre pour dire qu'on a déjà fait le plein. Le PJD et son syndicat spirituel, auraient pâti de l'abstention des adeptes d'Al Adl Walihsane, de Yassine et leur désamour vis-à-vis de la direction PJD qui les a largués, sinon désavoués à maintes reprises. On s‘en souvient encore, des personnalités très en vue, tels Mohamed Yatim et Bassima Hakkaoui, ont publiquement tancé leurs frères de la Jamaâ. Le rêve prophétique des adeptes et le « grand soir » des Moubachirates, sorte de prémonition catastrophique y étaient pour beaucoup. Pendant une année, la Jamaâ et ses guides ont nourri le fantasme de voir un soulèvement public et surtout chaotique qui mènera les barbus aux commandes. Dur était le réveil. La chute, plutôt. La prophétie est restée telle, et les cercles politiques, devenus un vivier pour les cadres pieux et engagés ont vite été désertés. S'ensuit une hibernation qui a à peine dit son nom. L'appel au boycott des élections, lancé par le Cheikh et ses aides de camps, a surtout surfé sur « le vague» qui règne actuellement dans la vie politique. Erosion Pas plus qu'Annahj Addimocrati, regroupant les derniers maquisards de la guerre des classes, et ennemis jurés d'Al Adl Walihsane ! Les 70% des Marocains, soit quelque 10 millions, dont la majorité sont des jeunes, ne sont pas pour autant des inconditionnels du boycott « idéologisé». Un potentiel pouvant se radicaliser ? Possible, Mais dans une certaine mesure. De là à en faire des troupes à l'affût qui jureront fidélité aux islamistes, il y a un pas que l'observateur national ne peut pas franchir. D'autant plus que le destin interne, aussi bien pour les adlis-disparition du Cheikh- que pour les pjdistes- syndrome d'élitisme ambiant-risque sinon de plomber le capacité de séduction, du moins reléguer au second plan le souci d'un large ratissage.