Mohamed Elyazghi peut se targuer d'une victoire « stratégique » : la nomination de son frère ennemi Abbas El Fassi, le secrétaire général du parti de l'Istiqlal à la Primature le réconforte dans ses choix, et récompense un acharnement sans pareil à la défense de la Koutla. Pourtant, au sein du parti, les choses ne sont pas aussi simples et les débats vont bon train. L‘USFP serait-elle victime de son optimisme, celui de ses chefs. L'effervescence, juste après l'hébétement qui s'est emparé des militants à la suite de l'annonce du score final est déjà une réponse. Dans la passion, c'est le rêve qui compte et les socialistes en avaient à revendre. Mohamed Elyazghi, grand optimiste devant l'éternel, a promis pas moins de 60 sièges à ses camarades du parti. Les bureaux de vote, massivement désertés par les électeurs, ont apporté un démenti cinglant aux attentes socialistes. Classée 5ème force politique, l'USFP semble y croire péniblement. Le choc, pourtant non fatal, a semé la zizanie au sein du grand parti de gauche. Chèque en blanc Sonnée par un score inattendu, la base demande des explications. Au nord, théâtre, depuis l'annonce des listes locales des candidats à de fortes secousses, le secrétariat régional du parti a hissé haut la dragée. En mutinerie déclarée, les ténors locaux du parti ne demandent pas moins la « démission du bureau politique » et la tenue d'un « congrès national extraordinaire pour remettre en question l'état interne du parti », selon un communiqué rendu publique à l'issue d'une réunion plus que significative. Le même communiqué « salue la victoire des deux frères Mohamed Ouled Hammou et Mohamed Achboune », celui-là même par qui le rififi est arrivé. Histoire : Alors que le comité de travail, chargé par le Bureau politique pour statuer sur les candidatures avait choisi Mohamed Benabdelkader, le chef du cabinet de Mohamed Elyazghi, candidat du parti à la circonscription de Tétouan, Mohamed Achboune, maire de la ville de Martil, est applaudi par les militants de la région. Un bras de fer est engagé et ne connaîtra sa fin qu'avec l'annonce des résultats, la nuit du 7 septembre. Ils donneront raison aux mécontents. Réaction immédiate de l'appareil régional : exclusion du parti du vainqueur fraîchement élu et qui se fera dans un élan de solidarité qui se passe de tout commentaire, soutenu par les membres du secrétariat régional ! Au-delà de la revanche des apparatchiks régionaux, on craint que l'initiative ne fasse des émules au sein du parti. La chute, même qualifiée de momentanée par le premier secrétaire, risque évidemment d'obnubiler les esprits et pousser à la «?solution du pire », selon une expression d'un membre du Conseil national. Pire?? En fait, toute réaction démesurée a le risque de présenter le parti comme une formation démembrée, et sans option pour moyen terme. « Une éventualité qui pourrait pénaliser le parti » selon un membre du bureau politique. Et du coup, l'affaiblir en pleine négociation politique post électorale. D'autant plus, que les appels à une réintégration, purificatrice de l'opposition ne sont pas rares. Des pères fondateurs, tel Habib Cherkaoui, aux jeunes loups, à l'image de Soufiane Khairat, l'ex-secrétaire général de la jeunesse Ittihadia, en passant par la deuxième génération, on ne manque pas de partisan de la non participation. Renverser la vapeur Motif évoqué : la débâcle essuyée par le parti est en fait un message des électeurs, et donc « le décodage nous mène droit à la sortie », note Khayrat dans une interview publiée par Al Ahdath Almaghribia. « Le retour à la méthodologie démocratique, note cet observateur de la vie interne du parti n'est pas sans renforcer la position du premier secrétaire ». Non seulement parce qu'il a été toujours le défenseur de la koutla, mais également, parce que le parti ne peut déserter le champ gouvernemental alors qu'il faisait de la méthodologie démocratique une devise et une revendication ! La nomination de Abbas El Fassi en tant que Premier ministre, va immanquablement renverser la vapeur en faveur du Premier secrétaire. C'est lui, effectivement qui a négocié les clauses de la déclaration commune qui engage les trois composantes de la koutla (voir LGM de la semaine dernière). C'est lui, secundo qui veillait au grain pour que le contrat aboutisse. Et c'est lui, enfin, qui a été le premier à déclarer que la Koutla est «la première force politique», en faisant ainsi un atout aux mains du premier parti du royaume, le PI. Résultat : Alors que ses frères protestataires du parti l'attendaient au tournant du Conseil national, c'est un Elyazghi confiant et pour le moins ragaillardi par le retour à la méthodologie démocratique qui s'adressera aux siens. Une assurance qui influera certainement sur les développements ultérieurs, et qui lui donnera chèque en blanc pour négocier les portefeuilles ministériels accordés au parti socialiste. Pour ce qui est du programme, autre condition pour participer, la question n'est plus de mise maintenant, tant il est vrai que la koutla a déjà une plate forme pour gouverner !