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L'Avortement au Maroc : Enquête sur un tabou
Publié dans La Gazette du Maroc le 19 - 02 - 2007

Avorter au Maroc est un acte criminel passible de plusieurs années de prison. Voire de peine de mort. Pourtant, malgré les effets dissuasifs des lois, des centaines d'interruptions volontaires de grossesses ont lieu chaque jour dans des cabinets, des cliniques, chez des sages-femmes, entraînant parfois la mort de la mère. Les conditions d'hygiène sont inexistantes dans la plupart des cas surtout chez des médecins charcutiers pour qui le serment d'Hippocrate est un gage d'hypocrisie. Moyennant des sommes entre 1500 dhs et 6000 dhs, toute femme désirant avorter trouve un local pour se débarrasser de sa grossesse. Enquête sur un tabou entre mensonges et hypocrisie.
Un air délétère plane sur les affaires d'avortement au Maroc. D'abord la loi du silence régit le milieu médical et quand les langues se délient elles requièrent l'anonymat. Tout le monde condamne ce «faux tabou» qu'est l'avortement au Maroc, mais tout le monde se cache derrière une peur qui relève plus de l'hypocrisie face à un véritable débat de société. Tout le monde joue les redresseurs de torts, les alarmistes réformateurs, mais personne ne veut prendre ses responsabilités pour aborder le sujet avec plus de courage. À écouter plusieurs médecins, on croirait que la profession est gangrenée, que ceux qui osent dénoncer, en aparté, il faut le souligner, sont les bons et les autres, sont les méchants. En attendant, chaque jour amène son lot de curetages et son
pourcentage de morts.
D'abord quelques statistiques pour planter le décor : «Aucune étude statistique n'existe en la matière. On avance une moyenne de 1.000 gestes d'interruption par jour, relativement à l'ensemble du royaume». C'est ce qui se dégage des documents officiels du ministère de la santé. Un chiffre plutôt inquiétant qui en cache d'autres. Selon d'autres sources, surtout des médecins ou des infirmiers, ce sont des centaines de femmes ou de jeunes filles qui se font avorter chaque jour. Il y a des cliniques où cela se fait sans problème. Et souvent c'est chez le médecin lui-même que l'avortement a lieu.
«Aucun curetage ou IVG (Interruption volontaire de la grossesse) n'est sans risque. En médecine, le risque zéro n'existe pas.» Les médecins sont formels. Autrement dit, à chaque fois qu'une femme passe sur le billard, elle risque d'y laisser la vie. C'est aussi simple que cela, et selon le même médecin, «il ne faut pas se leurrer, les risques sont ou immédiats ou post-opératoires». (Voir encadré sur les risques liés à l'avortement) Pour s'en faire une bonne idée, un tour dans les locaux des tribunaux du Maroc, nous rafraîchit la mémoire. Des centaines, voire des milliers de dossiers et de jugements pour des avortements illégaux sont répertoriés. Ceux ou celles (médecins, infirmiers, jeunes filles, sages-femmes, qablat, etc) qui ne passent pas à travers les mailles du filet trinquent et croupissent en prison. (Voir encadré sur les affaires de justice)
Au cours de notre enquête, nous avons rencontré plusieurs personnes qui ont témoigné du danger encouru en cas d'avortement. Pour cette infirmière de Hay Mohammdi, les choses sont claires : «j'ai failli être emprisonnée parce que je travaillais dans un cabinet où le médecin pratiquait des avortements deux fois par semaine. C'est le médecin qui m'avait sortie de là en disant à la police que je n'ai jamais été mise au courant de ce qui se passait en mon absence». Le médecin en question qui a écopé de quelques mois de prison était très précautionneux. Les jours où il devait s'occuper des curetages, il faisait venir d'autres aides-soignants. (infirmières et infirmiers) pour ne pas prendre le risque de se voir dénoncer par ses propres infirmières. Mais quand une fille a failli perdre la vie suite à une intervention, la police a interrogé tout le monde. Il a fallu tout expliquer pour séparer le bon grain de l'ivraie. Et ce n'était pas une mince affaire. Saâdia, une autre infirmière, revient, elle sur d'autres épisodes noires de son parcours d'aide-soignante : «Je n'ai vu que des jeunes filles désespérées qui suppliaient le médecin de les aider à avorter. Des centaines de jeunes filles. Une fois, c'est une gamine de 15 ans qui est venue avec sa mère. Le médecin les a dirigées vers quelqu'un et la jeune fille a été délivrée.» D'autres cas sont similaires. Il s'agit de jeunes filles enceintes après un acte sexuel et qui doivent se débrouiller pour éviter le scandale, la colère des parents, des frères : «J'ai eu recours au curetage quand j'avais 22 ans. Je sortais avec un homme marié qui m'a payé l'opération. Il m'a demandé de me débrouiller parce que cela aurait pu lui causer de graves problèmes dans son ménage. J'étais naïve et je suis allée avec une amie chez un médecin à Derb El Kabir. Il a eu pitié de moi et m'a fait un curtage». Le bonhomme lui avait donné 2000 dhs pour se tirer d'affaire. Celui-ci a eu peur et a préféré arranger les choses avec une petite somme d'argent. D'autres filles racontent que «une fois enceinte, le mec te crache à la figure et te traite de pute. Moi, mon copain avec qui je sortais depuis 4 ans giflée et m'a mise à la porte en me disant que comme je baisais avec lui, je pouvais écarter mes cuisses à tout le monde. J'ai passé un mois à demander à toutes mes connaissances de m'aider. Je leur disais que j'avais un problème de santé. J'ai pu amasser la somme de 3000 dhs, et j'ai été voir un médecin qu'une sage-femme m'a conseillé. J'ai failli mourir. Je coulais. Ce n'étaient pas des saignements, mais une hémorragie. Une semaine après mon curetage, j'étais toujours malade. J'avais de la fièvre et mon vagin sentait mauvais. Une amie à moi m'a emmenée chez un gynécologue qui a diagnostiqué une infection grave. Il m'a dit que ce serait un miracle si j'arrivais à avoir des enfants». Le miracle ne s'est pas produit et Meryem n'a pas pu avoir d'enfants. Elle est mariée depuis 6 ans et son mari ne sait pas pour quelles raisons sa femme ne peut pas avoir d'enfants. De son côté, Meryem sait que son mari pourrait se marier avec une autre femme et demander le divorce. Ce qui est pire, c'est le poids de la culpabilité : «Tout cela est de ma faute. J'ai péché et aujourd'hui je paie pour ce que j'ai fait. C'est la vengeance de Dieu» On aura beau lui expliquer que Dieu est miséricordieux et ne tient pas rigueur à ses brebis, même les plus galeuses Meryem est convaincue que rien ne peut laver sa faute. Et elles sont nombreuses les filles ou les femmes comme Meryem qui vivent dans la terreur face à leurs parents, leurs maris, leurs frères, la rue, la société et Dieu. Des cas cliniques qui nécessitent de profondes thérapies, pourtant, elles sont forcées de se débrouiller toutes seules, écrasées par la loi du silence et la peur de se voir cataloguées comme putes. «Aucun père ne peut pardonner que sa fille tombe enceinte en dehors du mariage. Il peut la tuer ou alors la jeter à la rue.» confie une autre jeune fille qui a déjà eu recours au bistouri d'un médecin pas scrupuleux pour un sou. Ce qu'il faut retenir ici, c'est que malgré l'hypocrisie amiante, l'équation est claire : quand une fille est enceinte, elle n'a qu'à se débrouiller une somme d'argent allant de 1500 dhs à 6000 dhs, selon les médecins et les lieux où l'avortement aura lieu. Pour le reste, pas le moindre souci. «Je suis allée voir un médecin qui m'a répondu en riant que je n'étais ni la première ni la dernière. Il m'a demandé de voir avec la femme qui travaillait avec lui, ce que j'ai fait. Je suis revenue au bout d'une semaine, j'ai payé 3000 dhs et je suis repartie à la maison. Mes parents ne se sont rendus compte de rien. Mais moi, je pense au jour où je rencontrerai un homme qui veut se marier alors que je ne suis plus vierge ! Comment lui expliquer ce qui s'est passé ?»
Loi du silence
Quand on tente une lecture de la société marocaine face à l'avortement, on est frappé de plein fouet par l'hypocrisie qui fait office de morale. Une simple question à n'importe qui dans la rue (voir micro-trottoir) pour tester le pouls de la société toutes catégories confondues, riches, pauvres, ignorants, éduquées, jeunes, vieux, femmes, hommes… Une partie de la jeunesse ose mettre le doigt sur le véritable débat qui est la sexualité et ses corollaires au Maroc. L'autre partie se cache derrière la morale, la religion, les codes et valeurs sociaux. «Le cœur du sujet est la sexualité, assène un sexologue. Les jeunes n'ont aucune éducation dans ce sens. Ils doivent attendre le jour où un accident survient pour mesurer toute la gravité de la société où ils vivent. Modernes ou pas, je ne connais pas encore de Marocain qui va initier son fils ou expliquer à sa fille que la sexualité fait partie de la vie et qu'un jour il y a des mesures à suivre pour éviter certains problèmes». On voit mal une femme prendre en aparté sa fille (ou alors ce sont-là des cas rares) pour lui expliquer qu'un jour son corps va s'éveiller, qu'elle sentira dans le creux de son ventre le désir de la chair et qu'elle devra se protéger lors de la découverte du plaisir. Tout comme on s'imagine mal un père expliquant à son fils qu'il devrait se protéger et protéger sa petite amie en utilisant un préservatif. Même dans la théorie, c'est un sujet tabou. Pourtant tout le monde sait que les jeunes découvrent très tôt le monde du sexe et couchent, font l'amour, prennent du plaisir et ne peuvent plus réprimer le désir des sens. C'est la loi de la nature. C'est ainsi, et il ne peut en être autrement. «On met des œillères, nous explique cette femme psychologue qui exerce à Casablanca. Par pudeur, par honte, par ignorance, par peur, chacun de nous trouve un moyen pour éviter le sujet. Les deux côtés, c'est l'appréhension. Et les parents angoissent et les enfants sont livrés à eux-mêmes.»
Ceci d'un côté, mais il y a d'autres aspects où l'avortement est l'unique moyen. Chez les prostituées, il est monnaie courante.
Roulette russe
Certaines d'entre elles ont battu des records dans ce domaine et leurs matrices ressemblent à un terrain ravagé par des ustensiles médicaux d'un autre âge. Sans oublier que plusieurs sont celles qui, face à l'impossibilité d'avorter, gardent leurs bébés qui grandissent face à une société qui les juge, les persécute et leur jette tout le poids de la responsabilité sur le dos. De quel avenir s'agira-t-il après ? Un tour dans les orphelinats et les prisons pour jeunes suffit pour nous en rendre compte.
Devant une telle question, les réponses sont on ne peut plus absurdes. Tout le monde comprend les dangers liés à l'avortement, tout le monde se fait le chantre de la modernité, tout le monde veut se faire passer pour un saint dans l'arène, mais personne n'ose dire en un mot s'il faut ou non légaliser l'avortement. C'est à croire que nous sommes face à une société multi-céphale frappée du seau de la volonté certaine de ne pas s'engager dans un débat de société qui touche tout le monde, à la source de la vie et sans aucune exception. Au-delà des discours religieux qui sont clairs sur le sujet (interdiction), au-delà des lois qui peuvent être revues et corrigées (elles sont faites pour évoluer aussi), y a-t-il un discours citoyen, dénué de moralité et de démagogie, pour poser le fond du problème ?
Devant les centaines de morts survenues lors d'avortements, quelle est l'attitude citoyenne à suivre ? Dire que la loi châtie et punit ou trouver un remède à la base pour éviter la mort ? Dire que les lois sont figées, et donner l'image d'une société barbare, complice dans le silence ? La réalité est que les jeunes au Maroc font l'amour entre eux et souvent ne se protègent pas, non seulement dans le but d'éviter une grossesse accidentelle mais des maladies vénériennes, le Sida et autres maladies liées au sexe. La vérité est que les jeunes et moins jeunes découvrent le sexe en dehors du mariage. Ceci a toujours été le cas et à l'avenir ce le sera de plus en plus. Aucune loi au monde ne peut changer cet état des choses. Seule celle de l'hypocrisie. Mais une société qui se veut responsable se doit d'affronter ses propres absurdités. Face à l'inéluctable, l'attitude intelligente voudrait que l'on revoie nos cartes. Le législateur le sait, le ministère de tutelle en est conscient, le corps médical attend une clarté sur le sujet surtout que cette hypocrisie ouvre la voie à tous les dérapages mercantiles liés à l'avortement en toute illégalité. Des médecins, sans scrupules, se font de l'argent, des femmes et des jeunes filles meurent ou deviennent stériles, d'autres vont en prison et coûtent à l'état des charges supplémentaires…
Le manque à gagner, en termes d'économie pure est énorme. Le bon sens voudrait que tous les milieux concernés jouent cartes sur table et réfléchissent à des lois plus souples, inspirées de la réalité du pays. Et les cheminements des lois régissant une société sont un va-et-vient entre la théorie telle qu'elle est pensée par le législateur et l'impératif du vécu qui est une partie intégrante de toute promulgation de loi.
L'avis du médecin
Les risques liés
à l'avortement
Les séquelles physiques de l'avortement sont nombreuses, et mal connues en raison d'un «black-out» total sur le sujet. Pourtant, il est prouvé qu'un avortement augmente les risques de stérilité d'environ 10 % chez la femme. Les cas de décès dûs à des avortements légaux ou illégaux sont faibles, mais une femme a cependant deux fois plus de risques de mourir d'un avortement légal que d'un accouchement normal, et ceci à n'importe quel stade du développement de l'enfant. Dans plus de 5 % des cas, l'I.V.G (Interruption volontaire de la grossesse) induit des complications, dont les plus fréquentes sont la rétention (le corps de l'embryon n'est pas entièrement évacué de la cavité utérine) et les infections locales ou généralisées. La femme peut également souffrir de perforation utérine, déchirure du col de la matrice, hémorragies. De plus, les risques pour les grossesses ultérieures sont nombreux : doublement du taux de grossesses extra-utérines, et forte augmentation des risques de fausse-couche et de naissances prématurées. Cette proportion est doublée chez les femmes ayant subi 2 à 3 avortements. Il faut aussi savoir que les médecins classent dans les complications médicales liées à l'avortement ce qu'ils appellent le «recours itératif», c'est-à-dire la très forte probabilité pour qu'une femme ayant subi son premier avortement réitère une ou plusieurs fois Il y a aussi ce que l'on appelle : le syndrome post-avortement. Ce phénomène qui se traduit, souvent bien des années après, chez des femmes ayant subi un avortement, par un état dépressif et un effondrement des défenses immunitaires, a été mis en évidence à partir de constatations de pédiatres ou de pédopsychiatres. L'avortement a aussi de graves répercussions sur la relation mère-enfant, que la mère soit perdue face à un enfant dont elle ne sait pas comment s'occuper, ou qu'elle en fasse un enfant de substitution auquel elle s'accroche et qui n'a pas la liberté d'explorer le monde qui l'entoure. Cette attitude est manifeste chez les femmes dont l'enfant naît après un ou plusieurs avortements : la femme revit en même temps la grossesse précédente et l'avortement qui y a mis un terme.
L'Avortement au Maroc
Micro-trottoir
Souad.H, étudiante, université Hassan II, Ben M'sick :
«Je pense qu'il est important que dans une société comme la nôtre les femmes puissent avorter. Il faut dire que si la société le permettait réellement, elles pourraient faire ça de manière plus officielle. Malheureusement, ni les parents ni la société ne lui pardonneraient d'avoir avorté, et vas comprendre pourquoi!
Il faut à mon avis autoriser l'avortement comme dans d'autres pays avant le 3ème mois de grossesse et dans les règles de l'hygiène ».
Fatem-Zahra, infirmière :
«L'avortement ne doit pas être vu seulement du point de vue qu'on se débarrasse d'un être humain, où qu'on n'assume pas nos responsabilités. C'est un point de vue très religieux et toutes les religions concordent sur ce point. C'est un péché»
Khalid, R. informaticien :
«L'être humain est toujours exposé à faire des fautes dans sa vie, qui de nous peut contrôler ses désirs. On peut tomber enceinte, il faut que la société soit mûre pour le comprendre et non incriminer à tour de bras»
Belaïd, S, technicien :
«Je suis plutôt contre l'avortement. Quand même, ce n'est qu'une opinion personnelle et je ne cherche à forcer personne à l'accepter, et je ne chercherais pas à interdire l'avortement. Je suis pour une vie sexuelle pleine, sans culpabilité, pour que le sexe soit un plaisir et non un péché. Je pense que le sexe joue un rôle important dans le développement psychoaffectif des gens, et cela doit être décriminalisé »
Amina, R. journaliste :«Je suis pour les méthodes de contraception, la capote et la pilule. Puisque nous n'avons pas d'autres choix. Je crois qu'une sexualité responsable doit passer par l'utilisation de ces méthodes si on ne veut pas avoir d'enfants. Mais si on n'utilise pas ces méthodes, et qu'on laisse la nature faire son boulot, alors il faut assumer. Je suis contre l'avortement, car je vois l'enfant comme un cadeau du ciel, et je pense que je regretterais toute ma vie si je venais à mettre un terme à une grossesse ».
Aicha. B, libraire :
«Ce que je ne comprendrais jamais et que j'ai du mal à accepter, c'est le cas d'une fille qui couche avec son mec sans prendre de précautions de façon volontaire. Mais lorsque le bébé est conçu, elle décide d'avorter. Je pense que le fait d'avoir des rapports sexuelles avec quelqu'un implique une responsabilité. Utiliser un préservatif est vital, non seulement pour éviter une grossesse, mais aussi pour prévenir des maladies! Un couple qui, de façon volontaire, ne se protège pas, ne m'inspire aucune pitié. »
Badia. M, étudiante :
«Légaliser l'avortement laisse trop de liberté sexuelle à nos jeunes, et surtout laisse l'acte sexuel se dérouler le plus normalement possible. En somme, que l'orgasme ne soit pas un péché mais un plaisir.»
Ali.K, responsable
dans un call centre :
«L'avortement doit être légalisé pour qu'on joue carte sur table et pour que l'acte sexuel entre deux jeunes marocains se déroule le plus normalement possible loin de nos traditions et de nos habitudes. Et je ne suis pas en train de donner des directives et des conseils aux jeunes, c'est juste pour montrer à certains d'entre nous qu'ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent de leur vie et de vivre comme ils veulent et non pas de passer à côté de la vie, et ce en prétendant respecter la société marocaine. Il faut que les choses bougent dans ce sens. L'hypocrisie, il y en a marre».
Hamid, G. moniteur de sport :
«Il y a trois ans ma copine de l'époque m'a dit qu'elle était enceinte (les méthodes contraceptives ne marchent pas au 100%), et on a décidé de le garder. Aujourd'hui, même si ma copine est devenue mon ex, ma fille est la lumière de mes jours et je remercie chaque jour dieu dans mes prières de m'avoir offert ce merveilleux cadeau. Mais je respecte ceux et celles qui décident d'avorter, et je suis contre l'interdiction de l'avortement. Seulement, je préfère la prévention. Si on ne veut pas d'enfants, il vaut mieux choisir le meilleur moyen de contraception au lieu d'attendre d'être enceinte pour être obligée d'avorter».
Nisrine, assistante de direction :
«Les moyens de contraceptions ont des failles. Si ta capote lâche, si la pilule ne joue pas son rôle (elle n'est pas fiable a 100%) , une personne devrait avoir le droit d'avorter si elle ne veut pas de son bébé, et ce, en toute légalité...
Prenons l'exemple d'une jeune fille qui n'est pas encore mariée, elle couche avec son mec, elle tombe enceinte, son mec la largue, l'enfant ne sera jamais reconnu, la fille sera la risée de sa famille et du quartier, et après ça, cherchez à construire un Maroc meilleur. Prenons un autre cas, une jeune fille qui marche dans la rue, un mec l'agresse et la viole. La fille tombe enceinte. Pour ma part, si cela devait m'arriver, soit je me tue, soit je tue cet enfant. C'est mon enfant, mais je pourrais jamais le regarder sans penser à l'autre qui m'aurait touché, abusée, salie... Cette fille devrait arriver à tourner la page sur cette journée de sa vie ? Ce n'est pas avec un bébé sur les bras qu'elle le pourra. L'avortement, ce n'est pas seulement pour les couples mariés, pour les jeunes filles qui couchent... c'est aussi pour les autres... celles qui vivent dans l'ombre d'un événement de leur vie comme un viol ou un inceste. Bien sûr que les contraceptions ont des failles (oui, ils les ont, tous les moyens, je sais de quoi je parle... ), et bien sûr que je comprends que dans ce cas, l'avortement peut être la meilleure solution pour la personne concernée. Ma position contre l'avortement est purement personnelle, c'est mon choix de vie. Mais l'avortement devrait être permis, car je crois surtout en la liberté de chacun de choisir son chemin.»
Ce que dit la loi
Au Maroc, l'avortement provoqué ou l'interruption volontaire du cours d'une grossesse (IVG) est sévèrement réprimé. Le législateur consacre à cette pratique une série d'articles (449 et suivants du Code pénal). Les seules exceptions tolérées par la loi sont l'avortement spontané ou l'IVG nécessitée par la sauvegarde de la vie de la mère. En dehors de ces cas, la loi punit aussi bien la personne qui aide à interrompre une grossesse que la femme qui se prête à cet acte. Ainsi, celui qui se rend coupable de provoquer un avortement ou d'indiquer les moyens de le provoquer est puni d'une peine d'emprisonnement de 1 à 5 ans et d'une amende de 120 à 500 dirhams. Lorsque la mort en est résultée, la réclusion est de 10 à 20 ans. S'il est prouvé que le coupable se livrait habituellement à cet acte, les peines sont portées au double. Si le coupable fait partie du corps médical ou para-médical, il peut, en outre, être frappé de l'interdiction d'exercer temporairement ou définitivement sa profession. Concernant la femme qui s'est volontairement prêtée à un avortement ou qui a utilisé elle-même des moyens qui lui ont été indiqués pour avorter, celle-ci risque une peine de l'emprisonnement de 6 mois à 2 ans et une amende de 120 à 500 dirhams.
Quelques affaires devant la justice
Un médecin arrêté pour avortement illégal à Casablanca
En 2004, un médecin généraliste accusé d'avoir avorté plusieurs mamans qui désirent se débarrasser de leurs fœtus, a été traduit, samedi dernier, devant la Chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca. Selon des sources judiciaires, le médecin mis en cause disposait d'un cabinet au quartier Sadri, préfecture Sidi Othmane-Ben M'sik, à Casablanca, où il s'occupait d'avortements contre des sommes allant jusqu'à 1 500 dirhams. Les mêmes sources ont révélé que le mis en cause se débarrassait des fœtus après l'avortement de la mère en les jetant dans la canalisation des égouts.
Un médecin de Mohammedia condamné à 4 mois de prison pour avortement
La même année, la Chambre correctionnelle près le tribunal de première instance de Mohammedia a rendu son verdict contre un médecin généraliste de la ville condamné à 4 mois de prison ferme assortie d'une amende de 500 dh pour avortement illégal.
Un infirmier arrêté pour avortement illégal
Toujours en 2004, un autre cas éclate au grand jour. Il s'agit d'un dénommé Hassan, la cinquantaine, qui a pu ouvrir sa propre infirmerie au quartier Mimouna, à Settat où il procédait à des avortements en toute impunité. Selon l'enquête de police, il pourrait s'agir de plus d'une centaine de cas. Ce qui est avéré, c'est qu'il est parvenu à décrocher une autorisation auprès du ministère de la santé pour l'ouverture d'une infirmerie, juste pour changer les pansements et faire des injections aux patients. Très vite l'infirmerie est transformée en cabinet d'avortement.
En 2003, un autre cas défrayait la chronique à Ben M'sik-Sidi Othman, à Casablanca. Deux infirmières sont apretées pour complicité d'avortement avant d'être acquittées par la Chambre correctionnelle près le Tribunal de Première Instance de Ben M'sik-Sidi Othman ! Une fille enceinte est morte pendant que les deux femmes procédaient à l'avortement. 1500 dhs pour une vie perdue.


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