Il incarnait un socialisme populiste et populaire, révolutionnaire et progressiste, dont (la gauche de l'USFP proclamait depuis sa fondation en 1975. L'ancien chef de file de la fédération syndicale des postiers au sein de l'UMT, puis co-fondateur du parti de Abderrahim Bouabid a été assassiné en 1975, quelques mois à peine après la création du parti et dans la foulée de la récupération du Sahara: Comme celui du résistant du Rif Abbés Lemssaâdi en 1957, premier assassinat politique au Maroc indépendant, cet odieux assassinat, survenu il y a 32 ans n'a toujours pas été vraiment élucidé. Si Abbés Lemsaâdi, le chef de la résistance armée dans le Rif marocain, mitraillé par quelques uns de ses compagnons d'armes en 1957, était la toute première personnalité politique marocaine assassinée dés l'aube de l'indépendance. Omar Benjelloun, le syndicaliste de l'UMT et le militant progressiste de l'USFP, assassiné en 1975 est le tout dernier chef politique marocain ayant subi un tel sort et dans des conditions qui n'ont jamais été vraiment élucidées. Entre Abbés Lemsaâdi et Omar Benjelloun, il y a certes plusieurs similitudes mais aussi de grandes différences. Tous les deux étaient restés fidèles à leurs principes et conservaient jusqu'à la mort leur profil de révolutionnaires engagés. Mais si l'assassinat de Lemsaâdi est toujours imputé aux activistes révolutionnaires de la gauche animés par Benbarka, celui de Omar Benjelloun est attribué aux groupuscules d'extrême droite se réclamant de l'islamisme. Un Benjelloun ni bourgeois, ni aristocrate Quoi qu'il en soit, tous les deux ont disparu dans des conditions très obscures qui restent, jusqu'ici, à l'abri de toute procédure judiciaire conséquente, pouvant déterminer les auteurs, le climat politique agité dans lequel ces deux actes crapuleux ont été commis et quels étaient leurs vrais commanditaires. Omar Benjelloun était originaire de la ville d'Oujda. Il n'avait pas besoin d'aucune forme de soutien ou de «coup de pouce» pour opérer son ascension fulgurante, dans les multiples actions syndicales audacieuses en faveur de la classe ouvrière au niveau de sa zone natale de l'oriental et plus tard au niveau du Maroc. Même s'il s'appelait Benjelloun, il était loin d'être un fils de grande famille bourgeoise. Il n'était pas non plus, fils d'officier militaire où d'un quelconque homme du Makhzen. Il incarnait plutôt l'authentique jeune militant marocain de la fin des années cinquante. Il tenait toujours à se situer idéologiquement à réitérer à chaque occasion ses convictions politiques Marxisante et progressiste. C'est à lui que l'on doit la formule de la «guerre populaire de libération» et qui donna un sens politique aux valeurs de sincérité, engagement, fidélité à la cause et respect des principes. Ceux qui l'ont connu de près affirment que s'il avait voulu prendre le train de l'autorité et briguer des postes de responsabilités dans l'administration à tous les niveaux, il aurait pu le faire aisément. Il avait aussi la possibilité» d'émigrer et d'aller vivre en dehors du Maroc, comme l'avaient fait nombre de ses compagnons «Unéfpéistes» menacés de liquidation tout au long des années de plomb. Loin des pressions, des menaces quotidiennes, des intimidations, des arrestations, des actes de tortures. UNFP et UMT : de rébellion en rébellion Mais, par conviction, il choisira de rester et de vivre dans son pays, en homme conscient et avisé sur les risques et périls qu'il courrait en toute confiance, en des lendemains meilleurs pour le pays. Tous ses compagnons ne voyaient en lui qu'un éternel guérilleros et un infatigable troubadour, parcourant les villes, animant les réunions syndicales et les meetings et plaidant la cause des ouvriers. A la différence de tous ses co-légionnaires à la tête de l'USFP ; Omar Benjelloun n'a jamais adhéré au parti de l'Istiqlal et n'a même pas participé aux tractations et manoeuvres qui conduiront en 1959 à la fameuse scission et à l'émergence de la tendance Ittihadie sous l'étendard de l'UNFP : C'est d'ailleurs le seul parti qu'il compte dans son itinéraire politique. Car Omar Benjelloun se définissait beaucoup plus en tant que militant syndicaliste qu'en tant qu'homme politique. Il coiffait tout particulièrement la fédération syndicale des postiers dont les épopées et les bras de fer avec le pouvoir avaient défrayé la chronique tout au long des années soixante. Nombreux sont les militants de gauche qui continuent d'affirmer qu'il forçait le respect de ses camarades comme celui de ses adversaires. Dans le milieu syndical ainsi que chez la classe politique de gauche ou de droite, c'est sa crédibilité qu'il fera jouer en sa faveur auprès de la classe ouvrière qui le conduira à proclamer une rébellion au sein de la structure de l'UNFP, menée alors par feu Abdallah Ibrahim et son allié de l'UMT Mahjoub Benseddik, et d'être l'un des fers de lance du projet de refondation de ce qu'on appellera début 1975 l'Union Socialiste des Forces Populaires (USFP) sous le direction de feu Abderrahim Bouabid. Il a pu combattre sans répit ce qu'il appelait «la domination de la vieille garde au sein de l' UMT et milita de toute ses forces pour l'émergence d'un nouveau syndicat de gauche. Il s'appellera la Confédération Démocratique du Travail (CDT), le syndicat dont il a été le vrai initiateur mais dont il ne vivra pas, hélas, la naissance puisqu'elle n'a été proclamée qu'en 1978, soit trois années après son odieux assassinat. Le martyr d'«Al-Moharrer» et «Libération» Plusieurs fois arrêté, torturé et jugé à des peines souvent maximales, dont deux fois capitales, Omar Benjelloun avait également reçu un colis piégé alors qu'il assumait la direction des Quotidiens «Al Moharrer» et «Libération» les deux premiers organes officiels de l'USFP.` Et pourtant ceux qui l'ont connu affirment qu'il n'était ni communiste, ni extrémiste, ni totalitaire, ni anti-pluraliste, et encore moins anti-monarchiste. Au Contraire, il eut tout au long des années 73, 74 et 75, des prises de positions tranchées, des témoignages, des actes d'authentique nationaliste qui mena une action inlassable au service de la Marche Verte et pour la récupération de nos provinces sahariennes le 29 février 1975. Quelques mois à peine avant sa disparition. Trente deux années plus tard, le souvenir de Omar Benjelloun est toujours vivant même si de nombreuses questions persistent et demeurent sans réponses sur les conditions de cet assassinat et surtout de ses vrais commanditaires Traduit de l'arabe par Omar El Anouari