Kadhafi dément avoir quitté son pays. Le numéro un libyen a démenti les informations selon lesquelles il aurait quitté la Libye pour le Venezuela lors d'une brève apparition en "direct" lundi 21 février en fin de soirée sur la télévision d'Etat, depuis sa résidence de Bab Al-Azizia à Tripoli. "Je vais voir les jeunes sur la place verte. C'est juste pour prouver que je suis à Tripoli et non au Venezuela, et démentir les télévisions, ces chiens", s'est-il contenté d'affirmer en réponse aux informations diffusées lundi par plusieurs télévisions et médias internationaux, selon lesquelles il aurait quitté la Libye pour le Venezula, dirigé par son ami Hugo Chavez. Répression sanglante des manifestations. Aux premières heures de mardi, le calme semblait revenu dans la capitale Tripoli. La veille, les forces armées du colonel Kadhafi se sont engagées dans un bras de fer de plus en plus sanglant pour le maintenir à la tête du pays. Alors que les émeutes et manifestations contre le régime du dirigeant libyen ont gagné Tripoli pour la première fois depuis le début des troubles, des avions de l'armée de l'air libyenne ont ouvert le feu à munitions réelles sur des manifestants dans plusieurs sites de la capitale, faisant de nombreux morts, selon des témoins. Les forces de sécurité ont, quant à elles, mené une opération contre les "saboteurs et (ceux qui sèment) la terreur", faisant des morts, a confirmé la télévision d'Etat, sans en préciser le lieu. D'autres témoins ont rapporté des affrontements meurtriers dans les quartiers Fachloum et Tajoura, à Tripoli, l'un d'eux qualifiant les événements de "massacres". "Des hommes armés tirent sans distinction. Il y a même des femmes qui sont mortes", a-t-il précisé, ajoutant que les mosquées du quartiers diffusaient des appels au secours par le biais de haut-parleurs. La télévision officielle libyenne a démenti mardi les informations sur ces "massacres". "Ils disent qu'il y a des massacres dans plusieurs villes, villages et quartiers en Libye. Nous devons lutter contre ces rumeurs et mensonges qui font partie d'une guerre psychologique", est-il écrit sur un bandeau rouge qui passe sur la télévision Al-Jamahiriya. Ces informations "visent à détruire votre moral, votre stabilité et vos richesses". Des villes aux mains des manifestants. Selon la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), plusieurs villes du pays seraient tombées aux mains des manifestants à la suite de défections dans l'armée : Benghazi, Syrte – dont la chute a été démentie par des témoins –, Tobrouk, Misourata, Khoms, Tarhouna, Zeiten, Zaouia et Zouara. Les manifestants sont soutenus par une coalition de dignitaires musulmans libyens, le Réseau des oulémas libres de Libye, qui a appelé tous les musulmans à se soulever contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi. Le très influent théologien qatari d'origine égyptienne cheikh Youssef Al-Qardaoui a émis lundi une fatwa, appelant sur la chaîne Al-Jazira l'armée libyenne à assassiner Mouammar Kadhafi : "Que quiconque de l'armée libyenne peut tirer une balle sur Mouammar Kadhafi pour en débarrasser la Libye le fasse", a-t-il déclaré. Le bilan des affrontements s'alourdit. La chaîne Al-Arabiya rapporte que 166 personnes ont été tués dans la seule journée de lundi à Tripoli. Cela viendrait s'ajouter au bilan de la FIDH, qui fait état de "entre trois cents et quatre cents morts, probablement plus près de quatre cents" pour les cinq derniers jours. Démission du ministre de la justice. Le fils du colonel, Saïf Al-Islam, a estimé dimanche soir que le pays était au bord de la "guerre civile" et que l'armée ferait respecter l'ordre à n'importe quel prix, quitte à provoquer un "bain de sang". Preuve de l'instabilité qui touche le pays, le ministre de la justice, Moustapha Abdel Jalil, a démissionné de son poste "pour protester contre l'usage excessif de la force" contre les manifestants, a rapporté le journal Kourina dans son édition en ligne. Des militaires ont également fait défection, à l'image de deux pilotes de l'armée de l'air qui ont fui vers Malte. L'ensemble de la mission libyenne aux Nations unies a démissionné, à l'exception de l'ambassadeur. Ils ont demandé à Mouammar Kadhafi de quitter le pouvoir, ou "le peuple libyen se débarrassera de lui". Réunion du Conseil de sécurité de l'ONU. Le Conseil de sécurité de l'ONU va tenir une réunion à huis clos mardi pour discuter de la crise dans le pays, à la demande de l'ambassadeur adjoint de l'ONU en Libye, Ibrahim Dabbashi. La communauté internationale appelle au calme. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a appelé Mouammar Kadhafi à faire cesser les violences contre les manifestants. M. Ban "a réitéré son appel au respect des libertés fondamentales et des droits de l'homme, y compris le droit de réunion et à l'information". "Il a demandé aux autorités [libyennes] de s'engager dans un large dialogue pour répondre aux préoccupations légitimes de la population", a relaté son porte-parole. Le président français Nicolas Sarkozy, tout comme le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi, ont condamné "un usage inacceptable de la violence" contre la population civile. Les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne ont aussi condamné la répression dans un communiqué et la France a renouvelé son appel à "la cessation immédiate des violences" et "au respect du droit de manifester pacifiquement". Le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a de son côté appelé la Libye à mettre fin aux répressions contre des civils non armés et à répondre aux "aspirations légitimes" à un changement démocratique. De la même façon, le chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, a appelé à "cesser toutes les formes de violence". Les rapatriements se multiplient. Les pays européens réfléchissent à une évacuation générale de leurs citoyens. Lundi, un avion militaire portugais et un autrichien étaient en route pour Tripoli pour rapatrier leurs ressortissants ainsi que des citoyens d'autres pays de l'Union européenne. La France "étudie les moyens d'aider les Français" à quitter la Libye, a déclaré lundi soir le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Bernard Valero. "II est demandé à tous les Français de se signaler à l'ambassade et de rester joignable en permanence", a-t-il ajouté Sans attendre la position européenne, les entreprises étrangères présentes en Libye ont commencé à rapatrier leurs salariés. Parmi les pétroliers, l'Italien ENI, les Français Total et Vinci, le Britannique BP, le Norvégien Statoil et les Allemands Wintershall et RWE Dea ont procédé à l'évacuation de leur personnel "non essentiel". Selon l'armée autrichienne, l'espace aérien au-dessus de Tripoli aurait été fermé lundi soir. www.lemonde.fr