JDM : Le classique éternel, présentez-vous ? Votre rencontre... Casa-Crew : Masta flow (Simo), 24 ans ; Chaht (Youness) 28 ans ; et les deux absents, Caprice (Amine), 23 ans et J-OK (Marouane) 22 ans. C'est Chaht qui a pris l'initiative. A l'époque, la ville de Casablanca n'était pas très présente dans le milieu des medias autant que ville de jeunes rappeurs. Pourtant il y avait un certain niveau qui, malheureusement, restait insuffisant. Dans à cette époque-là, les rappeurs les plus connus étaient de Marrakech et surtout de Meknès. L'idée est née là. Chaht s'était dit qu'on devrait former un groupe d'artistes qui représenterait Casablanca et qui, au même temps, planterait ce grain artistique dans le milieu des jeunes. On avait de bons textes, mais on ne chantait que pour s'amuser, et nos chansons se contentaient de faire un tour dans les lecteurs de nos potes. L'idée de faire un produit qui comporterait un album de 15 chansons avec une pochette n'était pas encore apparue. Cette incapacité représentait notre point faible. Lorsque Chaht a fait sa proposition, il était avec wlad-casa, moi avec « vempirs killar squad », J-OK avec « Hell OUAF » et Caprice avec « Mafia-C ». Ces quatre groupes étaient les groupes phares à cette époque-là. L'idée était de composer un groupe avec un membre de chacun de ces groupes. Et c'est ainsi qu'aujourd'hui on est ensemble. JDM : Quel est votre style musical et quels thèmes abordez-vous ? Casa-Crew : on aborde des thèmes qui sont proches de notre société et surtout des jeunes. Notre objectif est de représenter les jeunes, les jeunes du rap. On essaie de produire un rap dur. Dur en flow (façon de chanter) et en textes. Pour d'abord faire écouter notre musique aux fans du rap avant de gagner un public plus large. Dans notre premier album « Al khatwa » (le pas), le flow et les paroles sont très secs, que pas n'importe qui peut écouter et en comprendre les paroles. Notre objectif fut donc d'arriver jusqu'aux jeunes des quartiers et les grands fans du rap. Pourtant on était très surpris lorsque ce premier album fut accepté non pas seulement par cette catégorie de jeunes, mais par un public plus large. Même ceux qui ont du mal à suivre le rythme des paroles, fredonnent la mélodie (rires). Le niveau qu'on a atteint aujourd'hui, on le doit à ce premier album qui a comporté 5 chansons. Ca nous a permis de comprendre qu'on était bien capables de produire quelque chose qui plairait au publique et que nous sommes bien aptes à aller au delà de ce niveau. Ceci ne veut pas dire qu'on avait un doute. A vrai dire, on était perdus. Une question revenait sans cesse : comment allions-nous nous organiser et faire les choses ? Il est vrai qu'à la sortie de « Al khatwa », les thèmes abordés étaient un peu nouveau, mais notre groupe avait quelque chose de différent. JDM : Vous ne suivez donc pas vos antécédents, vous apporter quelques chose de nouveau. Casa-Crew : Il y a deux avantages qui font avancer le groupe. Le premier est que nous ne ressemblons pas. Chacun a sa propre façon de chanter. Car chacun d'entre nous vient d'un quartier différent. Ce qui implique un style et un jargon uniques. Dans nos chansons, on retrouve cette diversité qui laisse écouter les mélomanes un morceau jusqu'à sa fin, car impatients à chaque fois de connaître le style du chanteur qui fera la réplique suivante. Et contrairement à d'autres groupes, qui viennent généralement du même quartier, donc ont le même jargon, les mêmes blagues, sont sur la même longueur d'onde, n'ont pas cette diversité. Ca crée une certaine monotonie. Le second avantage est notre ancienneté dans le domaine du rap. On a tous une longue expérience, nos débuts furent vers 1996 à peu près, et si on calcule ça nous fait 10 ans d'expérience. Sauf qu'à nos débuts, le rap était un passe-temps. J'insiste surtout sur notre diversité. Même en nous voyant marcher dans la rue, on constate cette dissemblance, présente notamment dans le style vestimentaire. Cette diversité extérieure est également dominante dans nos chansons, nos façons d'écrire et de rapper. J'aimerais ajouter que notre musique est une musique hip hop qui comporte des mélodies orientales. Ce qui la rend encore plus proche de notre culture marocaine. Elle est aussi de la pure production Casacrew. Il y des groupes qui se basent sur des morceaux américains et chantent leur paroles avec des mélodies américaines. Dans notre groupe, ce n'est pas le cas. C'est de la pure création. JDM : Vous rencontrez des problèmes financiers qui ralentissent votre carrière ? Casa-Crew : Oui, mais il n'y a pas de ralentissement. Car si on avait demandé, il y a encore quelques années, si le rap allait en arriver là, on nous aurait répondu : certainement pas. Néanmoins, il y avait des groupes qui ont espéré mais ont fini par abandonner. D'autres, grâce à leur courage et à leur passion pour le rap, ont pu réussir. Le but n'était pas de se faire de l'argent, mais prendre son plaisir à chanter. On a donc continué à chanter insoucieux si nos produits seront rentables ou pas. Depuis quelque temps, ce n'est plus le cas. Gagner de l'argent est devenu nécessaire à notre carrière. Car on en a beaucoup perdu. Notamment Chaht. Au début, ce besoin n'était pas essentiel. On composait, chantait et répétait dans ce petit monde qu'était ma chambre. Mais avec la famille et les voisins, ce n'était plus possible. Il a fallu qu'on emménage ailleurs et ce fut Chaht qui a trouvé un local avec de bons instruments musicaux. C'est ainsi d'ailleurs que notre boulot a fait émergence. JDM : L'état vous offre-t-elle des aides ? Casa-Crew : Non. Mais justement, j'aimerais parler de l'association qu'a créée Chaht. Son nom est « Union de la jeunesse » et sa mission est aider les jeunes talents. Parce qu'à nos débuts, nous, on n'avait aucune aide. Mais on a eu la chance de pouvoir travailler dans un climat favorable qui nous a permis de réaliser nos ambitions. Un climat que tant de jeunes ne trouvent pas. Notre mission est donc de mettre les jeunes dans des conditions favorables en leur préparons des instruments par exemple. Ce que ne faisons pour eux n'est pas gratuit, mais à un prix associatif. Car les opérateurs leur demanderont un prix qu'un étudiant par exemple ne serait pas capable de payer et qui ne chante que pour son propre plaisir. JDM : Quels jeunes choisissez-vous ? Et de quel milieu viennent-ils ? Casa-Crew : Ce ne sont pas nous qui les choisissons. Les jeunes viennent vers nous. Masta : Les jeunes qui viennent à l'association chantent dans divers styles musicaux et peuvent venir de n'importe quel milieu social. Même les enfants des riches bourgeois chantent du rap à l'association'. Ca va donc des jeunes bien éduqués et instruits jusqu'aux ex-prisonniers, qui généralement, viennent avec leur lourd passé de prison et découvrent ce nouveau truc qu'est le hip hop. Pour eux, c'est un moyen de s'exprimer et d'extérioriser leur rage intérieure. Ainsi au moins ils sont bien loin de la délinquance et c'est justement ça qui nous fait plaisir. JDM : Casacrew connaîtrait le même sort que zen9a flow et mafia C ? Une carrière solo pour chacun ? Casa-Crew : Dans notre groupe, on a une stratégie. Car on sait très bien, que tôt ou tard, cette étape de vouloir partir en carrière solo viendra. Pour le moment, notre stratégie consiste à sortir 3 albums. Ce qui ne nous n'empêche pas de former un groupe même plus tard. Exactement comme le groupe français « I AM », où chaque artiste fait des albums en solo tout en étant un membre du groupe. C'est très avantageux. Car comme on fait chacun des albums de son côté, il y a les fans de Chaht, les miens, ceux de J-OK, et ceux de Caprice, que seront tous réunis pour Casa-Crew. Ceci est donc un plus que les autres groupes du rap marocain n'ont pas. JDM : Parlez-nous de votre dernier album ? Casa-Crew : « Al Khatwa » fut notre premier album, notre premier pas ensemble, un travail réussi Dieu merci. L'idée de faire un album qui serait une empreinte dans l'histoire du hip hop et marquera l'histoire du rap marocain vint plus tard. On avait pensé de faire un travail que la génération de nos petits-enfants s'en souviendrait. Cet album, qui vient de sortir, s'intitule « Al Bassma » (L'empreinte). Ce fut le fruit d'un an de travail intense sans relâche. Avec cet album, on peut dire que nous étions très chanceux. Il y a encore quelques années, le rap marocain était très négligé et nul ne pensait qu'il aurait un tel succès. Le courage de notre agence, « Clic agency », a aussi été un coup de pouce. Nous avions signé un contrat de distribution d'un an. Sans notre agence, on allait faire le même travail, mais ça aurait dû être difficile de le réaliser sans sponsors, on aurait tout financé par nos propres moyens. Cette société qui a des connaissances dans le milieu artistique nous a permis de rendre notre travail meilleur. On espère que cela continuera. JDM : Des concerts en vue ? Casa-Crew : Pas mal de propositions et quelques contrats signés. JDM : Un dernier mot pour les internautes de JDM. Casa-Crew : Ce fut un plaisir de vous rencontrer, espérons que ce ne serait pas la première et dernière fois que vous intéressiez aux jeunes talents marocains. D'ailleurs je ne connais pas votre site, j'irais y faire un tour ce soir. Interview réalisée par amazing et Imane T.