Continuellement écrasés par la puissance et l'accroissement des quartiers riches, les quartiers populaires se font de plus en plus discrets et rares dans les villes marocaines. Et pourtant ce sont dans ces « mini » villages que l'on peut réellement observer un tout autre style de vie témoin des années passées et des anciennes générations desquelles il ne reste plus grand-chose aujourd'hui. C'est l'occasion de découvrir à travers leur quotidien comment vivent ces gens attachés à leur culture et aux traditions qui forgent depuis des siècles le caractère si spécial et si célèbre de notre pays. Quartier populaire ne rime pas toujours avec pauvreté et précarité au Maroc. Bien au contraire, les quelques cités encore appelées ainsi offrent à leurs habitants une vie des plus sereines et des plus paisibles dans un environnement purement traditionnel. Dans la plupart de ces quartiers ce sont de grandes et spacieuses maisons à l'architecture solide qui s'élèvent les unes à côté des autres. Généralement partagée en plusieurs habitations collectives, elles abritent de nombreuses familles locataires à moyen limité. Mais bon nombre d'habitants de ces petits villages possèdent également des maisons individuelles pouvant atteindre jusqu'à quatre étages. L'entretien de ces demeures n'est pas des plus évident dans un pays à climat tropical. En effet l'été, ces maisons ne disposent pas de système de climatisation et ce sont en général les fenêtres ouvertes qui apportent un peu d'air frais. L'hiver, ce ne sont pas des radiateurs qui réchauffent les pièces mais plutôt la chaleur du charbon de bois qui brûle dans une sorte de cuve en métal. Ce dispositif peut donner parfois par son odeur enivrante, l'impression agréable d'être assis près d'un feu de camp. Dans ces quartiers l'eau chaude n'est pas toujours présente mais cela n'empêche aucunement les habitants de vivre normalement. Ce détail pourrait même nous renvoyer à l'époque où le chauffage n'existait pas encore. Ces petites cités sont d'authentiques musées vivants qui témoignent du passé et nous fait voyager à travers le temps. Ainsi on y trouve à tous les coins de rue, des épiciers qui présentent sur leurs étalages toutes sortes de produits et d'épices, parfois même inconnus des habitants des quartiers riches. Tous les matins, les cris des marchands ambulants produisent un véritable concert de rue dans lequel chacun des vendeurs à son propre cri que les résidants connaissent par cœur. Œufs frais, menthe, poisson, bibelots, tout est bon à vendre dans ces petits marchés urbains. A ces échanges commerciaux bruyants, viennent s'ajouter les coups de marteau et le bruit des ponceuses des menuisiers du quartier qui travaillent en extérieur au beau milieu de l'allée. Le silence des aiguilles que manipulent les couturiers avec habileté et les ronronnements de la tondeuse du coiffeur viennent aussi se mêler à ce mélange de sons cosmopolites. Et les incontournables rires des enfants du quartier qui s'adonnent à toutes sortes de jeux avec des accessoires souvent fabriqués manuellement. Pas de jouets modernes ou électroniques et pourtant c'est une joie flagrante et un amusement extrême qui se lisent dans leurs petits yeux malicieux. Pendant que leurs petits jouent, les femmes s'occupent du foyer et notamment de la gastronomie. Là encore ce sont des anciennes pratiques qui jaillissent de leurs cuisines dans lesquelles elles préparent les repas les plus exquis. Le pain est pétri naturellement à la main puis envoyé au « ferrane », four populaire et commun dans lequel tout le monde vient faire cuire les aliments nécessitant une cuisson particulière comme les gâteaux et divers plats à préparation compliquée. Un endroit mythique qui reflète encore notre histoire passée. Tout aussi légendaire, on retrouve le célèbre hammam ou « bain populaire » qui accueille sans cesse les personnes voulant se laver, se purifier ou tout simplement se relaxer avec la chaleur que dégagent les différentes pièces de ce lieu historique. Un véritable temple de paix et de rencontre dans lequel les femmes comme les hommes passent plus de temps à discuter qu'à se laver. Dans ces quartiers, chaque jour qui passe ne se ressemble pas. Par exemple, le vendredi c'est jour de prière et du fameux couscous qui réunit perpétuellement à sa table tous les membres de la famille. Le dimanche c'est journée football pour les jeunes hommes de la cité qui s'improvisent attaquant, défenseur ou gardien de but en donnant à la rue un aspect de stade olympique. Pas si olympique que ça quand on constate que les cages du goal sont délimitées par deux imposantes bennes à déchets mais pour eux peu importe l'apparence du terrain, leur esprit sportif est beaucoup trop vif et présent pour s'arrêter à de pareilles futilités. Et puis n'oublions quand même pas que dans ces quartiers, c'est la convivialité qui prime avant tout. Tout le monde connaît tout le monde et tous les individus s'aident mutuellement. Admettons que par hasard vous vous baladez dans une de ces cités oubliées et que tout d'un coup vous être pris d'une énorme soif. Mais voilà, c'est vendredi et les épiciers et marchands divers sont fermés. Seule solution : vous n'avez plus qu'à frapper à l'une des portes qui se présentent à vous et demander à boire pour avoir par la suite un bon verre d'eau frais généreusement offert. Cela peut vous paraître dérisoire mais c'est ce qui fait le charme de ces quartiers populaires. D'ailleurs, les résidants des beaux quartiers riches racontent même ironiquement que ces cités ont leur propre monnaie tant elles sont uniques et coupées du monde moderne. Ce qui n'est pas totalement faux quand on sait que la principale monnaie courante qui circule est celle de la solidarité, de la convivialité et de la simplicité. Une devise qui différencie nettement les quartiers riches des quartiers populaires. Ces derniers sont des espaces où l'on n'a pas besoin d'exhiber une belle voiture ou une montre hors de prix pour obtenir l'estime et le respect d'autrui. Les habitants de ces endroits mythiques mènent une vie différente certes mais tellement simple et paisible dans un pays où bien des failles subsistent encore. Après tout, et si c'était vraiment ça le Maroc ?