Pièce de théâtre de Hicham LASRI K(amal) est un zonard, le stéréotype du Haitiste, jeune homme dans la fleur de l'âge qui se fane et s'émousse par désœuvrement, par paresse, par manque de volonté et d'espoir, l'exemple typique d'une génération qui n'a rien à défendre et qui se retrouve piégée entre le marteau du besoin et l'enclume de l'impuissance, entre le chômage technique, la drogue, la drague et les passe-temps des gens qui se sont décrassés les semelles sur le paillasson de leurs propres illusions... K coulait des jours sans nuances, longeant le chemin de la décharge de l'oubli, droit devant contre le mur de la perdition, jusqu'à ce que cette mécanique de déperdition s'enraye et que K se retrouve coincé, malgré lui, dans la Tierce-Zone. Une nuit agitée. Le sommeil aveugle de K est meublé par un rêve pénible qu'il passera sous le joug de Mohammed Bigbrother, un étrange personnage réac' et tyrannique qui tranche les têtes de ceux qui ne répondent pas correctement à sa question fétiche “ POURQUOI DORMEZ-VOUS ? ” Une poignée de têtes roulantes après, K se réveille en nage. Il est le seul survivant de ce massacre méthodique, il est le seul qui a donné la bonne réponse ; mais, sous l'effet de la terreur, son métabolisme se détraque, alors il se retrouve coincé dans la Tierce-Zone, un endroit à mi-chemin entre le monde du rêve et celui de l'éveil. Un endroit virtuel qui est en réalité le terrain vague, l'espace vierge qui peut faire office de mémoire volatile quand la machinerie onirique se détraque sous la pression... Il reste coincé dans ce monde virginal et immaculé où, livré à lui-même et à l'incompréhension, il va faire des rencontres déterminantes pour son avenir... Durant ce passage, K rencontrera MicroBsoft, le réparateur des rêves détraqués, appelé à la rescousse pour remettre en état de marche la passerelle qu'emprunte K et qui relie le monde du rêve à celui de l'éveil. Or, c'est la première mission de MicroBsoft en tant que "réparateur des rêves" et K, retors et cynique, se joue de lui et ne fait rien pour lui faciliter la tâche... Cette rencontre est un dialogue de sourds et MicroBsoft finira par avoir le dernier mot ; en communiquant au premier degré et avec sérieux, il transforme le cynisme enjoué de K en blagues stupides. Il finit par lui fourrer dans la tête qu'il est piégé pour une durée non déterminée dans cet endroit, alors que K croyait que ce n'était qu'une farce montée par ses camarades pour le mettre à l'épreuve. Avant de s'éclipser, MicroBsoft lui donnera un plan pour pouvoir s'échapper... Par la suite, K se retrouvera nez à nez avec Mannequin, une femme-objet tout droit sortie de ses phantasmes pornographiques. Elle est en quête d'amour et d'un soupçon de respect de la part de K mais, surtout, elle est contente de le retrouver. Fortement plongé dans la mare de ses pensées à harponner une solution pour s'évader, K la rejette, ce qui lui causera un immense chagrin et entraînera sa perte... Mannequin finit par mourir au moment où elle se croit libre, tandis que K réalise qu'il vient de perdre la seule femme qui a compté dans sa vie, bien trop tard... Le temps passe, K accuse le poids de l'âge et du remord ; livré à lui-même, à sa détresse et à sa schizophrénie, il commence à palper la gravité de son cas. Sa vie est un fiasco qui lui apparaît pour la première fois dans toute sa splendeur et son lugubre éclat. Il finit par se heurter à sa propre conscience, personnalisée en un homme qui porte des habits rayés de prisonnier, accablée d'un énorme handicap pour une langue de la raison : C'EST UNE CONSCIENCE BEGUE. Cette apparition plantera l'ultime clou dans le cercueil de l'ego de K en lui pointant l'échec qu'il a palpé de l'intérieur... Après chaque rencontre dans ce "monde en panne", K en sortira un peu plus atteint, plus meurtri et à chaque fois désarmé de ce cynisme qu'il brandissait contre le monde comme un bouclier, désarmé aussi de son hypocrisie qui l'immunisait contre l'amertume de l'échec... Au fur et à mesure, son armure d'arrogance et de bêtises se dépareille, se désarticule et tombe en miettes, mettant à nu un homme sensible qui a cannibalisé ses propres illusions pour pouvoir continuer à vivre. Un autre perdant dans l'énorme champ de bataille de la guerre qu'est la Vie. Un enfant lunatique qui a enterré ses rêves sous l'avalanche de son désespoir... Un homme cassé qui voulait se cacher la vérité : il est juste une autre poupée cassée dans la décharge de l'histoire en marche... REPERE GEOPOLITIQUE "Il n'y a pas d'Histoire, mais uniquement des historiens" Peter Greenaway “ Haïtiste ” est un dérivé du mot arabe “ Haït ” qui signifie mur. Dans le jargon de la rue, un Haïtiste est une sorte de grade dans l'échelle de la régression humaine. Le profil d'un Haïtiste est celui d'un jeune homme qui ne fait rien de sa journée et qui passe son temps adossé à un mur. Jour après jour, au rythme du flottement du temps qui passe et progressivement, il commence à faire partie du décor, accessoire inutile, conscience en hibernation. Homme battu sur le terrain de la survie et qui échoue dans la décharge mondiale des laissés pour compte. Ces murs de quartiers qui exhibent - comme des plaies vivantes - la désillusion de la société incarnée par ces jeunes qui consument leur temps à regarder défiler la vie sur l'autoroute existentielle qui passe juste devant... Le haïtiste est un guetteur passif de la société. Monument célébrant le chômage, la vacuité et le désœuvrement. Ce sont des adeptes du Trainspotting, ces gens qui regardent passer les trains sans jamais essayer d'embarquer dans l'un d'eux, au point de cultiver cet échec en sombrant dans un fétichisme creux qui consiste à répertorier les trains, conserver précieusement des informations inutiles sur les numéros de trains, les horaires, le nombre de wagons, le type de marchandises... Ils guettent le mouvement des éléments en Kit qui vont composer un futur ailleurs, loin d'eux et surtout sans eux... Dans le cadre d'un monde en mutation, ces Haïtistes restent le seul élément stable, immuable comme la conscience zen des matières non vivantes. L'équivalent des statues gréco-romaines dans un monde qui ne croit plus aux idoles, ni à rien d'autre d'ailleurs... “ Haïtiste ” est un dérivé du mot arabe “ Haït ” qui signifie mur. Dans le jargon de la rue, un Haïtiste est une sorte de grade dans l'échelle de la régression humaine. Le profil d'un Haïtiste est celui d'un jeune homme qui ne fait rien de sa journée et qui passe son temps adossé à un mur. Jour après jour, au rythme du flottement du temps qui passe et progressivement, il commence à faire partie du décor, accessoire inutile, conscience en hibernation. Homme battu sur le terrain de la survie et qui échoue dans la décharge mondiale des laissés pour compte. Ces murs de quartiers qui exhibent - comme des plaies vivantes - la désillusion de la société incarnée par ces jeunes qui consument leur temps à regarder défiler la vie sur l'autoroute existentielle qui passe juste devant... Le haïtiste est un guetteur passif de la société. Monument célébrant le chômage, la vacuité et le désœuvrement. Ce sont des adeptes du Trainspotting, ces gens qui regardent passer les trains sans jamais essayer d'embarquer dans l'un d'eux, au point de cultiver cet échec en sombrant dans un fétichisme creux qui consiste à répertorier les trains, conserver précieusement des informations inutiles sur les numéros de trains, les horaires, le nombre de wagons, le type de marchandises... Ils guettent le mouvement des éléments en Kit qui vont composer un futur ailleurs, loin d'eux et surtout sans eux... Dans le cadre d'un monde en mutation, ces Haïtistes restent le seul élément stable, immuable comme la conscience zen des matières non vivantes. L'équivalent des statues gréco-romaines dans un monde qui ne croit plus aux idoles, ni à rien d'autre d'ailleurs...