L'os de fer de Hicham LASRI est un film qui vaut vraiment le détour ! Et quand on sait que c'est le baptême du feu de ce jeune scénariste-réalisateur l'exploit revêt une importance d'une autre dimension : l'émergence d'une nouvelle génération de cinéastes qui peuvent garantir un bel avenir au cinéma marocain. Une production entrant dans le cadre de la « film industrie » (et dont le tournage a été déjà annoncé sur JDM), « L'os de fer » était très attendu par le public. Il raconte l'histoire de deux jeunes (Ash et Mikhi) de personnalités divergentes, mais partageant les mêmes soucis d'une jeunesse en panne de repères. Malmenés par le triste sort de leur copain Moulay à court de la dérisoire somme de 120 dirhams constituant le coût d'abonnement au bus et lui permettant de poursuivre ses études, les trois jeunes décident de réagir et de se lancer dans la quête du butin. Une quête qui les mènera à la rencontre de plusieurs personnalités de leur entourage jusqu'à ce qu'ils décident de prendre tout un bus en otage de leur désespoir… Par l'histoire de ces jeunes, on a essayé de dresser un tableau de la société marocaine sur fond de satire et de symbolique. Un cri de détresse au visage de l'indifférence et la stéréotypie avec les quels la société traite ses jeunes. Le film se livre à une critique farouche des diverses sujets sociaux comme les jeunes eux-mêmes les perçoivent. Le réalisateur (et auteur de scénario) a su doter le film de la profondeur et de la spiritualité indispensables pour approcher un sujet aussi complexe que la crise de toute une génération. Le scénario fait figure de l'aspect le plus maîtrisé de « L'os de fer ». En effet, les dialogues sont d'une grande sobriété, le jargon employé est très adapté au milieu de la jeunesse. La profondeur des répliques a donné toute sa crédibilité aux diverses situations dramatiques. En marge du déroulement de l'histoire, on admire des scènes où les personnages ont été soumis à une sorte d'auto-questionnement dans un décor d'interview télévisé, là aussi la puissance des mots est le mot d'ordre. En misant sur un casting de jeunes acteurs talentueux, le réalisateur a favorisé la compatibilité avec l'esprit du personnage sur tout autre critère. Pari gagné, les acteurs ont su transmettre toute la complexité de leurs personnages. Mention spéciale à Mustapha HOUARI au rôle de Mikhi et à Hassan Badida au rôle du malheureux-sympathique flic dont les répliques réussissent à vous extorquer un rire même dans les situations les plus dramatiques de l'histoire. Mais reste que la construction dramatique est le point qui empêche cette fiction d'accéder au rang de « chef d'oeuvre ». En effet, et bien que l'intrigue est assez originale en soi, la mise en scène a souffert de quelques défauts, à l'image de l'exposition (ou mise en situation) qui était trop longue. Aussi, on constate que des passages (tels que la scène de café ou celle de la plage zéro) sont lourds au point de casser le rythme du film, voir larguer les téléspectateurs nerveux (ou distraits). Sans oublier, que le turning point (ou point de renversement censé capter l'attention du public) constitué par la prise en otage du bus, n'a pas été mis en exergue et semble passé inaperçu et noyé dans les évènements. Bref, le film manque un peu de célérité, et il aurait été meilleur avec une cadence plus rythmé et une construction dramatique plus fluide. N'empêche que « L'os de fer » est un joli moment de cinéma qu'on conseille vivement à tous les cinéphiles, d'autant plus que c'est une production nationale réalisée par un jeune artiste très prometteur. Alors, Monsieur Hicham LASRI, et sans vouloir vous mettre la pression, je dirai qu'au vu de la qualité de votre baptême de feu, on s'attend déjà à une merveille en guise d'entrée en la matière. Bon courage ! Said EL MAZOUARI [email protected]