Le rapport tant attendu sur les événements d'Al Hoceima a enfin été dévoilé. Lors du Forum de la MAP ce jeudi 4 juillet à son siège à Rabat, le délégué interministériel aux droits de l'Homme, Ahmed Chaouki Benyoub, a présenté son rapport sur « les événements d'Al Hoceima et la protection des droits de l'Homme ». Photo : Mounir Mehimdate Le rapport de 65 pages, s'articule autour de six chapitres principaux notamment les faits relatifs au début et à la poursuite des événements ainsi que les données qualitatives, les détenus du Hirak du Rif à Casablanca et la garantie d'un procès équitable, le travail et les efforts des autorités et des institutions constitutionnelles ainsi que les rencontres de communication et les initiatives des acteurs civils dans ce dossier. Le 5e axe quant à lui, dresse un résumé sur le contexte, les manifestations, la mémoire et l'espace. Et enfin le 6e axe apporte des conclusions et des recommandations pour traiter le dossier d'Al Hoceima. Pour la préparation du rapport, Benyoub et son équipe se sont basés sur plusieurs sources, notamment la lecture approfondie des documents, des matériaux et des vidéos, ainsi que l'analyse des aspects structurels et les dimensions fonctionnelles. Plus de 200 vidéos ont été visionnées et analysées en profondeur, dont la durée de chacune varie entre 2 minutes à 15 minutes. Les vidéos traitées concernent les manifestations et les marches ainsi que les discours des activistes du « Hirak du Rif » prononcés dans les grandes places de la ville d'Al Hoceima. Il s'agit aussi de vidéos d'activités menées en Europe en soutien au « Hirak », des déclarations d'activistes d'Al Hoceima considérés comme étant les organisateurs et encadrants des manifestations, les Live de ces derniers sur les réseaux sociaux, et qui suscité des débats entre différents intervenants ou encore les débats des activistes du Hirak et analystes des événements diffusés sur les différentes chaines télévisées. Photo : Mounir Mehimdate Le rapport du président de la Cour des comptes, soumis au Roi Mohammed VI fait également partie des sources sur lesquelles s'est basé le rapport du délégué interministériel aux droits de l'Homme ainsi que les mesures prises par les différents ministères, notamment ceux de la Pêche maritime, de l'Education nationale, de la Santé et de l'Equipement, du Transport, de la logistique et de l'eau. Dans son premier chapitre, le rapport évoque Mouhcine Fikri, mort dans une benne à ordures le 28 octobre 2016, et les débats qu'ont provoqué les circonstances de son décès sur les réseaux sociaux notamment une information qui avance « qu'un policier a donné l'ordre au chauffeur du véhicule d'appuyer sur le bouton de la benne tasseuse, provoquant sa mort », soulignant que la direction générale de la sûreté nationale avait démenti l'information. La mort de Mouhcine Fikri était, comme le souligne le rapport, était l'élément déclencheur des événements d'Al Hoceima et dans la région du Nord en général. Les manifestations ont donc démarré le soir même de son décès, où des centaines de jeunes ont protesté non seulement contre le mystère autour de son décès, mais aussi contre les conditions sociales et économiques désastreuses que connait la région, peut-on lire dans le rapport. Le Roi Mohamed VI a donc ordonné, à la date du 30 octobre 2016, l'ouverture d'une enquête sur les tenants et aboutissants de cet incident tragique, a indiqué le délégué interministériel, qui a évoque pareillement la médiation des partis politiques et des associations dans cette affaire qui ont également appelé à l'ouverture d'une enquête. Photo : Mounir Mehimdate Dans le traitement de ces premières manifestations, le rapport présenté par Benyoub fait savoir que « le Wali de la région Tanger-Tetouan-Hoceima a interagi depuis les premiers jours avec les mouvements de protestation, en effectuant des visites sur le terrain et des rencontres avec les activistes, à la lumière du dossier revendicatif présenté par les habitants de la ville, mais cela n'a rien donné». Cela est dû à « la difficulté qu'a trouvée le Wali de la région, pour 's'interfacer' avec un porte-parole officiel des habitants d'Al Hoceima et s'engager avec lui dans un dialogue », a-t-il expliqué. Dans son premier rapport officiel sur les événements du Rif, Benyoub a, en outre, «loué les efforts déployés par les forces de l'ordre dans la manière avec laquelle ils ont interagi avec les manifestations durant les 6 premiers mois, en essayant au maximum de garder la situation sous contrôle et garantir les droits et les libertés avant que cela ne dégénère et trouble l'ordre public », refusant ainsi « toutes les accusations émises à l'encontre des forces de l'ordre concernant la violation des droits de l'Homme dans la région pendant la période de tension ». Dans ce sens, Benyoub a évoqué dans son rapport, « qu'aucune balle n'a été utilisée lors des manifestations dans la région, quel que soit le degré de tension qu'il a pu y avoir, puisque le forces de l'ordre ne disposent pas de balles, et que le seul cas de violence observé est celui du moment de l'arrestation de Nasser Zefzai, le leader du Hirak du Rif, lorsqu'il a interrompu la prière du vendredi 26 mai, ce qui représente une violation flagrante du caractère sacré de la mosquée et la perturbation de la pratique du culte ». « Zefzafi pouvait bien attendre la fin du prêche pour donner son avis ou manifester à l'extérieur de la mosquée », fait valoir le rapport. Photo : Mounir Mehimdate Autre détail important évoqué dans le rapport. Le délégué interministériel aux droits de l'Homme a souligné que « les auteurs du rapport ont refusé de décrire les activistes du Hirak du Rif comme étant des séparatistes, insistant sur leur patriotisme et leur amour pour la nation ». « Les événements du Rif ne peuvent en aucun être instrumentalisés ou utilisées par des parties étrangères pour nuire au Royaume », a-t-il dit. Pour ce qui de la grâce au profit de Zefzafi et ses compagnons, Benyoub a avancé que la délégation interministérielle n'a pas compétence à adresser des demandes de grâce, à les commenter ou analyser. « Ceci, a-t-il affirmé, est plutôt du ressort du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), a déjà, auparavant présenté une demande dans le cadre du dossier d'assassinat d'un leader politique connu ». A noter que le rapport de la délégation interministérielle a « évité » d'évoquer les lourdes peines d'emprisonnement prononcées à l'encontre des activistes du Hirak du Rif, dont certaines arrivent jusqu'à 20 ans de réclusion. A ce propos, Benyoub a déclaré rester fidèle à son principe de ne pas s'ingérer dans la justice, tout en s'intéressant à d'autres aspects, tel la garantie des conditions d'un procès équitable, comme dans toute autre affaire traitée devant la justice.