Loin de tomber dans des réactions prises sous le coup de l'émotion comme ce fut le cas pour leurs proches, les familles des détenus du Hirak du Rif ont bien pris le temps de lire et d'analyser le document officiel avant de rendre publique leur position. Après les réactions de leurs enfants incarcérés dans différentes prisons, c'est au tour des familles des détenus du Hirak du Rif, réunies au sein de l'Association Tafra, de répondre au rapport du délégué interministériel des droits de l'Homme. Les familles reprochent avant tout à Ahmed Chaouki Benyoub le titre de son rapport : «Les événements d'Al Hoceima et la protection des droits de l'Homme». Pour elles, «tout ce qui s'est passé et se passe au Rif est un Hirak sociétal et identitaire qui exprime réellement une dynamique sociétale profondément ancrée dans les régions, les catégories et les classes sociales» de toute la province, précise le communiqué du bureau de Tafra. Une petite mise au point, suivie par une flèche décochée en direction de l'approche de Benyoub vis-à-vis du Hirak. Selon les familles, le mouvement de contestation invite plutôt «l'esprit académique à revoir ses concepts et ses cadres théoriques et méthodologiques en vue de comprendre la réalité de la contestation dans son évolution et sa dynamique. Les concepts innovent au milieu des interactions de l'existence humaine et de ses mutations quantitatives et qualitatives, et dans un contexte complexe incontrôlable». Sur un ton déférent, les familles estiment que le document «souffre d'une faiblesse méthodologique» et contient de nombreuses «inexactitudes, mensonges et interprétations contraires à la vérité et la réalité». Des faits pour contredire le rapport de Benyoub Dans son rapport, Chaouki Benyoub a affirmé que durant les cinq mois ayant suivi le décès tragique de Mohcine Fikri le 28 octobre 2016, «il n'y a pas eu de recours à la force. Les manifestations ont été traitées avec sagesse et un esprit de retenue, en prenant en considération que le droit de grève et de manifestation est garanti constitutionnellement et légalement». Une version à laquelle les familles des détenus n'adhèrent pas, évoquant au contraire une «militarisation» d'Al Hoceima. Une orientation «qui a commencé par la décision du procureur général près la cour d'appel de Rabat, le 1er décembre 2016, de mettre sur écoute les communications de plusieurs personnes (…) et ce bien avant que le mouvement de contestation n'émerge». Ensuite, le communiqué de l'ONG aborde «l'usage excessif de la force» par la police, par exemple «lors de la dispersion partielle du sit-in observé dans la nuit du 4 janvier 2017» et «à l'occasion de la marche du 5 février» de la même année, «commémorant l'anniversaire du décès du martyr Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi». Le texte s'étonne que le document du délégué interministériel des droits de l'Homme ait passé sous silence les actes de vandalisme «commis maintes fois par des éléments cagoulés amenés» à Al Hoceima «pour y semer l'anarchie (…) comme lors du match du 3 mars 2017 ayant opposé le WAC au Chabab Rif Al Hoceima». Les familles relèvent, avec amertume, qu'aucune «arrestation n'a été opérée dans les rangs de ces éléments, alors que des enfants de la région ont été présentés devant le juge d'instruction près le tribunal de première instance» de la ville. Faute de preuves, celui-ci les a tous libérés, se réjouit le bureau de l'association Tafra. Les familles des détenus assurent que le rapport de Chaouki Benyoub n'est que «le prolongement logique du communiqué du 14 mai 2017 des partis de la majorité gouvernementale, accusant le Hirak de séparatisme, de complot et de violence». Article modifié le 2019/07/12 à 16h16