La coordination nationale des étudiants en médecine du Maroc (CNEM) a tenu ce lundi 17 juin une conférence de presse au siège de l'AMDH à Rabat. Plusieurs points ont été débattus, concernant notamment leur dossier revendicatif, la suspension de trois professeurs universitaires, le mouvement de boycott qu'ils mènent depuis le 25 mars, la dernière annonce de la présidence du gouvernement qui a réagi au « Hirak » des étudiants ainsi que les « menaces » à l'encontre des étudiants qui logent dans les cités universitaires et les parents d'étudiants en médecine. Les détails. Photos Mounir Mehimdat Suite au boycott des examens de S2 par les étudiants en médecine (générale, dentaire, pharmacie) des 9 facultés du Royaume, tenu le 10 juin dernier, le gouvernement a fait une annonce « des plus choquantes » après 3 mois de « silence radio » face au bras de fer entre les étudiants en médecine des facultés publiques et les deux ministères de tutelle. En effet, dans un communiqué qui date du 13 juin, l'exécutif a lancé un pavé dans la marre en annonçant qu'il «veillera à l'application des dispositions juridiques et procédurales en vigueur » à l'encontre des étudiants en médecine qui boycottent les examens de S2, dont « le redoublement ou encore l'exclusion des étudiants ayant dépassé le nombre autorisé d'années redoublées ». Mais pas que ! La présidence du gouvernement a également accusé Jamaât Al Adl Wal Ihsane « de récupérer ce mouvement et d'inciter les étudiants à l'escalade pour servir ses propres intérêts » et réitère sa détermination à « appliquer les lois en vigueur à l'encontre de tout un chacun tentant d'entraver le bon déroulement des examens ». À cet effet, la CNEM a fermement condamné « la réaction répressive du gouvernement face à leur revendication légitime et académique, les accusations infondées en ce qui concerne leur appartenance à un quelconque mouvement politique, notamment Jamaat Al Adl Wal Ihsane, la suspension de leurs professeurs universitaires et les menaces qu'ont subies les parents d'élèves et les étudiants qui logent dans les cités universitaires et qui risquent de se retrouver à la rue ». « Nous avons été choqués. Nous ne nous attendions pas à ce communiqué gouvernemental. Nous savions que tôt ou tard le gouvernement allait entrer en jeu, mais nous avions toujours cru, malheureusement à tort, que l'intervention du gouvernement serait une intervention constructive pour trouver une solution et non pas pour approfondir la crise en nous accusant d'appartenance à certaines mouvances, chose qui est fausse et qui a été démentie », a expliqué Hamza Karmane, membre de la (CNEM)- section Rabat, au micro de Hespress Fr Et d'ajouter « Nos revendications sont purement académiques et légitimes. Nous attendons que les négociations reprennent. Nous sommes dans une logique de discussions, de négociations, de concessions des deux côtés. Il faut trouver une solution acceptable des deux partis. Il ne faut pas chercher à imposer, que ce soit nous ou les ministères » Photos Mounir Mehimdat Notre interlocuteur souligne en outre que les revendications des futurs médecins « auront des retombées positives sur la santé du citoyen, sur le système sanitaire marocain et sur notre pays globalement, sachant que la santé et l'éducation sont les deux piliers de toute nation forte et qui se respecte». Par rapport aux « menace subies par les parents d'élèves et les étudiants en médecine qui résident dans les cités universitaires », ce membre de la CNEM explique à Hespress Fr que « les droits les plus fondamentaux et constitutionnels des étudiants en médecine ont été bafoués ». « On a voulu porter atteinte à notre droit à la grève, on a voulu porter atteinte au droit au logement de certaines catégories d'étudiants, à la santé physique et morale des étudiants. Les menaces et pressions qu'on subies les parents de la part des autorités, les menaces d'expulsions de jeunes étudiantes et étudiants logeant dans les cités universitaires. Ces personnes n'ont pas d'autre choix, c'est-à-dire que si on les expulse nous aurons un nouveau précédent d'étudiant en médecine SDF. Est-ce que c'est l'image que veut donner le Maroc dans la manière dont il traite ses étudiants, son élite, ses futurs cadres et ses futurs médecins ? Ça nous désole, ce genre de réaction face à nos revendications purement légitimes », a-t-il déploré. Interrogé sur la prochaine étape de la CNEM face à tous ces rebondissements dans leur dossier « chaud » qui a pris une grande ampleur, notre interlocuteur explique que la suite des événements ne dépend pas d'eux. « Il faut que les discussions reprennent, il faut trouver une sortie de crise. Il faut réaliser les revendications dont les ministres (Said Amzazi – Anass Doukkali) ont reconnu la légitimité devant le parlement. La prochaine étape c'est les négociations. Parce que nous ne sommes pas dans une logique de conflit avec un gagnant et un perdant. Si on gagne c'est le pays qui gagne et si on perd c'est le pays qui perd » a-t-il affirmé. Lors de cette conférence de presse, qui s'est déroulée dans les locaux de l'AMDH à Rabat, Ayoub Abou Biji, président de la CNEM a souligné que « le mouvement que mènent les étudiants en médecine a pour but de défendre la faculté publique et les centres hospitaliers universitaires (CHU) publics du phénomène de privatisation ». Il a également affirmé la solidarité de la CNEM et des étudiants en médecine avec les trois professeurs universitaires suspendus. Photos Mounir Mehimdat Interrogé par Hespress Fr sur la « relation » des étudiants en médecine avec Jamaât Al Adl Wal Ihsane, Ayoub Abi Biji a été catégorique dans sa réponse. «Cette accusation est fondée sur des informations erronées, et on espère que que la situation revienne à la normale ». Il a, à cet égard, réitéré l'affirmation exprimée auparavant, en ce sens que « la CNEM est une instance indépendante et qui n'est affiliée à aucun mouvement politique. Ses décisions sont prises au niveau de l'assemblée générale de l'ensemble des étudiants en médecine des 9 facultés publiques du Royaume (quelque 18.000 étudiants). On a d'ailleurs adressé plusieurs messages aux responsables les invitant a assister à l'une de nos assemblées pour voir comment se passent les votes et comment les décisions sont prises ». Concernant le dossier revendicatif des futurs médecins, Hamza Karmane a mis les points sur les (I) en revenant sur les « 14 points » que les ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur « disent avoir accordés aux étudiants » ce qui représente 90% des doléances présentées par la CNEM, soulignant qu'il y a « une manipulation des chiffres ». Comment ? « Quand ont dit que 14 des 16 points qui constituent le dossier revendicatif des étudiants ont été accordés par les ministères de tutelle, l'opinion publique ne peut que dire, voilà ils ont répondu à 90% de leurs revendications, est-ce qu'ils cherchent à tout obtenir ? Il est vrai qu'aucun mouvement de protestation n'obtient 100% de ses revendications et on est conscient de cela. Toutefois, la CNEM n'a jamais déposé ses revendications sous forme de points puisque notre dossier a été soumis aux responsables sous forme de cris de détresse concernant les problèmes que connaît le secteur de la Santé publique au Maroc que les responsables avaient la possibilité de régler facilement et rapidement sans en arriver là», a expliqué ce membre de la CNEM. Et de poursuivre que plusieurs points, que les deux ministères de tutelle disent avoir accordés aux étudiants « étaient déjà disponibles dans le projet d'accord de 2015 signé avec les tutelles et qui existe dans le nouveau projet d'accord de 2019. Ce qui montre que les tutelles ne respectent pas leurs engagements, menant ainsi à un manque de confiance des étudiants en médecine envers leurs ministères de tutelle qui jouent sur la reformulation des revendications déjà signées en 2015 et non accordées au jour d'aujourd'hui ». Pour conclure, la CNEM a précisé qu'elle ne souhaite pas aller dans le sens de « l'escalade » et affirmé que si « les ministères de tutelle répondent à leurs doléances, ils reprendront les cours dès demain », en attendant « les étudiants en médecine sont convaincus par leur mouvement malgré les menaces», car le boycott des cours, TP-TD, stages hospitaliers et examens de S2 est réussi à 100% et « les parents d'élèves soutiennent leurs enfants, malgré les menacent des autorités, puisqu'ils reconnaissent la légitimité de leur lutte ». Photos Mounir Mehimdat Il a par ailleurs, fait savoir que les étudiants en 7e année, appelés « faisant fonction », de la faculté de médecine de Fès et Oujda qui effectuent leurs stages dans les CHP (centre hospitalier périphérique) ont également boycotté les examens cliniques. Un boycott réussi à 100%, souligne Hamza Karmane. Les faisant fonction des facultés de médecine de Casablanca et Rabat participeront pareillement au boycott des examens cliniques à partir de la semaine prochaine, poursuit notre source, précisant que « les examens cliniques sont les deniers examens que les étudiants en médecine passent avant de présenter leur thèse et devenir médecins. Ce qui veut dire qu'en les boycottant on retarde la remise des diplômes ». Une marche nationale est également prévue par les futurs médecins. Toutefois la date ne sera pas annoncée auparavant puisque la CNEM « espère encore que les ministères de tutelle les appellent à la table des négociations », à savoir que la dernière demande d'audience déposée par la coordination à la date du 29 mai, n'a reçu aucune réponse jusqu'à aujourd'hui.