Le général, chef d'Etat major, Gaid Salah, a livré, mardi 16 avril, son très attendu discours à Ouargla. Ce discours était très attendu parce que c'est depuis Ouargla qu'il avait lancé son appel à l'application de l'article 107 de la Constitution, un prélude à la démission d'Abdelaziz Bouteflika le 2 avril. Alors que les manifestants entreront dans leur 9ème vendredi de protestation cette semaine, la contestation ne faiblit pas en Algérie. Les étudiants, cheville ouvrière de la lutte anti-système, sont toujours aussi mobilisés dans les rues pour réclamer la liberté, leur l'indépendance des institutions et dénoncer la main-mise de certaines figures du pouvoir sur les organes décisionnels du pays. Avec la démission de Tayeb Belaiz, le président du Conseil Constitutionnel mardi, pendant que les listes électorales sont en train d'être révisées, la rue est galvanisée et cherche à maintenir la pression. Attendant de pied ferme le discours du chef de l'Armée Nationale Populaire, l'Algérie déchante de voir des messages vides, comportant uniquement des mises en garde et l'affirmation que l'armée sera le seul organe qui ne saura être touché. « De notre part, nous réitérons l'engagement de l'Armée Nationale Populaire d'accompagner les institutions de l'Etat durant cette transition, tout en soulignant que toutes les perspectives possibles restent ouvertes afin de surpasser les difficultés et trouver une solution à la crise dans les meilleurs délais, car la situation ne peut perdurer davantage, vu que le temps nous est compté », a dit Ahmed Gaid Salah depuis Ouargla. La transition se fera avec l'armée Le ton est donné, la transition se fera avec l'armée, et dans un cadre institutionnel, bis. « L'Armée nationale populaire se considère toujours mobilisée aux côtés de tous les dévoués, au service de son peuple et de sa patrie, pour honorer l'engagement qu'elle a pris afin de réaliser les revendications et les aspirations légitimes du peuple, pour construire un Etat fort, sûr et stable ; un Etat où chaque citoyen trouve sa place naturelle et ses espoirs mérités ». Mais, le discours d'Ahmed Gaid Salah comporte aussi un message clé, destiné à une seule personne. S'adressant au général Toufik (l'ancien homme tout puissant d'Algérie) sans le nommer, Gaid Salah s'en est pris aux réunions d'intellectuels dans lesquels sont débattues des propositions de solutions de sortie de crise. « J'ai déjà évoqué, lors de mon intervention du 30 mars 2019, les réunions suspectes qui se tiennent dans l'ombre pour conspirer autour des revendications du peuple et afin d'entraver les solutions de l'Armée nationale populaire et les propositions de sortie de crise », a dit Gaid Salah avant de s'attaquer à l'ex-chef des Renseignements qu'il a limogé pour mettre les renseignements sous la coupe militaire. Selon lui, le général-major Athmane Tartag, dit Bachir aurait nié sa présence à ces réunions « en dépit de l'existence de preuves irréfutables sur ces faits abjects ». « Je lance à cette personne (le général Toufik, ndlr) un dernier avertissement, et dans le cas où il persiste dans ses agissements, des mesures légales fermes seront prises à son encontre », a mis en garde le chef d'Etat-major. Toutes les options mises sur la table Concernant les violences enregistrées vendredi dernier, le général n'a pas donné de réponses claires aux citoyens qui s'attendaient à des justifications et à l'annonce de l'arrêt des maltraitances engagées par les forces de police. Alors qu'il avait mentionné le caractère « pacifique » des marches de contestations, Gaid Salah a déclaré par la suite que « nous avons donné des instructions claires et sans équivoques pour la protection des citoyens, notamment lors des marches. Cependant, nous attendons, en contrepartie, de la part de notre peuple d'éviter le recours à la violence, de préserver les biens publics et privés et d'éviter d'entraver les intérêts des citoyens », a simplement dit Gaid Salah, sans évoquer l'intervention du GOSP, l'unité d'élite de la police nationale lors du 8ème vendredi de contestation. Les unités d'élite de police qui normalement se chargent de protéger les citoyens contre le terrorisme, ont investi, cagoulés, les rues bondées de manifestants. In fine, ce qu'il faut retenir c'est que Gaid Salah n'a pas lésiné sur les beaux mots et belles expressions pour auto-complimenter l'armée, « une armée qui ne prend aucune décision au désavantage du peuple et de la patrie et qui veille à ce qu'aucune goutte de sang algérien ne soit versée (…) L'Algérie est entre des mains sûres grâce à des hommes dévoués prêts à défendre leur pays quel qu'en soit le prix ». D'autre part, toutes les options sont mises sur la table pour activer la transition qui se fera avec l'armée et dans un cadre institutionnel. Et pour finir, le général Toufik est clairement en danger.