Le chef d'Etat-major de l'armée algérienne, également vice-ministre de la défense du dernier gouvernement du président déchu, Abdelaziz Bouteflika, nommé le 31 mars dernier, refuse d'opter pour la thérapie des militaires soudanais, qui furent acculés, non seulement à abandonner leur projet initial, mais à négocier avec l'opposition, les modalités de la transition et surtout la composition du conseil de la transition, dont les putschistes veulent détenir le contrôle et les rênes. Le Général major Gaid Salah ne veut pas, non plus, retenir la recette égyptienne, en s'accaparant la totalité du pouvoir, à l'instar du Général Abdelfattah Sissi. Taieb Dekkar Dans la première hypothèse, l'opposition et la société civile risqueraient de mettre en minorité l'armée au sein du conseil de transition, voire même d'interférer, une fois le conseil constitué, dans les nominations aux hautes fonctions militaires, et décider, éventuellement, de renvoyer à la retraite l'homme fort actuel de l'armée. Ces interférences pourraient également s'étendre aux marchés juteux, aux commandes militaires et aux investissements sans commune mesure de l'armée par rapport aux besoins urgents du peuple algérien. Il pourrait également s'agir des investissements colossaux de l'armée en faveur du Polisario, dont une facture de Cuba, réclamée ces derniers jours, de l'ordre de 400 millions de dollars, pour l'entrainement et la prise en charge d'éléments du Polisario. C'est cela qui justifierait les craintes de l'Etat-major de l'armée algérienne. Que les civils en arrivent à réclamer des comptes aux militaires aussi ! Les tournées d'inspection dans toutes les régions militaires du pays, et les entrainements aux munitions réelles, en plus des discours selon lesquelles l'armée algérienne serait prête aux combats (contre qui ?) …n'ont pas découragé le peuple algérien ou atténué sa détermination, ni dissuadé de sortir chaque vendredi. C'est probablement là que résident les craintes du Général Gaid Salah qui, dans la situation actuelle, dispose de tous les pouvoirs, y compris le pouvoir d'envoyer des dizaines d'anciens hauts responsables civils et militaires en tôle, y compris un richissime algérien, dans une affaire empreinte d'opacité, dont les entreprises emploient quelques 20.000 salariés !. Le général Gaid Salah, qui est aujourd'hui, décrié par les manifestants, qui contestent sa volonté d'imposer au peuple algérien, qui sort dans la rue par millions tous les vendredis, depuis le 22 février, une recette unique pour sortir de la crise, celle d'une élection présidentielle, le 4 juillet prochain, supervisée par une nomenklatura, qui fait partie de l'ancien « système » et qui est récusée par le peuple algérien. L'ordre donné à la justice, qui ressort clairement dans ses discours, en déclinant même les chefs d'inculpation dans certains cas, a été perçu par l'opinion algérienne comme une tentative de détourner l'attention du peuple algérien de ses revendications fondamentales, en engageant une campagne d'assainissement, qui aurait pu être menée depuis des années. Pourquoi avoir attendu 2019 pour dénoncer ces cas de corruption et de détournements des deniers publics ?, lui rétorqueront ses compatriotes. Certains accusés, déférés devant le tribunal militaire de Blida, sont poursuivis pour complot contre l'armée, or il s'agit d'une tentative avortée visant le limogeage du Général Gaid Salah, que Said Bouteflika, s'apprêtait à mettre en œuvre, après le retour de son frère de Suisse (voir notre article du 27 mars sous le titre « guerre au sommet ». Ce qui prend les relents d'un règlement de comptes personnels avec l'entourage et les fidèles du président déchu, surgis « aux dernières heures », après plusieurs années de collaboration « fructueuse ». Les algériens continuent leurs manifestations de plus en plus fortes, depuis plus de deux mois, pour exiger le départ de tout le système et ses symboles, toujours au pouvoir, pour conduire la transition. Depuis vendredi dernier, le nom de Gaid Salah est associé au trois B. Les présidentielles de Juillet n'ont aucune chance de se tenir. Gaid Salah et le peuple algérien se retrouvent aujourd'hui face-à-face. S'achemine-t-on vers une impasse ? l'armée fait-elle sienne la démarche de son chef ? *Journaliste et écrivain auteur de « Maroc-Algérie : la méfiance réciproque ». L'Harmattan 2014.