L'association marocaine des droits de l'Homme a rendu public, ce mercredi 20 mars, son rapport sur la situation des migrants et des réfugiés à la ville de Nador. Le rapport met le point sur le nombre des campements dans cette ville du nord du Maroc, l'évolution des attaques violents contre les migrants, les arrestations et les refoulements, le trafic juteux des migrants, le nombre de morts et de blessés ainsi que la migration des Marocains. Lors de la conférence de presse tenue au siège de l'AMDH à Rabat, les intervenants ont commencé par présenter les formes d'attaques violentes subies par les migrants et qui sont « effectuées par des brigades spécialisées des forces auxiliaires, polices et agents d'autorité« , tels que « les violences corporelles, destruction et incendie des abris et campements, tentatives de viol (deux tentatives en 2018 selon le rapport), dépouillements des migrants de leurs téléphones, argents sans dresser de PV de saisie et finalement la non-régularisation sur les 260 demandes présentées« . Quant à l'évolution des attaques des migrant, le rapport relève une augmentation en 2018, passant de 311 en 2014, après une chute en 2015 (41), à 340 attaques contre des migrants en 2018, qui se sont déroulés à 21% dans des maisons et 79% dans des campements. Arrestations et refoulements des migrants Selon le rapport de l'AMDH, les arrestations et les refoulements des migrants sont effectuées « lors des attaques sur des campements et des maisons, des moyens de transport, des agences de transfert d'argents, les rues, des hôpitaux… ». Les migrants concernés sont généralement des femmes et des enfants, les blessées, voir même les migrants ayant des cartes de séjour ou des visas légaux. Le rapport souligne également que ses « opérations sont effectuées pendant toute l'année ». D'ailleurs, « une nette augmentation a été observée dans ce sens depuis août 2018 où près de 9100 arrestations ont eu lieu à Nador, contre 2500 en 2017, à cause de la campagne de répression engagées dans tout le nord », explique le rapport. Conditions d'arrestations Le rapport sur la situation des migrants et réfugiés au Maroc, dénonce non seulement la manière avec lequel les migrants sont arrêtés mais également le sort auquel ils sont confrontés par la suite, à savoir leur détention dans des lieux d'enfermement illégaux, ainsi que la privation de leur liberté juridique. Selon l'AMDH, les arrestations ont fait de Nador une ville interdite pour les migrants, surtout pour les subsahariens, puisqu'ils sont, soit arrêtés immédiatement ou agressés. Ce qui fait que leur présence n'est tolérée qu'aux alentours des camps, souligne le rapport. Pour les lieux d'enfermement, le rapport cite trois lieux illégaux à savoir, le Commissariat central de Nador (ouvert d'une manière permanente depuis 2015), le siège de la Gendarmerie à Nador et le centre d'Arekmane, qui est utilisé en 2015, puis depuis septembre 2018, pour enfermer les migrants arrêtés ou victimes de refoulement chauds en attente de leur expulsion (presque 3000 dont 700 migrants ont été expulsés vers leur pays). La durée d'arrestation varie de quelques jours à quelques semaines. Selon le rapport, les migrants arrêtés font l'objet de prise de photos et d'empreintes en attendant la mobilisation de bus pour procéder à leur éloignement ou leur déportation. Concernant la séquestration illégale des migrants dans ces centres d'enfermement, les intervenants ont déclaré que le procureur général a classé toutes les plaintes de l'AMDH Nador. Morts et blessées parmi les migrants Pour le rapport de l'AMDH, il est question d'une migration de plus en plus meurtrière avec des records dans les cadavres. En 2018, 244 cadavres ont été reçus à l'hôpital de Nador, alors qu'une année auparavant le nombre était de 14. Il y a eu également 5 morts dans les campements à cause des conditions de vie très difficile et 2 décès à la barrière et 2 morts pendant les refoulements en bus. Cela est dû généralement, explique le rapport, au « grand laxisme dans les opérations de secours et peu de financements dans le renforcement des moyens de secours« . D'ailleurs il y aurait une grande difficulté dans l'identification des cadavres (moins de 5%) Installation d'un trafic juteux La grande vague de migrants subsahariens installés au Maroc, a permis l'installation d'un trafic juteux, fait remarquer le rapport de l'AMDH. Selon ce dernier, les migrants subsahariens payent entre 2000 et 5000 euros ( 20.000 DHS- 50.000 DHS), à des réseaux structurés de trafiquants. Ce trafic a donné suite à des « violations graves en vers les migrants tels que l'exploitation sexuelles des femmes, refus de remboursement, menaces et violences, convoies dangereux et le refus de donner aucune information concernant les morts et les disparus ». Des grands trafiquants ont été dénoncés par l'AMDH auprès du ministère de l'Intérieur à travers une lettre, mais aucune arrestation n'a eu lieu, se désolent les intervenants, affirmant ainsi « qu'au lieu d'arrêter ces trafiquants installés dans les grandes villes, les autorités marocaines traquent et arrêtent leurs victimes) ». Toutefois, le rapport souligne « qu'en 2018, les autorités marocaines ont déclaré avoir arrêté 12 réseaux de trafiquants à Nador où des agents des forces auxiliaires étaient impliqués« . Situation des migrants non accompagnés La migration des mineurs non accompagnés cause un sacré problème au Maroc. D'après le rapport de l'AMDH, ce qui a poussé de plus en plus de mineurs à se diriger vers la migration est » 'échec du modèle de développement marocain, crise socio-économique avec une augmentation du chômage, une faillite des systèmes d'éducation, de santé etc ». Prêt de 600 mineurs à Nador et Beni-Ensar, âgés de 12 à 18 ans, qui ont arrêté leur cursus scolaire dès le primaire, ont opté pour la migration à travers la route de Nador-Melilla, fait savoir le rapport, soulignant ainsi « les méthodes dangereuses de migration causant des blessés graves, voir même des morts (mort d'un mineur au centre de Melilla le 5 janvier 2019). Ce qui est choquant dans le rapport, c'est que ces mineurs là « vivent dans la rue sans aucune intervention des autorités marocaines pour respecter les dispositions de la convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par le Maroc« . Migration des Marocains après le Hirak du Rif Suite au mouvement du Hirak du Rif qu'a connu la région du Rif en 2017 et plus précisément la ville d'Al Hoceima, l'AMDH a constaté dans son rapport une nette augmentation des départs de jeunes marocains vers l'Espagne ou vers Melilla, alors que cette migration était pratiquement inexistante en 2016. Malgré ces départs dont les statistiques exactes ne sont pas disponibles (des douars ont été vidés de leurs jeunes), fait savoir le rapport, « les autorités n'avaient pas pris de mesures visibles et conséquentes pour bloquer cette hémorragie à l'instar de ce qu'elle font avec les migrants subsahariens ». Dans ce sens, le rapport de l'AMDH sort avec une conclusion que « c'est pendant la période du Hirak du Rif que les attaques des campements des migrants se sont multipliés ». Selon l'AMDH, l'objectif des autorités était d'évincer provisoirement du marché de la migration payante une demande plus solvable des migrants subsahariens pour pousser les trafiquants à travailler avec cette nouvelle demande émanant des jeunes marocains.