La Direction des études du ministère de l'Economie et des Finances (DEPF) a rendu son dernier rapport, dans lequel elle pointe du doigt les insuffisances et les dysfonctionnements dans le déploiement de la politique de l'habitat. Le texte recommande plusieurs leviers déterminants, identifiés à l'échelle mondiale, pour améliorer l'accessibilité à un logement décent pour toutes les couches sociales. Dans ce rapport sur la politique publique de l'habitat au Maroc, dont Hespress FR a eu une copie, les analystes de la DEPF notent que depuis 2007, l'action des pouvoirs publics a visé la mise en place des programme de logements sociaux profitant des exonérations fiscales, dont bénéficiaient aussi bien les promoteurs que les acquéreurs. Ces programmes ont participé à une dynamisation du secteur et à la réduction du déficit du logement qui est passé de 800.000 à 400.000 logements en 2017. Ce déficit devrait passer à 200.000 logements à l'horizon 2021. Selon le rapport, les programmes mis en place ont certes permis l'apparition d'un secteur de la promotion immobilière relativement organisé et structuré, mais n'ont pas profité aux plus démunis, ni réussi à réduire la mauvaise répartition territoriale puisqu'il existe une suroffre dans certaines zones, tandis qu'il y a un manque dans d'autres endroits. Une surproduction de logements Ainsi, les régions Tanger-Tétouan et Souss-Massa se caractérisent par une surproduction de logements, alors que Rabat-Salé-Kénitra et Béni Mellal Khénifra affichent des déficits importants, soulignent les rédacteurs du rapport de la DEPF. Par ailleurs, Ils pointent du doigt les insuffisances en termes de qualité du logement offert par certains promoteurs, en raison de la non prise en compte, au niveau des cahiers de charges, des clauses relatives aux prescriptions minimales d'ordre urbanistique, architectural et technique. S'agissant des bidonvilles, le programme villes sans bidonvilles (VSB), lancé en 2014 sur la base d'un recensement de 270.000 baraques, a permis de traiter 280.000 logements, soit plus que le nombre initiale. Toutefois, la DEPF déplore que la mise à jour du recensement a porté ce nombre à 420.000 baraques. Elle constate une absence de système d'information intégré au niveau national et une insuffisance en matière de coordination entre les différentes parties prenantes (autorités locales, ministère de l'habitat...). Cette situation permet, selon le rapport, à certains bénéficiaires de recourir à des pratiques malveillantes pour profiter de plusieurs opérations du programme VSB. Commercialisation difficile des logements sociaux De même, la distribution des lots R+3 pour le relogement des ménages des bidonvilles a rendu difficile la commercialisation des logements sociaux. Pour ce qui est de ce dernier segment, le rapport de la DEPF constate un ciblage insuffisant des régions et des bénéficiaires. Ainsi, il remarque que sur un objectif de 20.000 unités à construire à l'horizon 2016, seules 534 unités ont été réalisées à fin avril 2018. Le rapport met en cause les mesures incitatives limitées qui n'ont pas attiré les promoteurs immobiliers dont les marges bénéficiaires sont plus importantes dans le segment social. Concernant le soutien pour l'accès à la propriété au détriment de l'appui en faveur du locatif, les analystes affirment que le dispositif lancé en 2012 et amélioré en 2015 reste insuffisant. De même, Ils constatent une insuffisance de la mise en œuvre des plans d'aménagement à cause du manque de ressources financières (manque d'innovation en matière d'ingénierie financière). Cette situation est aggravée, selon eux, « par une systématisation de l'octroi des dérogations urbanistiques ayant créé une discontinuité dans l'espace urbain et une atteinte à la qualité du cadre de vie dans nos villes ». L'adoption d'un nouveau de paradigme est nécessaire Face à ces insuffisances, la DEPF estime que l'adoption d'un nouveau de paradigme est nécessaire. «La réussite de la politique de l'habitat est tributaire de son aptitude à mettre sur le marché de l'immobilier des produits logements de qualité et à un prix abordable pour chaque classe sociale. Cette réussite dépend, également, de sa capacité d'anticipation des changements de besoins futurs afférents aux logements en relation avec les mutations démographiques et socio-économiques», souligne-t-elle. Pour le ministre de l'Aménagement du Territoire national, de l'Urbanisme, de l'Habitat et de la Politique de la ville, Abdelahad Fassi Fehri, « l'enjeu fondamental aujourd'hui est de faire de la question urbaine, et plus exactement la planification urbaine, une question prioritaire qui doit figurer au centre des préoccupations puisque le Maroc est majoritairement urbain avec plus de 60% de la population qui vivent dans les villes ». Dans ce sens, l'on rappelle que l'habitat a beau avoir une mission sociale, qui est d'offrir un logement décent et abordable à toute les catégories de la population, mais il a également une portée économique très importante, puisque le secteur du bâtiment et des travaux publics offre, indépendamment de la conjoncture, un million d'emplois. «Cette brève analyse de la chaîne de valeur de l'habitat montre qu'il existe encore des leviers d'intervention qui permettraient d'améliorer l'accès au logement abordable sans nécessairement passer par davantage de subventions. Des leviers déterminants ont été identifiés à l'échelle mondiale pour améliorer l'accessibilité à un logement décent pour toutes les couches sociales, d'où la notion du logement abordable (dépense de 30% à 40% du revenu du ménage)», concluent les analystes de la DEPF.