Une enquête réalisée pour le compte du site Institute for Security Studies (ISS), révèle que l'Algérie est en phase de devenir une nouvelle étape sur la « côte de la cocaïne ». Menée par Jihane Ben Yahia, coordinateur régional de l'Observatoire du Crime organisé d'ENACT pour l'Afrique du Nord, et Raouf Farrah, analyste principal pour l'Afrique du groupe SecDev, et publiée par le journal le Monde, l'enquête explique que le littoral algérien « donne aux trafiquants de drogues un accès direct aux marchés européens », en faisant une « route de plus en plus utilisée ». Les enquêteurs prennent pour base d'investigation le scandale connu sous l'appellation de «Cocainegate », quand en mai 2018, les douanes ont opéré une saisie record de 701 kg de cocaïne dans le port d'Oran, la deuxième plus grande ville d'Algérie. Les stupéfiants ont été trouvés à bord du Vega-Mercury dans un conteneur transportant de la viande congelée. La cargaison, précisent-il, aurait commencé son voyage au Brésil, aurait fait escale dans les ports espagnols de Las Palmas et de Valence avant d'atteindre Oran. L'enquête menées à l'époque avait révélé que le porte-conteneurs a été commandé par le plus gros importateur algérien de viande congelée, Dounia Meat, une société détenue par l'homme d'affaires Kamel Chikhi – surnommé « El-Bouchi » (« le boucher ») – et ses frères. Le « Cocainegate » avait conduit à la destitution de hauts responsables, dont l'ancien directeur général de la sécurité nationale, le major Abdelghani Hamel. Jusqu'alors, l'Algérie n'était pas perçue comme un acteur stratégique du commerce de la cocaïne en Afrique, que signifie donc cette saisie?, s'interroge l'ISS. Deux hypothèses sont avancées : La cocaïne saisie est destinée à la consommation locale, « même si la taille du marché national reste inconnue et le prix des drogues très élevé (entre 145 et 290 euros le gramme) ». La seconde thèse veut que la « liaison – du Brésil à l'Espagne puis à l'Algérie, et y compris le marché de destination finale – avait sans aucun doute été testée et soigneusement sécurisée au préalable par des petites transactions ». Pour les enquêteurs, « ce n'est pas un hasard si Oran a été utilisé comme port de transit. Grand port de commerce et de passagers situé à seulement 200 km de l'Espagne, Oran occupe une position stratégique pour le trafic de drogue ». Avant l'opération d'Oran, la plus récente saisie de cocaïne en Algérie avait eu lieu en 2015, lorsque 156 kg avaient été découverts au port de Baraki. Les stupéfiants étaient dissimulés dans un conteneur alimentaire transportant du lait en poudre importé de Nouvelle-Zélande et transitant par l'Espagne vers l'Algérie, rappelle l'ISS. Il relève de même qu'«il est significatif que les deux saisies aient eu lieu dans des zones portuaires, dans des conteneurs qui avaient pour destination les rives algériennes». Et de conclure que dans les années à venir, le trafic de drogue devrait prospérer sur cette zone surnommée la « nouvelle côte de la cocaïne », sa proximité avec le marché lucratif de la cocaïne en Europe, mais aussi la difficulté de traverser la région sahélo-saharienne sujette aux conflits en font un axe majeur.