L'ONG Human Rights Watch a publié, ce jeudi 17 janvier son rapport au titre de l'année 2019. Le Maroc y est taclé sur différents sujets. Des détenus du Hirak aux droits des femmes et des travailleurs domestiques, en passant par Gdeim Izik, les migrants subsahariens, Hayat Belkacem ou encore Hamid El Mahdaoui, tout y est. HRW estime dans son rapport qu'en dépit de la promulgation de lois et des efforts déployés, notamment en matière de régularisation des migrants clandestins et des réfugiés, et de protection des travailleurs domestiques, les autorités marocaines continuent de « faire preuve de plus en plus d'intolérance à l'égard de la contestation publique et de faire usage d'une force excessive contre les manifestants » L'ONG, qui reconnaît avoir pu opérer de manière relativement libre au Maroc, revient ainsi sur le procès des leaders du « Hirak du Rif», notant qu'ils ont été condamnés à des peines allant jusqu'à 20 ans de prison lors de « procès inéquitables ». En matière de « Liberté de réunion, violences policières et système pénal », l'ONG cite les chiffres communiqués par le ministère des Droits de l'homme du Maroc, qui avait déclaré que les services de sécurité n'avaient dispersé que 3 % des 17 511 manifestations organisées au Maroc en 2017. Ces dispersions, selon le ministère, ont été menées d'une manière compatible avec « le respect des libertés fondamentales et de l'Etat de droit ». Cependant, relève HRW, en 2017 et 2018, « plusieurs cas de recours excessif à la force pour disperser des manifestations, ainsi que des arrestations de manifestants pacifiques pour des motifs tels que manifestation sans autorisation et agression de policiers » ont été documentés. Concernant le « Hirak », HRW rappelle l'arrestation de plus de 400 activistes, dont 52 ont été transférés dans une prison à Casablanca, où ils ont été jugés dans un procès collectif qui a duré plus d'un an. « Le tribunal de première instance a rejeté les affirmations des accusés selon lesquels leurs aveux avaient été obtenus sous la torture et la contrainte, malgré des rapports médicaux apportant un certain soutien à leurs affirmations », souligne-t-elle. Et d'ajouter qu'en août 2018, le roi Mohammed VI a gracié 188 activistes du Hirak, dont 11 du groupe de Casablanca, mais parmi eux, aucun leader. Les procès en appel du groupe de Casablanca ont débuté le 14 novembre. Elle revient également sur l'affaire de l'étudiante Hayat Belkacem (20 ans), tuée 25 septembre par les garde-côtes, en faisant savoir que les autorités se sont engagées à enquêter sur le décès de Belkacem, dont les conclusions « n'ont pas encore été communiquées ». Pour ce qui est de la liberté d'association, l'ONG affirme que l'Association Marocaine des Droits Humains (AMDH) et Amnesty International, qui jouit pourtant d'un accès relativement libre au pays depuis près de 25 ans, continuent de faire l'objet d'interdictions d'exercice de leurs missions. A cet égard, HRW indique que pour sa part ses chercheurs « ont pu mener des missions de recherche en 2018 à Jerada et Laayoune (...) ». En termes de liberté d'expression, HRW relève qu'en dépit de l'adoption en juillet 2016, du Code de la presse et de l'édition qui élimine les peines de prison pour des délits liés à la liberté d'expression, des journalistes font encore l'objet de poursuites. Elle cite à ce égard, le cas de Hamid El Mahdaoui, condamné en juin dernier à une peine de trois ans d'emprisonnement pour avoir omis de signaler une menace sécuritaire. Il purgeait déjà une peine d'un an de prison pour avoir « invité à participer à une manifestation interdite », précise-t-elle. L'ONG revient également sur le procès du groupe de Gdeim Izik, faisant remarquer que pendant plusieurs semaines en mars et en avril, puis de nouveau entre septembre et novembre, trois prisonniers condamnés à la prison à vie et un autre condamné à une peine de 30 ans, ont mené une grève de la faim dans la prison de Kenitra, réclamant d'être transférés dans des prisons plus proches de leurs familles au Sahara occidental, à environ 1 200 kilomètres au sud. Leur demande n'était pas encore satisfaite au moment de la rédaction du présent document, note HRW, qui souligne que dans les procès de ce groupe (3013 et 2017), « les tribunaux se sont fondés presque entièrement sur leurs aveux à la police pour les condamner, même si les accusés ont désavoué ces aveux et affirmé les avoir signés sous la torture sans avoir été autorisés à les lire ». Pour ce qui est des migrants et réfugiés, Human Rights Watch fait remarquer qu'entre 2013 et 2017, une commission marocaine interministérielle ad hoc a délivré des cartes de réfugiés ainsi que des permis de résidence d'une année renouvelable à 745 personnes, d'origine sub-saharienne pour la plupart, reconnues comme réfugiées par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Depuis lors, le Maroc a autorisé 1 106 autres réfugiés reconnus par le HCR à avoir accès à des services publics de base, tels que l'éducation et la santé. Toutefois, relève-t-elle, Amnesty International a signalé « que les forces de sécurité ont effectué des raids dans plusieurs villes des provinces de Tanger, Nador et Tétouan, dans le nord du pays. Elles ont rassemblé des ressortissants subsahariens, les ont emmenés dans des villes de l'intérieur où elles les ont libérés ». Sur un autre registre, et concernant les droits des femmes et des filles, HRW concède que des lois sur la violence à l'égard des femmes et sur le travail domestique sont entrées en vigueur à l'automne, offrant de protections nouvelles, signalant néanmoins que qu'elles demeurent limitées aux victimes de violence et d'abus. L'ONG met, en outre en lumière, la nouvelle loi sur les violences faites aux femmes, adoptée le 14 février. Elle criminalise certaines formes de violence domestique, établit des mesures de prévention et offre de nouvelles protections aux victimes, mais n'énonce pas les obligations de la police, des procureurs et des juges d'instruction dans les affaires de violence conjugale, ni ne finance des centres d'hébergement pour femmes, souligne l'ONG. Abordant, en fin, la question des employés domestiques, HRW revient sur la loi de 2016 entrée en vigueur le 2 octobre dernier, qui « offre aux employé(e)s domestiques des protections nouvelles, quoique limitées ». Et de souligner que la loi est désormais entrée en vigueur, « mais les autorités doivent encore mettre en place des mécanismes de mise en œuvre adéquats, pour que les employé(e)s domestiques puissent exercer leurs droits ».