À l'occasion de la Journée mondiale du don d'organes, célébrée le 17 octobre, des experts marocains ont tiré la sonnette d'alarme sur le retard du pays dans ce domaine vital. Alors que d'autres nations, comme l'Espagne, se distinguent par leur efficacité dans la greffe d'organes, le Maroc peine à suivre le rythme, en raison du manque criant de donneurs. L'Association marocaine REINS, dédiée à la lutte contre les maladies rénales et à la promotion du don d'organes, a déploré cet état de fait, malgré l'existence de lois et d'infrastructures en place. Selon ses représentants, « la pratique des greffes d'organes au Maroc demeure encore embryonnaire ». Un constat alarmant, surtout pour les greffes rénales, qui sont pratiquement les seules interventions réalisées dans le pays. Amal Bourquia, néphrologue et présidente de l'association, a souligné que « seules 645 greffes rénales ont été effectuées à ce jour, et la majorité provient de donneurs vivants ». Intervenant dans une déclaration à Hespress, Amal Bourquia n'a pas mâché ses mots : « Le Maroc est encore à un stade peu honorable ; les résultats obtenus jusqu'à présent sont très en deçà des attentes ». Elle a rappelé que le don d'organes est non seulement un acte de solidarité, mais aussi un traitement indispensable pour de nombreuses personnes. « Si nous ne faisons pas de dons, nous ne pourrons pas sauver des vies. Les organes ne se fabriquent pas, ni ne s'importent. Nous devons compter sur la générosité des donneurs », a-t-elle insisté. Le problème, selon la présidente de l'association, est aggravé par le faible nombre de donneurs, même au sein des familles, qui hésitent à franchir le pas. « Nous assistons chaque jour à des scènes bouleversantes, avec des enfants et des jeunes adultes qui voient leur vie suspendue à une machine de dialyse ou qui souffrent de la défaillance d'organes vitaux comme le cœur, le foie ou les poumons », a déploré Bourquia, tout en mettant en lumière l'absence d'un véritable élan national pour sauver ces vies précieuses. Afin de changer cette situation, Bourquia a formulé plusieurs recommandations, appelant à une mobilisation collective des acteurs sociaux, économiques, religieux et de santé. « Le don d'organes n'est pas seulement une question de santé, c'est un enjeu de société. Il faut que chacun prenne ses responsabilités pour que la situation évolue », a-t-elle déclaré. Elle a également évoqué la nécessité de simplifier les procédures légales et d'introduire la digitalisation pour enregistrer plus facilement les donneurs. Par ailleurs, la néphrologue a suggéré une refonte du système actuel, en passant d'un modèle où les personnes doivent s'inscrire pour donner, à un modèle d'opt-out, où toute personne est présumée donneur sauf si elle a exprimé son refus. « C'est le cas en Espagne ou en Arabie saoudite, où 1.200 greffes de reins ont été réalisées. Nous, en près de 30 ans, nous avons à peine dépassé les 640 », a-t-elle souligné. L'introduction de la digitalisation pourrait également être un levier important pour accélérer le processus, non seulement pour l'enregistrement des donneurs, mais aussi pour identifier des compatibilités grâce à l'intelligence artificielle souligne la néphrologue. « Cela permettrait de développer des traitements personnalisés et de meilleurs résultats, tout en redonnant à ces personnes une vie active et productive au sein de la société », a-t-elle conclu.