Un nouvel épisode du conflit entre l'Ordre National des Huissiers de Justice du Maroc et le Ministère de la Justice s'annonce. Centré sur un projet de loi controversé qui régirait la profession des commissaires judiciaires présenté par le Ministère de la Justice, suscite une vive opposition parmi les professionnels du secteur, qui dénoncent des dispositions jugées contraires à leurs intérêts et à l'indépendance de leur fonction. L'ordre national des huissiers de justice (ONHJ) a ainsi exprimé son refus catégorique dudit projet de loi, pointant du doigt son caractère unilatéral et excluant. L'ordre affirme que "certaines dispositions du projet de loi compromettent gravement l'autonomie des commissaires judiciaires ainsi que les structures professionnelles qui les représentent". Il dénonce notamment le fait que cette loi, bien qu'impactant directement leur profession, ait été élaborée sans concertation ni consultation avec les principaux intéressés. Plus qu'une simple contestation ponctuelle, l'ONHJ estime que ce remaniement compromet l'avenir de la profession. Il rappelle, à cette occasion, qu'un accord avait été signé le 26 avril 2022 avec Abdellatif Ouahbi, garantissant des avancées en termes de droits et de protections pour les commissaires judiciaires. Selon l'Ordre, le projet de loi actuel remet en cause cet accord et met en péril les acquis obtenus lors de ces négociations. Le texte en question comporte des dispositions non consensuelles que l'ONHJ qualifie de «graves atteintes » à l'indépendance du commissaire judiciaire. Celui-ci est un acteur essentiel dans le système judiciaire marocain, chargé notamment de l'exécution des décisions de justice, du recouvrement des créances et de certaines notifications judiciaires. C'est pourquoi l'autonomie de cette profession, vis-à-vis des autres acteurs du système judiciaire et du pouvoir politique, est considérée comme cruciale. Face à cette situation, l'ordre national des huissiers de justice du Maroc a pris des mesures fortes. Il a non seulement exprimé son rejet absolu de certaines dispositions du projet de loi, mais a également décidé d'organiser une série d'actions pour contester cette réforme, dont une grève nationale des huissiers judiciaires les 3 et 4 octobre 2024. Outre la grève, l'ordre a également annoncé la tenue d'une assemblée générale le 5 octobre 2024. Cet événement, qui rassemblera les huissiers judiciaires du pays, vise à définir une stratégie collective face au projet de loi. En outre, l'ONHJ appelle à la formation d'un front professionnel national, réunissant toutes les professions juridiques et judiciaires, pour contrer ce qu'il décrit comme des « projets de lois contraires à la Constitution et aux références internationales ». Ce front aurait pour objectif de protéger les professionnels du droit contre toute tentative de réduction de leurs droits et libertés dans l'exercice de leurs fonctions. Pour les professionnels, si leur indépendance est remise en cause par le projet de loi, cela pourrait avoir des répercussions néfastes sur l'efficacité du système judiciaire et sur la confiance que les citoyens placent dans l'institution judiciaire. De même, l'Ordre a lancé un appel direct au ministre de la Justice, l'invitant à engager un dialogue « sérieux et responsable » afin de trouver une solution concertée à cette crise. Selon l'ordre, seule une véritable concertation, prenant en compte les préoccupations des huissiers judiciaires, pourrait permettre de débloquer la situation. Parallèlement, l'ordre sollicite l'intervention du Chef de gouvernement pour suspendre l'examen et l'adoption du projet de loi en question. Cette demande vise à geler le processus législatif en cours, le temps d'organiser des discussions entre toutes les parties prenantes. Ce n'est pas la première fois que des professionnels du droit dénoncent un manque de concertation dans l'élaboration de projets de loi les concernant. Pour l'heure, le bras de fer entre les huissiers judiciaires et le ministère de la Justice continue de susciter des inquiétudes, tant parmi les professionnels du secteur que parmi les justiciables qui pourraient être directement impactés par cette crise.