Contrairement à une idée installée par l'effervescence médiatique issue des résultats des élections européennes, la victoire annoncées aux élections législatives anticipées de l'extrême droite n'est ni actée ni acquise. S'il est vrai que la fièvre de la victoire souffle sur le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen et de Jordan Bardella avec une écrasante première place suivie d'une tentative presque réussie de débaucher le Parti les républicains (LR) de Eric Ciotti, peut indiquer une dynamique de conquête, il n'est pas certain que le scénario que la France vivra au soir de ce fameux 7 juillet, jour du second tour, sera identique à ces prévisions. Et pour cause. L'onde de choc de la probable arrivée de l'extrême droite aux affaires a été si puissante qu'elle a réussi à provoquer un tremblement de terre chez les partis de la gauche française. Traditionnellement divisés, paralysés par une intense guerre des egos, ces partis de gauche aux idéologies multiples et variées, aux composantes aussi bigarrées que diverses, ont réussi l'exploit de former en un temps record ce nouveau front populaire. Avec un programme politique commun à minima, une stratégie électorale qui pourrait démontrer une efficacité inattendue sur le terrain, ce Front populaire jouera aujourd'hui le rôle que le Front républicain avait joué en d'autres temps pour empêcher que la balance ne penche vers Jean Marie Le Pen ou sa fille Marine Le Pen. La rapidité avec laquelle ce Front a été réalisé témoigne aussi bien de l'urgence de la situation que de la gravité des dangers qui pèsent à la fois sur les institutions de la République et sur le vivre ensemble. Il est vrai que cette réalisation à gauche ne se fait pas sans douleur ni grincements comme le montrent les couacs provoqués par le patron de la France Insoumise (LFI), Jean Luc Mélenchon, accusé de profiter de cet élan unitaire pour régler des comptes domestiques à sa mouvance, notamment en termes d'investiture. Mais les enjeux sont tellement immenses que ce couac peut s'apparenter à un incident de parcours mineur vite oublié. Par contre la dramatisation de la situation a été aussi incarnée par le retour en politique d'un ancien Président de la République, le socialiste François Hollande, qui a décidé de se présenter aux élections législatives. Avec cette motivation, le danger de l'extrême droite est tellement proche que personne ne peut rester indifférent ou les bras croisés. Et justement, devant cette vague de l'extrême droite qui s'annonce, la gauche française mise sur deux facteurs essentiels pour pouvoir démentir cet agenda annoncé. Le premier est la mobilisation massive des Français qui ont une dent atavique contre l'extrême droite. Et ils sont nombreux mais connus par une tendance à bouder les urnes. Une forte participation qui mobilise les grands réservoirs des abstentionnistes pourrait facilement stopper cette dynamique de l'extrême droite qui a toujours profité de cet absentéisme électoral. Le second facteur est à trouver dans le fait que le choc de la probable arrivée de l'extrême droite au pouvoir, cette fois plus sérieuse que jamais, aurait réussi à remuer des franges de la société qui disposaient du droit de vote et qui ne l'ont jamais utilisé par une sorte de défiance ou d'incompréhension à l'égard d'un système dont ils se sentaient exclus. Aujourd'hui alors que toutes les alertes sont au rouge face au cauchemar de l'extrême droite, ces banlieues, autant de réservoirs de votes très peu ou rarement utilisés, peuvent se mobiliser pour donner à ce Front de gauche l'assise électorale dont il a besoin pour faire barrage à l'extrême droite. Dans tous les cas de figures, ces élections législatives sont placées sous le signe d'un grand suspense où tous les scénarios sont possibles. Un raz de marée de l'extrême droite avec Jordan Bardella à la tête du futur gouvernement. Une victoire de la gauche avec une possibilité de choisir le futur premier ministre parmi ses rangs, ou une incapacité pour aucun parti de dominer l'Assemblée qui deviendra par la force des choses ingouvernable. Ce dernier scénario est la cauchemar du président Emmanuel Macron, car le mettra face à un pays paralysé, incapable ni d'avancer ni de reculer et qui lui imposera sans aucun doute d'autres choix et d'autres sacrifices pour sortir la France d'une dangereuse ornière.