Alors que les explications du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, annonéces jeudi par Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, se font toujours attendre, le principal intéressé a ressorti les mêmes arguments « peu convaincants et provocateurs » que lors de sa première sortie médiatique. Invité à une émission sur la deuxième chaîne, Abdellatif Ouahbi ne paraît pas s'inquiéter outre mesure du scandale du concours d'accès à la profession d'avocat où l'odeur de « corruption » et de « népotisme » se serait fait sentir à des kilomètres. Bien au contraire, Ouahbi semblait bien dans son costume-cravate en affirmant à nouveau, qu'il était « fort de son statut de ministre de la Justice, et qu'il n'y a pas une once de doute sur la fiabilité des résultats dudit examen », qui ont révélé la réussite d'abord de son fils « qui a deux diplômes à Montréal parce que son père est riche et a les moyens de lui payer des études à l'étranger, » ainsi que la présence de Moulay Said Charfi, directeur de la logistique et de la gestion du patrimoine au ministère de la Justice, parmi la liste des lauréats. Il a également défendu bec et ongle le personnel de son ministère ainsi que ceux qui se sont occupés du processus de surveillance des examens, entachés par des soupçons de triche ou encore de fuite des épreuves. En réponse à une question sur la possibilité d'ouvrir une enquête après ce scandale, Ouahbi, qui donne l'impression de ne devoir (et ne vouloir) rendre de comptes à personne, a expliqué qu'il a ouvert lui même, « en sa qualité de ministre de la Justice », cette enquête en fouinant dans les copies dont les candidats ont réclamé la révision. Des déclarations qui attisent la méfiance envers les institutions Ne prêtant pas attention aux appels à la démission qui se sont succédés récemment de la part de politiciens, journalistes et avocats, Ouahbi, n'a même pas encore répondu à une question écrite adressée par par Fatima Tamni, députée de la Fédération de la gauche démocratique (FGD), concernant « les dépassements entachant les résultats de l'épreuve écrite d'admissibilité à l'exercice de la profession d'avocat ». La députée l'a interpellé au sujet de « la nouvelle méthodologie adoptée pour sélectionner les candidats, à savoir celle du QCM (Questionnaire à choix multiples), au lieu de sujets éditoriaux en lien avec la législation et le système judiciaire, qui montre la capacité du candidat à analyser et décrypter des textes juridiques ». Ce qui est surprenant aussi, poursuit Fatema Tamni, est « la participation de l'Association des avocats dans le processus de correction automatique de l'épreuve écrite, alors que sa position était le rejet de l'annonce de l'examen et son boycott, en plus de l'apparition dans les résultats de l'examen écrit de plusieurs noms de famille qui ont des liens de parenté avec de hauts responsables au ministère de la Justice, des bâtonniers et avocats qui font partie des différents ordres, ce qui montre une volonté de monopoliser ce métier noble de la part d'une certaine catégorie, et la privation des enfants du peuple de leur chance de réussir et améliorer leur statut social ». Jointe par Hespress Fr, la députée de la FGD a confirmé n'avoir toujours pas reçu de réponse de la part du ministre, notant qu'il y a en effet une procédure à suivre, et qu'il fallait attendre. « Mais des fois, nous ne recevons aucune réponse, ce qui donne une idée sur les personnes qui gèrent les affaires et l'intérêt public et dirigent les affaires du pays. La situation nécessitait une forte réaction, surtout qu'il s'agit d'un sujet qui a engendré une grande rancoeur et de la frustration, et suscité plusieurs réactions. Mais jusqu'à maintenant, je n'ai reçu aucune réponse, ce qui montre une certaine irresponsabilité », a-t-elle confié. Interpellée sur la position « inchangée et provocatrice » d'Ouahbi concernant ce scandale, Fatema Tamni a estime qu' »au vu de la tension et du malaise croissant ressentis » après ce scandale du concours, et « les soupçons de corruption et de népotisme, il n'y a eu aucune réaction de la part du gouvernement jusqu'à présent. Il y a un silence gouvernemental. Un silence incompréhensible. Est-ce parce que l'Exécutif n'a pas de réponse, ou parce qu'il croule sous d'autres déséquilibres, ou soutient il ces mêmes déséquilibres ? Plusieurs questions se posent« . En parallèle, la députée de la FGD relève que « le ministre n'a fait preuve d'aucun sens de responsabilité concernant cette polémique sur le concours des avocats, et les justifications qu'il a avancées sont une sorte de fuite en avant« . « On constate de plus en plus qu'il s'agit d'une collusion d'intérêts. Et du coup, on défend le mensonge. Tout cela touche à l'égalité des chances, et aux droits des enfants des Marocains. Jusqu'à quand cette situation va se poursuivre ? », s'est-elle interrogée. La députée a ainsi estimé qu'il est temps « d'avoir un peu de sens de responsabilités, d'ouvrir une enquête, et de donner des réponses. Il n'est pas concevable que face à la tension qui monte, le ministre de la Justice, responsable de cette polémique, sorte avec des justifications et des déclarations irresponsables qui ne répondent pas aux questions ». « Les listes publiées des personnes ayant réussi l'examen écrit sont entourées de des soupçons de corruption, de népotisme et de clientélisme. À côté, on a des justifications aberrantes comme si l'on prenait les gens pour des pauvres d'esprit, et on se moque d'eux. C'est dommage et honteux, parce que cela touche à la crédibilité des institutions et encourage la méfiance des Marocains, qui ont déjà perdu confiance, à cause de ce genre de pratiques », a-t-elle conclu.