Alors qu'une manifestation des candidats a été organisée ce mardi à Rabat, la polémique sur l'examen d'aptitude à l'exercice de la profession d'avocat arrive au Parlement avec une question adressée à Abdellatif Ouhbi, dont les explications, présentées la veille, n'ont pas réussi à convaincre. La liste des admis aux concours des avocats, dévoilée il y a quelques jours, est au cœur d'une polémique, exacerbée par les récentes déclarations du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi. Ainsi, des avocats et des étudiants ont organisé, ce mardi, une manifestation devant le Parlement à Rabat, pour protester contre les résultats dudit concours et appeler à l'ouverture d'une enquête. Ils ont ainsi scandé des slogans appelant à la «fin de la corruption». «Nous sommes les fils des pauvres et eux sont ceux des ministres», ont-ils dénoncé. Un clin d'œil au fils du ministre de la Justice qui a réussi le concours. Les slogans ont également viré pour appeler à une «justice sociale» et dénoncer le manque d'opportunité pour les jeunes diplômés. La manifestation s'est tenue à l'appeler d'une coordination des «candidats ayant échoué à l'examen d'aptitude à l'exercice de la profession d'avocat», qui a appelé à «s'arrêter sur les dysfonctionnements et manquements de l'examen qui ont affecté le barème de notation». Hier, elle a appelé «les parties concernées par le processus de l'examen et de ses résultats annoncés» à «manifester massivement de manière pacifique et civilisée, conformément à ce qui est garanti par la Constitution et les lois du Royaume, afin pour faire entendre leur voix auprès des autorités responsables et dénoncer la corruption et les corrompus qui ont manipulé l'examen et ses résultats». Ouhbi dénonce des «pressions» et met en avant la création de «2 000 postes» Lundi, dans une déclaration à la presse, en marge d'une réunion au siège de son ministère, Abdellatif Ouahbi a commenté la polémique, non sans provoquer des grincements de dents. «S'ils veulent que je publie la liste de ceux qui ont réussi et ceux qui ont échoué, je la publierai avec des noms», a-t-il lancé, rappelant que les copies de l'examen ont été corrigées par la machine. «J'ai créé 2 000 postes d'emploi et on m'a fait pression pour ne pas dépasser 500 ou 600 mais j'ai résisté à ces pressions», a-t-il tenu à rappeler. Le ministre est revenu aussi sur certains «noms de familles» qui se répètent dans la liste des admis. «Les noms de familles au Maroc se ressemblent. Il y a 42 Ouahbi dans la profession d'avocats (…) Pourquoi essayez-vous de ruiner mon travail», a-t-il dénoncé, mettant en avant la création de «2 000 emplois» et appelant à un «soutien». «Un comité a supervisé l'examen et est sorti avec des résultats, et je leur fais confiance. Pourquoi devrais-je ouvrir une enquête ? Juste parce qu'une personne assise dans un café me le demande ?», s'est-il interrogé, avant d'affirmer que son fils, qui a réussi l'examen «dispose de deux licences» obtenues à Montréal. «Son père est un homme riche et il a payé de l'argent pour qu'il étudie à l'étranger», a lancé Abdellatif Ouahbi sur un ton moqueur, visiblement irrité par la question. Concernant la présence des noms de fils d'avocats et d'hommes politiques sur la liste des candidats admis, le ministre de la Justice a été catégorique. «Ne sont-ils pas des citoyens ? N'ont-ils pas le droit de réussir ? Combien sont-ils ? 60, 70, ou 100 ? 2 000 candidats ont réussi, si la liste incluait 900 fils d'avocats et 50 fils d'hommes politiques, cela aurait été une autre situation», a-t-il conclu. La polémique arrive au Parlement La polémique s'invitera, dans les prochains jours, au Parlement. Ce mardi, la députée parlementaire de la Fédération de la gauche démocratique (FGD), Fatima- Tamni a adressé une question écrite au ministre de la Justice, l'interrogeant sur les dysfonctionnements ayant affecté les résultats de l'épreuve écrite de l'examen d'aptitude à l'exercice de la profession d'avocat. Dans sa question, elle a évoqué «la mauvaise gestion de l'épreuve écrite» et sa surprise face à «la participation de l'association des barreaux du Maroc au processus de correction automatique de l'épreuve écrite, après que avoir refusé l'annonce de l'examen et annoncé son boycott». L'élue a pointé l'«émergence» de noms «liés à des hauts fonctionnaires du ministère de la Justice ou à des bâtonniers et des avocats appartenant à divers corps» dans la liste des admis, dénonçant une «tentative de monopoliser cette noble profession par un groupe spécifique». La députée de la FGD a interrogé le responsable gouvernemental sur «les mesures qu'il compte prendre pour corriger cette situation et dédommager les personnes qui ont été privées de leur droit de passer un examen avec des chances égales et justes». De son côté, le Forum démocratique marocain du droit et l'équité (ONG) a appelé le ministère public et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) à ouvrir une enquête «sérieuse et responsable», et à «assumer leur responsabilité morale et légale. L'ONG a demandé le «limogeage du ministre de la Justice, et le tenir pour responsable de ce scandale politique». Le forum a également appelé à «annuler la farce des listes de résultats des examens», estimant que ceux-ci «sont réservés aux enfants de familles affiliées à la magistrature, aux professions d'avocats et aux personnalités politiques influentes».