Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, semble décidé à mener à bout la réforme de la profession d'avocat. Aujourd'hui, la profession d'avocat nécessite une restructuration globale et des réformes structurelles, notamment au niveau de l'accès au métier. Ce constat est partagé entre ministère et professionnels. Cette réforme s'annonce toutefois complexe. En effet, le texte organisant la profession remonte à 2008 quoiqu'il a été légèrement amendé en 2011. Depuis 2013, les discussions pour une modification de fond et pour une charte de la réforme de la Justice ont lieu. C'est dans ce contexte que le ministère de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a exprimé l'intention effective de son ministère à modifier la loi réglementant la profession d'avocat en révélant l'existence de concertations entre le ministère et les différents Ordres des avocats du Royaume. En effet, en réponse à une question écrite du parlementaire Noureddine Kchibel (RNI), Ouahbi a souligné que la discussion avec les bâtonniers a également porté sur la question des frais d'inscription payés par les stagiaires, dont les montants élevés peuvent constituer un obstacle pour un grand nombre des jeunes ayant le certificat d'aptitude à la profession d'avocat. Le ministre a expliqué que la discussion a abouti à la compréhension et à un consensus entre tous les bâtonniers sur l'importance de réviser les montants des frais d'inscription, ajoutant que les résultats de cette discussion seront pris en considération dans la nouvelle loi sur la profession d'avocat. Le parlementaire du Rassemblement national des indépendants (RNI), Noureddine Kchibel, a rappelé que l'article 78 du règlement intérieur de l'association des barreaux du Maroc impose aux candidats à la profession d'avocat de joindre à leur candidature un récépissé prouvant le paiement des frais d'inscription fixés par l'Ordre de Conseil en contrepartie de l'adhésion et également les cotisations annuelles. Il a souligné que la valeur de ces frais varie selon le statut professionnel du candidat, et le montant d'adhésion varie d'un Ordre à l'autre, dans la mesure où certains Ordres exigent des sommes faramineuses, notamment pour ceux qui viennent des universités et ceux qui viennent de milieux pauvres ou modestes. Kchibel a relevé que la loi réglementant la profession exigeait auparavant que la cotisation soit annuelle. Et il s'est interrogé sur la légitimité de ces frais d'inscription, d'autant plus que la situation impose désormais une révision des sommes colossales exigées, qui dépassent parfois 220.000 dirhams, ce qui semble illogique et en adéquation avec le revenu moyen de la plupart des Marocains. Plus de 150.000 Dh pour devenir Avocat L'accès des classes sociales vulnérables, malgré l'excellence de leurs parcours scolaire, à la profession peut sembler très difficile vu les sommes colossales demandées comme frais d'inscription. « Généralement, ces frais varient entre 50.000 Dh à Taza par exemple jusqu'à 120.000 Dh, 150.000 à Tanger. Les frais les plus hauts, à savoir 220.000 ou plus, sont spécifiques pour les avocats déjà en activité et qui aimeront changer de barreau. Il n'y a pas une somme précise et le baromètre change d'une région à une autre. », nous révèle ElHoucine B., jeune avocat. Ce dernier avoue que lui comme d'autres jeunes avocats se trouvent obligés de prendre des crédits de leurs familles et des banques afin de réaliser leurs objectifs professionnels. A cet égard, Ouahbi indique que l'obligation d'adhésion aux barreaux d'avocats tire ses origines de l'article 20 de la loi n° 28.08 relative à la profession d'avocat : « Le Conseil de l'Ordre statue sur les demandes d'inscription au tableau, après avoir réuni les éléments d'enquête dans un délai de quatre mois suivant la date du dépôt de la demande ». Outre les attributions confiées au Conseil de l'Ordre, Ouahbi avance que le Conseil statue sur tout ce qui concerne la profession d'avocat, précisant que les frais d'inscription sont fixés sous certaines conditions à respecter tels que le nombre des avocats inscrits à l'Ordre, le volume de l'activité judiciaire, et le nombre des juridictions entrant dans la compétence territoriale du Conseil, etc. Donc, le montant varie d'un Conseil à l'autre. Création d'un institut de formation Ouahbi a annoncé également la mise en place d'une institution dont la mission est de former les avocats stagiaires. Cet institut est prévu par la loi actuelle, mais n'a jamais vu le jour. Si actuellement les lauréats d'une licence en droit peuvent directement participer à un examen d'aptitude lancé par le ministère, suivi d'un stage de trois ans au bout duquel ils peuvent exercer en tant que titulaires, les avocats avaient proposé, dorénavant, l'exigence d'un master en droit délivré par une Faculté marocaine (ou diplôme étranger équivalent). Ce diplôme, entre autres conditions, permettra de postuler au concours d'accès audit institut de formation où on acquiert la qualité de candidat à la profession. Puis, après 2 ans de formation « approfondie », le candidat est ensuite soumis à un examen pour l'obtention du certificat d'aptitude à la profession d'avocat. S'il réussit l'examen, il peut déposer une demande de stage dans un cabinet d'avocat pour une durée de deux ans. A l'issue du stage, l'intéressé devra encore une fois passer un examen écrit et oral devant une commission représentée par le Conseil de l'Ordre. Des mesures pour garantir une formation de qualité aux futurs avocats tout en limitant l'accès à ce métier. Les attentes des avocats En plus de la création d'un institut de formation pour les avocats afin d'organiser principalement le nombre des nouveaux avocats admis, améliorer leur formation et donc par la suite leurs conditions d'exercice du métier, des avocats contactés par nos soins nous annoncent que les discussions avec le ministère portent sur d'autres sujets. En effet, le deuxième point est celui de l'élargissement de l'étendue du champ de compétence des avocats quant au traitement des dossiers. La profession insiste pour établir son monopole sur des activités convoitées par d'autres professions juridiques, par exemple en octroyant aux robes noires l'exclusivité du « conseil » et « des consultations juridiques ». Hiba CHAKER