Alors qu'on s'attendait à une réaction forte du gouvernement concernant l'affaire Abdellatif Ouahbi et le scandale du concours d'accès à la profession d'avocat, le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, a botté en touche, affirmant que c'est là une affaire qui concerne le « ministre seulement« , et que ce dernier devait se prononcer sur le sujet dans les heures qui suivent le point de presse à l'issue du Conseil du gouvernement tenu jeudi. Les Marocains ont donc attendu sagement cette fameuse mise au point du ministre, qui n'a malheureusement jamais eu lieu. C'était le silence radio total. Aucune réaction ni explication n'a été fournie par Abdellatif Ouahbi, qui donne l'impression de ne devoir (et ne vouloir) rendre de comptes à personne. N'a-t-il pas dit que « c'est lui le ministre et lui qui décide »? Ainsi, le silence du ministre de la Justice concernant le scandale du concours d'accès à la profession d'avocat n'a fait qu'enfler et attiser la colère des Marocains. Les appels à la démission d'Abdellatif Ouahbi se multiplient. Politiciens, journalistes, avocats et citoyens Lambda appellent Ouahbi a rendre les clefs et quitter l'un des ministères les plus sensibles, censé rendre justice aux citoyens, et non consacrer le « népotisme » et le « favoritisme« . Le député istiqlalien, Abderrahim Bouaida, est l'un des politiciens ayant appelé à la démission du ministre de la Justice par sens « d'étique et de dignité« , à défaut d'une démission du gouvernement en entier après ce scandale. « Si nous étions dans un pays où les institution se respectent, le gouvernement tout entier aurait déposé sa démission après ce scandale et présenté des excuses aux filles et garçons du peuple marocain« , a lancé Bouaida. « Nous avons à peine commencé à reprendre confiance en nos institutions, le monde entier a parlé de nous et de nos victoires en coupe du monde. Et il s'agit de jeunes de familles défavorisées qui ont réussi leur vie pour devenir aujourd'hui de grands joueurs. Mais le scandale d'Ouahbi est venu gâcher cet élan « , a-t-il déploré. Ainsi, Bouaida a donné un exemple similaire de ce qui se passe actuellement, et qui s'est déroulé il y a pas longtemps en Égypte, concernant un ministre de la Justice qui a avait estimé que les enfants issus de milieux défavorisés n'avaient pas le droit de se présenter aux concours de magistrature. « Suite à ça, il a déposé sa démission, parce que l'opinion publique était contre lui, alors que l'Égypte n'est pas un pays plus développé que nous, ni plus avancé que nous« , a-t-il précisé le député Istiqlalien pour qui la bourde d'Ouahbi est plus grave que celle du ministre égyptien. « M. Ouahbi a déclaré que son fils a étudié à Montréal et qu'il avait deux diplômes et qu'il a les moyens pour. Il n'y a pas de problème là dessus, mais Ssi Ouahbi, vous avez reconnu aussi que certains politiciens ont intégré la politique grâce à leur argent, et qu'ils dirigent la politique à travers leur argent. Et vous (Ouahbi), ne gérez-vous pas la politique avec votre argent et votre poste en tant que ministre en faisant réussir votre fils au concours ainsi que plusieurs autres candidats ? Aujourd'hui, nous avons la liste des résultats devant nos yeux, et nous constatons plusieurs noms de famille qui se ressemblent et qui sont liés à des politiciens et autres personnes connues du domaine de la justice ou autre. La question qu'on vous pose aujourd'hui, Ssi Ouahbi, est où en sont les enfants du peuple marocain dans tout ça ? « , a interrogé Bouaida. A ce propos, Bouaida s'est interrogé sur le sort des jeunes marocains qui étudient aujourd'hui dans les écoles et les universités publiques. « Que va-t-on faire d'eux ? Ce qui se passe est inadmissible et nécessite votre démission, moralement et éthiquement, sans que personne ne vous l'impose en plus des excuses qui doivent être présentées aux Marocains. Et le gouvernement est tout aussi responsable comme vous« , a-t-il lancé. La FDG demande des explications Après l'éclatement du scandale du concours des avocats, plusieurs questions ont été soulevées, dont une écrite adressé au ministre de la Justice, par Fatima Tamni, députée de la Fédération de la gauche démocratique (FGD), qui a saisi Ouahbi concernant « les dépassements entachant les résultats de l'épreuve écrite d'admissibilité à l'exercice de la profession d'avocat« . La députée l'a en ce sens interpellé au sujet de « la nouvelle méthodologie adoptée pour sélectionner les candidats, à savoir celle du QCM (Questionnaire à choix multiples), au lieu de sujets éditoriaux en lien avec la législation et le système judiciaire, qui montre la capacité du candidat à analyser et décrypter des textes juridiques« . Fatima Tamni a également soulevé « la mauvaise gestion de l'examen écrit organisé le 4 décembre 2022, que ce soit au niveau de l'indisponibilité de ressources humaines suffisantes dans le processus de surveillance de l'examen, la propagation du phénomène de tricherie de manière spectaculaire chez certains candidats sans aucune intervention du personnel de surveillance, ainsi que la fuite de l'épreuve écrite des sessions du matin et du soir quelques minutes après le début de l'examen« . « Au moment où l'opinion publique marocaine attendait l'intervention du ministère de la Justice et l'ouverture d'une enquête au sujet de ces déséquilibres qui ont affecté l'examen écrit d'accès à la profession d'avocat, et punir tout candidat impliqué dans la triche, afin de préserver le principe d'égalité des chances, nous avons été surpris des résultats de l'examen écrit, puisque le nombre des admis ne dépasse pas les 2,5% du total des candidats, ce qui confirme l'approche du ministère de la Justice consistant à plafonner le nombre de lauréats, en contradiction totale avec la décision du ministre de la Justice, qui réglemente le déroulement de l'examen, puisque chaque candidat qui obtient en moyenne non moins de 80 sur 160 est considéré comme ayant réussi l'épreuve écrite », explique la députée. Ce qui est surprenant aussi, poursuit la Fatema Tamni, est » la participation de l'Association des avocats dans le processus de correction automatique de l'épreuve écrite, alors que sa position était le rejet de l'annonce de l'examen et son boycott, en plus de l'apparition dans les résultats de l'examen écrit de plusieurs noms de famille qui ont des liens de parenté avec de hauts responsables au ministère de la Justice, des bâtonniers et avocats qui font partie des différents ordres, ce qui montre une volonté de monopoliser ce métier noble de la part d'une certaine catégorie, et la privation des enfants du peuple de leur chance de réussir et améliorer leur statut social« . Dans ce sens, la députée de la FGD a interpellé le ministre de la Justice, sur » les mesures qu'il compte prendre pour corriger cette situation et rendre justice aux enfants du peuple qui ont été privés de leur droit de passer l'examen à chances égales et justes, pour leur permettre de dépasser les obstacles de la pauvreté, de la marginalisation, du chômage et restaurer ainsi la confiance dans les institutions étatiques ?« , a-t-elle conclu. De son côté, Isaac Charia, président du Parti libéral (PL) et avocat de profession, a carrément annoncé que son parti compte saisir le Parquet général, puisque des soupçons de violation pénales sont clairement évoquées (corruption, falsification de résultats, usurpation d'identité...). Charia a appelé tous les candidats s'estimant injustement recalés, à s'associer au dossier élaboré par le PL et qui sera transmis au ministère public, assorti d'une demande d'enquête sur tous les dépassements largement dévoilés et dénoncés par différentes parties. Affaire à suivre ...