Depuis peu, l'Aïd Al Adha n'échappe pas au phénomène de l'ubérisation avec l'apparition de plateformes en ligne proposant la vente d'ovins et de caprins. Ce mode de consommation, pratiqué le plus souvent par les jeunes, et qui s'empare aujourd'hui du folklore de l'Aïd El Kébir, révèle une profonde transformation dans l'acte d'achat. Qui aurait pensé qu'un jour les bêtes de sacrifice destinées à l'Aïd seraient commercialisées en ligne et livrées à domicile ? Parce que l'Aïd Al Adha ne se limite pas uniquement au jour du sacrifice, l'influence irrépressible d'internet sur le comportement du consommateur brusque même les traditions les plus ancrées. A l'ère de la digitalisation, plus besoin de flâner dans les « rahbas » terreuses en lisière des villes pour contempler le bétail, s'enquérir des prix et se faire une idée de son budget. Ces nouvelles plateformes proposent désormais des bêtes livrables pour tous les goûts et à la portée de toutes les bourses. A l'approche de l'Aïd, ce sont tous les canaux de communication sociaux qui sont pris d'assaut par des éleveurs convertis provisoirement en influenceurs. Pendant que certains vendent leurs élevages sur les sites de petites annonces gratuites, d'autres s'activent sur Facebook, Instagram ou TikTok, ou emploient carrément des sites-web pour une activité régulière. C'est le cas de My ANOC, la nouvelle marketplace de e-commerce d'ovins et de caprins lancée la semaine dernière à l'initiative de l'Association Nationale Ovine et Caprine (ANOC). Cette plateforme pour le moins originale est le fruit d'une démarche duale d'intelligence collective et d'innovation pensée pendant le confinement. Le président de l'Association, Abderrahmane Mejdoubi, a relevé que l'idée de ce projet collaboratif émane de la volonté des éleveurs organisés en coopératives de développer de nouvelles alternatives aux circuits de distribution classiques rompus pendant la crise sanitaire. Et d'expliquer que via la plateforme, les acheteurs peuvent entrer en contact direct avec les éleveurs référencés par l'Association qui déploie ses techniciens dans l'ensemble des régions du Royaume pour suivre l'activité commerciale, gérer les commandes et alimenter le site-web. Le principal avantage procuré par cette initiative, poursuit Abderrahmane Mejdoubi, est celui de contourner l'activité des intermédiaires ou regrattiers opérant dans les souks traditionnels et communément appelés « chenakas », dont l'action spéculative fait augmenter le prix du bétail. Via la plateforme, le client a accès à un large éventail de choix en matière de races et de prix, sans devoir se déplacer aux marchés, parfois mal organisés. L'e-commerce serait ainsi un moyen d'acheter son sacrifice directement à la source en s'assurant de sa traçabilité. A ce titre, le président de l'Association rappelle que l'ensemble des éleveurs sur « My ANOC » proposent des bêtes bouclées et identifiées, ayant continûment subi des examens vétérinaires qui attestent de la viabilité du cheptel. Si le recours au web ne permet pas de tâter le mouton, se renseigner son âge et son adiposité ou tout simplement observer son amble et sa corpulence, Abderrahmane Mejdoubi rassure quant à la qualité des bêtes proposées et à l'exhaustivité des informations relatives à l'animal disponibles dans sa fiche d'identification. La plateforme permet aux acheteurs de visualiser les ruminants de petite taille disponibles à la vente avec leurs caractéristiques, notamment de race, de poids et d'âge et de consulter les données des éleveurs en ligne avec la possibilité de faire des recherches avancées multicritères. Avant de procéder au paiement de l'acompte, obligatoire sur la plateforme avant la finalisation de l'achat à la livraison, l'acheteur a également la possibilité de se renseigner auprès de l'éleveur. Pensée en vrai business institutionnalisé, la plateforme My ANOC, qui sera opérationnelle toute l'année, est aussi destinée aux bouchers et aux chevillards qui souhaitent acheter des bêtes aux caractéristiques bien déterminées. L'objectif de cette initiative disruptive se voulant en droite ligne avec l'objectif de transformation digitale des agrosystèmes, serait de mettre à la disposition des exploitants une plateforme organisée et pérenne leur permettant d'accroître leurs ventes et d'accéder à de nouveaux marchés. En faisant partie des objectifs de la stratégie de développement agricole à l'horizon 2030 « Generation green », My ANOC promet en définitive de donner une impulsion à la structuration de la chaîne de production d'ovins et caprins et de viande rouge en général à l'échelle nationale. Pour rappel, l'offre pour l'Aïd Al Adha cette année est estimée à près de 8 millions de têtes, pour une demande n'excédant pas les 5,6 millions. Les prix restent fluctuants en fonction des terroirs mais globalement proches des tarifs proposés l'année dernière.