Pour la première fois et depuis leur premier plaidoyer pour l'abrogation de l'article 490 du Code pénal lancé en 2019, des membres du Collectif 490 ont été reçues et écoutées par le ministère de la Justice, lundi 20 décembre. En effet, une rencontre a eu lieu entre ce mouvement « Hors la loi » et la conseillère du ministre de la Justice, Fatima Ezzahra Maelainine. Au cours de cette réunion, le Collectif a remis à la conseillère d'Abdellatif Ouahbi une lettre ouverte à l'attention du ministre de la Justice, s'articulant autour de leur plaidoyer pour l'abrogation de l'article 490, avec un argumentaire aux aspects juridique, historique et de droits humains. « L'adoption de la Constitution de 2011 était une promesse faite à l'ensemble des Marocaines et des Marocains d'un Maroc meilleur, un Maroc où les vies privées des citoyens seraient préservées et leurs droits fondamentaux garantis. L'annonce récente par le Gouvernement de son projet de réformer globalement le Code pénal nous remplit de l'espoir que cette promesse sera enfin honorée« , a exprimé le collectif dans sa correspondance. Tout en rappelant que le Code pénal est resté inchangé depuis 1961 sur le droit fondamental de disposer de son corps, le Collectif a souligné que des « citoyens majeurs et consentants ou des victimes de violences sexuelles ont vu leurs vies brisées du fait de cette loi inique qui favorise l'arbitraire et qui est instrumentalisée pour faire taire ceux qui dérangent par leur opinion, leur mode de vie ou qui, tout simplement, font les frais d'un ex-mari jaloux, d'un voisin intrusif, d'un gardien trop zélé« . En somme, « l'article 490 fait feu de tout bois tant l'imprécision de sa formulation est vaste » précise la même source. Aujourd'hui, la mission du gouvernement est de « penser, comprendre et puis agir« , estime le Collectif dans sa lettre qui appelle à penser aux femmes victimes de viol, de diffusion ou de chantage à la diffusion d'images intimes ou encore d'autres violences sexuelles qui ne pourront jamais porter plainte de crainte de se faire elles-mêmes injustement arrêter sur le fondement de l'article 490. « Les juges, au lieu de focaliser leur attention sur les faits et le degré de violence qui les a accompagnés, s'évertuent à rechercher l'existence d'une relation préalable entre la victime et son agresseur. Très souvent, cela aboutit à condamner la victime à une peine de prison. De tels cas finissent parfois de façon tragique comme ce fut le cas avec le suicide de la jeune Khadija cette année« , a expliqué le Collectif. La réforme du Code pénal : L'espoir qui pourra faire changer des vies Jointe par Hespress Fr, Sonia Terrab, membre du Collectif 490 et lauréate du prix Simone de Beauvoir 2020, nous a confié que la rencontre avec la conseillère de Ouahbi a permis un dialogue constructif, durant lequel le collectif a dressé ses objectifs et réitéré son engagement, et notamment sa volonté de collaboration, afin de faire aboutir leur juste cause. Interrogée sur les signaux envoyés par le ministère de la justice était positifs ou pas, Sonia Terrab a estimé que l'idée était d'abord d'être reçu par le ministère et puis être écouté. Mais le fait que le ministère soit la première instance politique et gouvernementale à recevoir le Collectif depuis sa création en 2019, « était un signe très positif« , a précisé la réalisatrice. « Effectivement tout reste à jouer. Et nous, nous ne faisons aujourd'hui que porter le combat le plus loin possible pour que l'abrogation de l'article 490 soit incluse dans la réforme du Code pénal. Aujourd'hui c'est notre moment d'occuper l'espace et de faire entendre nos revendications. Et c'est ce qu'on a fait hier« , nous a confié Sonia Terrab. Un projet de réforme retiré du Parlement pour être remodelé Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a retiré du Parlement en novembre dernier le projet de code pénal, dans le but de le remodeler. Pour le Collectif 490, c'est « le moment » pour passer à l'action et faire écouter leurs doléances auprès des décideurs. « Pour nous, le plus important aujourd'hui et ce qui nous donne plus d'espoir, c'est la réforme du Code pénal. C'est le moment de continuer la pression et on va essayer de faire le maximum pour que l'article 490 soit inclus dans la réforme du nouveau Code pénal. À côté, on va continuer notre travail auprès des politiques en allant voir les parlementaires« , a expliqué Sonia. La prochaine étape du collectif, est de continuer « la pression politique et médiatique, mais aussi sur les réseaux sociaux, pour faire entendre notre voix et pour que le 490 soit inclus dans le projet de réforme du Code pénal« , a-t-elle souligné. Mais qu'en est-il des autres articles du Code pénal touchant aux libertés individuelles, notamment les articles 489 (homosexualité), et 491 (adultère). Interrogée sur ce point, Sonia Terrab nous a expliqué que « le collectif défend l'abrogation de tous les articles qui touchent les libertés individuelles. C'est ce qu'on avait d'ailleurs demandé dans notre pétition déposée en 2019« . Mais aujourd'hui, le collectif a choisi l'article 490, parce qu'il y a beaucoup d'espoir par rapport à l'avortement et aux recommandations qui n'ont pas été prises en considération, soulève-t-elle. « On a décidé aujourd'hui de se focaliser sur l'article 490, parce qu'il cristallise énormément de choses. Et si on arrive à supprimer l'article 490, ça ne peut être qu'une ouverture finalement. Parce que l'article 490, son problème, et que plus on avance, plus on se rend compte que c'est article qui, dans la vie quotidienne des gens, bloque. Il empêche les femmes d'aller porter plainte pour viol, pour le divorce. Rien que pour la tutelle, la garde des enfants, etc. C'est un article qui bloque le combat féministe au Maroc. C'est déjà une revendication qui est avant tout féministe, alors qu'avant ce n'était pas le cas« , dit-elle. « Aujourd'hui avec tous les témoignages qu'on a et les appels à l'aide qu'on reçoit de nombreuses femmes, on s'est rendu compte que c'était avant tout un combat féministe et que le Maroc aujourd'hui ne peut pas s'engager dans la voie du développement et dans les promesses d'une égalité homme-femme sans l'abrogation de l'article 490« , a conclu cette membre engagée du Collectif 490. Dans leur lettre adressée au ministre de la Justice, les membres du Collectif 490 appellent le gouvernement à agir en « introduisant l'abrogation pure et simple de l'article 490 dans son projet de réforme du code pénal qu'il soumettra au Parlement et, à travers cela, démontrer son engagement à prendre en compte la parole des victimes de violences sexuelles et les revendications des jeunes et à faire cesser l'hypocrisie régnante, fruit du décalage entre l' état actuel de la société marocaine et la justice qui la régit« .