« L'adoption de la Constitution de 2011 était une promesse faite à l'ensemble des Marocaines et des Marocains d'un Maroc meilleur. Un Maroc où les vies privées des citoyens seraient préservées et leurs droits fondamentaux garantis », c'est avec ces mots que les activistes ont choisi de commencer leur lettre adressée au Ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi. Un nouveau pas franchi par « Hors la loi » pour ce qui est de l'abrogation du controversé article 490. Disposer de son corps Plutôt optimiste, le collectif fait mention de la récente annonce par le Gouvernement de son projet de réforme globale du code pénal. «Cette annonce nous remplit de l'espoir que cette promesse sera enfin honorée», s'enthousiasme-t-on. Reçues lundi 20 décembre par la Conseillère de Abdellatif Ouahbi, Fatima Ezzahra Maelainine, les activistes du Collectif 490 ont pu défendre leur plaidoyer pour l'abrogation de l'article 490. Ils ont pu présenter un argumentaire s'articulant sur plusieurs axes : juridiques, historiques et surtout droits humains. « Depuis 1961, le code pénal marocain reste inchangé sur le droit fondamental à disposer de son corps. Des citoyens majeurs et consentants ou des victimes de violences sexuelles ont vu leurs vies brisées du fait de cette loi inique », s'insurgent les membres de « Hors la loi ». Ces derniers notent l'aspect parfois vindicatif d'une « loi souvent instrumentalisée par un ex-mari jaloux, un voisin intrusif ou un gardien trop zélé... L'article 490 fait feu de tout bois tant l'imprécision de sa formulation est vaste », argumente le Collectif. Un article controversé Objet de l'ire des défenseurs des droits humains et des libertés individuelles, cet article stipule en effet que sont passibles «d'emprisonnement d'un mois à un an toutes personnes de sexe différent qui, n'étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles». Une loi controversée, qui au-delà des destins brisés d'une manière directe, favorise l'amplification des violences numériques dans notre pays. « Encore aujourd'hui, lorsqu'une femme ayant subi un viol mais ne parvenant pas à le prouver ou qu'une victime de revenge porn se présente à la justice pour bénéficier des mesures de protection que lui offre le code pénal, elle risque elle-même de se faire arrêter en vertu de l'article 490» déplore-t-on dans la lettre. Les victimes finissent ainsi par renoncer à leur droit de dénoncer leurs agresseurs par peur d'être poursuivies. «Les agresseurs eux savent en profiter car conscients de la menace légale pesant sur ces femmes. Ces dernières deviennent, par la force de l'article 490, des coupables ! » déplore Lamia Faridi, Avocate au barreau d'Agadir. Dans leur argumentaire, les activistes notent l'aspect ségrégationniste de l'article 490. « Penser aux jeunes et aux moins favorisés de nos compatriotes que cet article ségrégationniste condamne à vivre dans la frustration pendant que ceux issus des classes aisées utilisent leurs moyens pour contourner l'application de l'article 490 soit par la corruption, soit en disposant d'un logement privé, en payant deux chambres d'hôtels ou en voyageant à l'étranger » ajoute le courrier. Pour le collectif « l'existence de l'article 490 du code pénal participe significativement au sentiment d'oppression ressenti par les jeunes et à leur manque de confiance dans les institutions de ce pays ». Déterminé, le Collectif 490 appelle le gouvernement à démontrer son engagement et à s'aligner du côté des victimes de violences sexuelles tout en prenant en considérations les revendications des jeunes. « Nous demandons au Gouvernement d'agir en introduisant l'abrogation pure et simple de l'article 490 dans son projet de réforme du code pénal qu'il soumettra au Parlement... il faut mettre fin à l'hypocrisie régnante, fruit du décalage entre l'état actuel de la société marocaine et la justice qui la régit » conclut le Collectif. Perception sociale Les résultats mitigés d'une étude sociale menée par la plateforme Menassat et intitulée « Libertés individuelles au Maroc : représentations et pratiques » confirment d'ailleurs la dualité de perception des libertés individuelles par les Marocains. Tandis que 80% des sondés jugent que la virginité est synonyme de vertu et de bonne éducation, 50% estiment que les relations sexuelles hors mariage sont une liberté individuelle à respecter. 76% des personnes sondées ne nient pas la pratique courante de relations sexuelles hors mariage. Assez répandue mais pas acceptable pour autant si l'on en croit les données de cette étude. En effet, 80% des interrogés jugent que la virginité est garante de bonnes mœurs, de bonne éducation et de religiosité. L'enquête de Menassat nous apprend également que 50 % des Marocains interrogés se disent favorables à la pénalisation des relations sexuelles hors mariage. Surprenant lorsque l'on apprend que la majorité reconnait la pratique courante du sexe hors mariage dans notre société. Quant au fameux article 490 objet du plaidoyer de « Hors la loi », 70 % des interrogés affirment ignorer son contenu. En revanche, 27,2 % seulement rejettent l'application dudit article impliquant peine de prison et autre amende.