Une première : Le tribunal de première instance de Zagora vient d'acquitter un couple vivant en concubinage alors qu'il était accusé d'adultère. Assistons-nous au début de la fin du controversé article 490 ? Par Hayat Kamal Idrissi
Dans un pas qualifié d'audacieux, la cour de première instance de Zagora acquitte un couple vivant comme mariés sous le même toit, hors les liens du mariage et sans acte. Une jurisprudence dont se sont réjouis beaucoup d'internautes et d'activistes de droits humains, en y voyant un signe de bon augure pour les libertés individuelles dans notre pays. #stop490 Dans un post placé sous le hashtag #stop490, le chercheur Abdelouahab Rafiqui (Abou Hafs) donne les détails de ce jugement en remettant au gout du jour le grand débat de la liberté des relations sexuelles hors mariage et des libertés individuelles en général. De son côté, Bouchra Abdou de l'association Tahadi pour l'égalité, partage la bonne nouvelle en la qualifiant de grande première. L'information fait également le tour des groupes sur facebook en provoquant le débat entre les satisfaits et les mécontents. D'autres y voient une sorte de comme back du mariage coutumier, dit « mariage de la fatiha », largement répandu dans les régions rurales et que l'Etat a essayé d'éradiquer ces dernières années en menant des opérations massives d'officialisation. Rappelons qu'au Maroc, l'acte écrit est la seule manière de prouver un lien conjugal et ceci depuis le 5 février 2019. A cette date, le ministère de la Justice n'avait plus renouvelé la période transitoire dédiée à la régularisation des mariages coutumiers. Cette période a d'ailleurs duré 15 ans à partir de l'entrée en vigueur du code de la famille, le 5 février 2004.
Aujourd'hui, un mois après l'affaire de Hanaa, la jeune tétouanaise condamnée à la prison ferme suite au partage massif de sa sextape sur les réseaux sociaux, la jurisprudence de Zagora redonne espoir. Après l'arrestation de Hanaa par la police judiciaire de Tétouan et sa présentation au parquet, un véritable mouvement de solidarité s'est organisé sur les réseaux sociaux via une pétition populaire réclamant sa libération. Une énième affaire de violence numérique qui a remué le débat autour des libertés individuelles en général et celle d'avoir des relations sexuelles en dehors du mariage en particulier. Décalage « Le code pénal marocain est en profond décalage avec l'évolution et les mutations de la société marocaine. Ces lois favorisent la culture du scandale et facilite la tâche aux personnes mal attentionnées pratiquant le chantage à l'aide de photos et de vidéos privées », dénoncent alors les pétitionnaires en pointant du doigt le controversé article 490, jugé anachronique, anticonstitutionnel et surtout injuste. Le collectif Hors la loi, qui a fait de l'abrogation de cet article son premier combat, a d'ailleurs profité de l'éclatement de cette affaire pour lancer une large campagne de dénonciation et de sensibilisation sur les réseaux sociaux, sous le hashtag « Stop 490 ». Cet article du code pénal, objet de l'ire des défenseurs des droits humains, stipule en effet qu'elles sont passibles «d'emprisonnement d'un mois à un an toutes personnes de sexe différent qui, n'étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles». Une loi controversée, qui avec l'amplification phénoménale des violences numériques dans notre pays, constitue un véritable frein pour les victimes pour dénoncer leurs agresseurs. « Qui eux savent en profiter largement car conscients de la menace légale pesant sur leurs victimes. Ces dernières deviennent, par la force de l'article 490, des coupables !!! », nous explique auparavant Lamia Faridi, Avocate au barreau d'Agadir. « Appel à la débauche » Un avis qui n'est pas partagé par les pro-490, ceux là même qui considèrent son abrogation comme une invitation à la débauche. Le salafiste Hassan Kettani, comme à son accoutumée, n'a d'ailleurs pas hésité à qualifier les anti-490 de gens malveillants visant l'éthique et les mœurs de la société marocaine. De son côté, l'avocat Said Naoui, s'y oppose par principe et déploie son argumentaire. « Cette loi est inspirée directement des préceptes de l'islam. Le législateur marocain l'a instauré en parfaite harmonie avec la religion, les traditions et les mœurs de la société », argumente l'avocat. Un point de vue partagé par beaucoup de Marocains considérant ce changement comme une atteinte directe à la morale sociale. Sur les réseaux sociaux, en parallèle avec l'engouement pour cet appel au changement « Stop 490 », un autre mouvement réactif aux antipodes de ce dernier a pris forme. D'ailleurs des personnalités publiques et autres artistes mobilisés pour cette cause, ont été pris pour cible par des détracteurs virulents. Des attaques et des insultes qui remettent en question leur bonne morale. Symbolique « L'abrogation de l'article 490 aura une forte symbolique si toutefois notre requête a une réponse favorable au parlement. Car derrière, il y a d'autres lois aussi injustes et affectant profondément les libertés individuelles. Je cite l'article 453 sur l'avortement qui est un grand combat qui traine depuis de longues années et l'article 489 criminalisant l'homosexualité », espère l'activiste Hors la loi Karima Nadir. D'après cette dernière, le nombre d'affaires aux tribunaux et les chroniques judicaires des quotidiens démontrent l'urgence de réformer ces lois et de changer les mentalités. La jurisprudence de Zagora sera un premier pas sur ce long chemin ? A suivre !