Depuis le début du retrait des troupes américaines d'Afghanistan, le monde redoutait mais attendait la reprise de l'insécurité et des hostilités dans le pays surtout depuis la prise du pouvoir par les talibans. Mais ceux qui ont signé le double attentat de Kaboul jeudi soir, ce sont d'autres groupes islamistes. Mercredi dans la soirée, plusieurs pays Occidentaux, à savoir les Etats-Unis, l'Autralie et la Grande-Bretagne, avaient averti d'une attaque terroriste imminente en Afghanistan. Elle n'aura pas tardé à se matérialiser. Pourtant ce sont ne sont pas les talibans qui sont derrière cette attaque de perpétrée par deux kamikazes aux abords de l'aéroport de Kaboul et leurs motivations ne sont pas claires. L'attaque qui s'est déroulée près du principal aéroport d'où s'effectuent les vols d'évacuations de milliers de personnes, étrangers et d'Afghans voulant fuir les talibans, a fait un lourd bilan humain. Selon les derniers chiffres, il s'agit de 85 morts dont treize soldats américains, et plus de 150 blessés selon les informations recueillies dans les hôpitaux locaux. Parmi eux, se trouvent 18 soldats américains, a indiqué le Pentagone. Qui sont les terroristes de l'EI-K? L'attaque a été signée par deux kamikazes du groupe jihadiste Etat islamique (EI) et a été suivi d'une fusillade. Elle a créé une scène de chaos autour du lieu de l'attaque si bien que les corps des victimes, en majorité des femmes et des enfants, restaient entassés les uns sur les autres non loin d'une rivière polluée devant des secouristes désarmés. Les Afghans amassés par milliers devant l'aéroport de Kaboul en cherchant désespérément à trouver des places dans les avions Occidentaux dans l'espoir de fuir la dictature des talibans, ont courus affolés et hystériques autour du lieu des explosions. Les membres de l'Etat islamique ayant revendiqué les attaques font partie de la branche Afghane, connue sous le nom de EI-K, Etat islamique Province du Khorasan (Khorasan faisant référence à une ancienne région iranienne qui avait un temps englobé des territoires de l'Afghanistan, du Pakistan, et de l'Asie centrale) et aussi appelée ISKP en anglais. Cette organisation a revendiqué un bon nombre d'attaques dans le pays ces dernières années, et selon les Etats-Unis, les attaques de l'EI devraient continuer, faisant craindre une résurgence de la violence et du djihadisme, avec l'émergence de nouveaux groupes de combattants dans la région. Une version confirmée vendredi par la Russie. « Malheureusement, les prédictions pessimistes estimant que des groupes terroristes, avant tout l'EI, vont sûrement profiter du chaos en Afghanistan, se confirment », a déclaré le porte parole du Kremlin, Dmitri Peskov, affirmant avoir de grandes craintes pour tout le monde. Et s'ils sont tous les deux des groupes extrémistes religieux et sunnites, l'EI-K et les talibans se vouent toutefois une haine sans pareille. L'EI-K a en ligne de mire les talibans qui viennent de reprendre le pouvoir par la force dans le pays qu'ils considèrent comme trop « mous » et critiquent le fait qu'ils aient négociés avec les Américains à Doha au Qatar. L'organisation créée à la suite de l'allégeance des membres du TTP (les talibans du Pakistan, ndlr) en 2015, a réussi à s'implanter dans deux régions en Afghanistan malgré l'hégémonie des talibans. Elle présente également un bon nombre de petites cellules dormantes dans plusieurs villes, notamment à Kaboul mais aussi au Pakistan. Leur nombre, selon le Conseil de sécurité, est estimé au minimum à 500 combattants et jusqu'à de milliers. Ils sont considérés comme les plus violents et les plus extrêmes des groupes djihadistes d'autant plus qu'ils ont des prétentions en dehors de l'Afghanistan. Les membres de l'EI-K, qui regroupe d'anciens talibans Afghans déçus, mais aussi plusieurs membres du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), sont derrière des dizaines d'attaques meurtrières majeures en Afghanistan, en ayant tué des civils dans des lieux publics, des fidèles dans des mosquées, et ont en horreur les chiites. Leur mode opératoire est différent d'une attaque à une autre, mais comme les talibans, font usage de bombes et de kamikazes. Ils sont également connus pour avoir torturé et décapité des villageois dans les régions où ils se sont implantés et son soupçonnés d'être derrière une attaque contre une maternité chiite en 2020 ayant tué 25 personnes dont des mères et des nourrissons. Selon un rapport de l'ONU, l'Etat islamique a tué en l'espace d'un an, plus de 2500 membres de l'armée afghane, et 600 civils, malgré le fait que leurs chefs ont été tués les uns après les autres soit par les talibans soit par les Etats-Unis. Dans leur déclaration dans laquelle ils ont revendiqué l'attaque de jeudi, ils ont accusé les talibans de « collaborer » avec les forces américaines pour évacuer les « espions ». Les évacuations s'organisent à la hâte Face à la menace sécuritaire et la multiplication d'attaques qui se profilent en Afghanistan, et suite à ce double attentat, les Occidentaux ont organisé dans une rapidité éclair les évacuations dans la nuit de jeudi à vendredi pour les terminer vendredi au petit matin. Ainsi, après une nuit de vols qui ont tous atterri aux Emirats arabes unis, pays le plus sûr dans la région, plusieurs pays ont annoncé vendredi matin avoir terminé leurs évacuations. C'est le cas de la Suède et de l'Espagne qui a terminé ses évacuations à 5h du matin. De son côté, le Royaume-Uni a annoncé que son opération d'évacuation allait se terminer dans la journée de vendredi, selon le ministre britannique de la Défense Ben Wallace, tandis que la France a annoncé la poursuite de ses opérations d'Afghanistan « au-delà » de vendredi soir. « Ca peut aller peut-être au-delà de ce soir mais nous devons rester prudents sur ce sujet », a déclaré en ce sens le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Clément Beaune sur la radio Europe 1. Les Etats-Unis qui ont perdu plusieurs de leurs hommes lors de cette attaque à Kaboul, ont réagi en affirmant qu'ils ne se laisseront pas intimider, selon les propos du président Joe Biden. Ce dernier s'est exprimé à la suite de l'attentat, visiblement ému, surtout qu'il traverse une tempête médiatique depuis le retrait des troupes américaines après 20 ans de déploiement. Les médias et les observateurs ont pointé du doigt le manque d'organisation et de structure de cette opération. Joe Biden a promis de « pourchasser » et de « faire payer » les auteurs de l'attaque et a rendu hommages aux « héros » morts qui se sont « engagés dans une mission dangereuse et altruiste pour sauver d'autres vies » et il a fait savoir que les Etats-Unis allaient « poursuivre l'évacuation ». Dans une intervention quelques jours plus tôt, le locataire de la Maison Blanche affirmait qu'il ne connaissait pas et ne pouvait pas garantir l'issue finale dans le pays des suites du retrait des troupes américaines déployées depuis 20 ans en Afghanistan.