La crise diplomatique avec l'Espagne et l'Allemagne n'a pas démarré avec l'accueil de Brahim Ghali en Espagne, ce ne fut que la goûte qui a fait déborder le vase. C'est le constat livré par l'expert en relations internationales, Tajeddine El Husseini, qui a révélé également la motivation de l'Allemagne dans l'alimentation des tensions concernant le Sahara marocain. Le Maroc connait actuellement des épisodes de tensions diplomatiques avec deux pays européens, l'Espagne et l'Allemagne. Les deux sont liés à la cause nationale marocaine, celle du retour de la souveraineté du royaume sur le Sahara après la colonisation espagnole. Et si les tensions avec l'Allemagne ne sont pas aussi intenses que la crise diplomatique sans précédent avec le pays ibérique, les sources des frottements ont une origine commune, non révélée jusqu'ici. Et contrairement aux discours des officiels ou des représentants des deux parties concernées qui appellent désormais à un retour à la normale, Tajeddine El Houssaini, estime que d'autres intérêts sont en jeu et des mouvements s'opèrent en coulisses. Selon le politologue, l'accueil par le gouvernement de Pedro Sanchez dans le dos du Maroc du chef des milices séparatistes du Polisario soutenues par l'Algérie, n'était que « la goutte qui a fait déborder le vase », même s'il concède qu'il ne s'attendait pas à ce que la crise diplomatique prenne cette l'ampleur, la pire crise depuis des années. Tajeddine El Houssaini a estimé qu'en réalité, l'affaire de Brahim Ghali n'était que la partie émergée de l'iceberg, et qu'avant cet épisode de crise, il y avait « un nombre d'événements ayant leur importance qu'il ne faut pas oublier » et qui ont pesé sur la balance. Selon le spécialiste, le premier événement ayant déclenché l'hostilité de l'Espagne remonte au moment où le Maroc a délimité son espace maritime dans le respect du droit international maritime en janvier 2020 et le sujet a été abordé par la ministre espagnole des Affaires Etrangères, Arancha Gonzales Laya lors d'une visite à Rabat. « Cela a choqué l'Espagne, qui a essayé de s'y opposer par de nombreuses manières. Les Espagnols sont même allés à dire que la zone commerciale appartenait aux Canaries, et que le Maroc devait coordonner avant de publier sa décision », souligne-t-il. Le Maroc a publié sa décision au Journal Officiel et en a notifié les Nations Unies et les experts internationaux de l'ONU qui ont étudié la délimitation de l'espace maritime du Royaume, l'ont approuvé et affirmé que ces eaux-là faisaient partie de la souveraineté du Maroc. Tajeddine El Husseini Selon Tajeddine El Houssaini, l'intérêt de l'Espagne qui cherchait à éviter que le Maroc ne délimite son espace maritime, résidait dans le fait que des chercheurs britanniques ont découvert en 2016 dans les profondeurs de cette région, un volcan riche en minéraux utilisés dans les appareils de nouvelles technologies tels que le tellurium, le cobalt, le lithium, recherchés pour la fabrication de batteries notamment celle des futures voitures électriques. « Les chercheurs estiment que cela représenterait au moins 10% des réserves mondiales en minéraux, en d'autres termes, les parties concernées jouent des coudes parce qu'il y a un intérêt commercial », indique El Houssaini, qui a soulevé aussi l'intérêt porté par l'Allemagne (leader mondial des voitures de luxe qui cherche à se réinventer, ndlr) également pour ces minerais, pas seulement l'Espagne. Selon lui, l'Allemagne et l'Espagne avaient toutes deux un accord pour exploiter ces minerais en partant du principe que Madrid administre les Iles Canaries. Ces derniers mois, les crises et les brouilles diplomatiques avec le Maroc ont concerné ceux deux pays. Le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita, avait lancé une circulaire adressée à tous les ministères de cesser leur coopération avec l'ambassade d'Allemagne et des agences allemandes accréditées à Rabat. Cette réaction de la diplomatie marocaine intervenait en réponse à une série d'actions «hostiles » entreprises par l'Allemagne contre l'intégrité territoriale du Maroc notamment dans le dossier du Sahara, mais aussi visant à saper le rôle du Maroc en tant que médiateur dans d'autres dossier régionaux. En effet, l'Allemagne avait cherché à minimiser le rôle de Royaume dans le règlement de la crise en Libye, au moment où il s'agit du premier pays (depuis 2015), et sans doute le seul à avoir fourni le plus d'efforts pour arriver à un règlement de la crise dans le pays voisin. L'Allemagne qui avait organisé la conférence de Berlin en 2019 autour de la question et qui avait réuni plusieurs grandes puissances mondiales, n'avait pas invité le Maroc, ni la Tunisie, deux pays du Maghreb. Berlin avait cependant choisi d'inviter l'Algérie, un choix politique plus que stratégique, étant donné que même si Alger a des frontières directes avec la Libye, il a été totalement absent du dossier depuis le début de la révolution. Par ailleurs, l'Allemagne a également convoqué une réunion d'urgence du Conseil de sécurité après que les Etats-Unis aient reconnu la souveraineté du Maroc sur son Sahara, témoignant ainsi une hostilité à Rabat mais aussi faisant preuve d'une ingérence claire dans le dossier. « Ne trouvez-vous pas étrange, que l'Allemagne convoque une réunion d'urgence du conseil de sécurité, automatiquement et avec une rapidité déconcertante, après la reconnaissance des Etats-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara ? Tout le monde a trouvé cela étrange, et même des Allemands n'ont pas compris (...) mais cette action révèle qu'il y a des enjeux économiques cachés », s'interroge l'expert. Pour conclure: « Il ne faut pas croire que tout ce qui est montré au public reflète la réalité de ce qui se passe en coulisses. Face à ces interactions, le Maroc a eu une position stricte et a pris les choses très au sérieux ».