Dans un acte de souveraineté nationale, la Chambre des représentants a adopté à l'unanimité, mercredi 22 janvier, deux projets de loi visant à établir la compétence juridique du Royaume sur l'ensemble de son domaine maritime. Ce faisant, c'est un espace de presque un million de km carrés qui entre sous souveraineté marocaine. Les deux projets adoptés par la deuxième chambre sont le PL n°37.17 modifiant et complétant le Dahir portant loi n°1.73.211 du 26 Moharrem 1393 (2 mars 1973) fixant la limite des eaux territoriales marocaines, ainsi que du PL n°38.17 modifiant et complétant la loi N°1.81 instituant une zone économique exclusive de 200 miles marins au large des côtes marocaines. Cet acte qui n'a pas été au goût de notre voisin espagnol dont les partis de l'extrême droite ont crié au scandale, appelant la ministre des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya à réagir, qui a d'ailleurs effectué le déplacement dans le Royaume, vendredi 24 janvier. En effet, le parti politique libéral-conservateur espagnol a haussé le ton pour estimer que la délimitation des frontières maritimes marocaines « entre en collision avec la souveraineté espagnole sur les eaux des Iles Canaries », ajoutant qu'il s'agit là d'une « violation des normes internationales de l'ONU et qui porte gravement atteinte aux intérêts espagnols et, en particulier, économiques ». D'autres part, le Front Polisario a également veillé à « mettre son grain de sel », appelant l'Espagne à intervenir car « le Maroc a enfreint les accords internationaux et les résolutions des Nations Unies« . Pour Tajeddine El Husseini, professeur universitaire et fin connaisseur des relations internationales, il est important de souligner que « cette prise de décision à propos des deux lois ainsi que le troisième texte concernant leur application, est une question qui rentre dans le domaine de la souveraineté du Maroc sur son espace, d'abord terrestre, et puis aérien et maintenant maritime ». Il ne faut pas oublier aussi, poursuit-il, que « les décisions prises dans ce sens ne datent pas d'aujourd'hui. L'accord a déjà été donné par le conseil des ministres et le conseil du gouvernement depuis 2017, et même avant la signature de la convention de 1982, le Maroc avait déjà limité ses eaux territoriales à 12 miles marins. Et par la suite, une année avant la signature de la convention de 1982, le Maroc avait aussi délimité sa zone économique exclusive de 200 miles en 1981. Mais après la convention, qui n'a été ratifiée par le Maroc jusqu'en en 1987, le Royaume avait la possibilité de suivre les principes qui ont été adoptés par cette convention et qui sont devenus une partie intégrante du droit internationale de la mer ». En ce qui concerne ce point en particulier, l'universitaire indique dans son analyse livrée à Hespress Fr, que « le Maroc a suivi effectivement les dispositions de la convention et a limité les eaux territoriales à 12 miles marins, et la zone économique exclusive à 200 miles sans prendre en considération le plateau continental, qui peut éventuellement s'élargir encore davantage. Ce qui fait, le Maroc avec cette décision a englobé un espace de presque un million de km carrés qui entre sous sa souveraineté ». « On peut dire effectivement que cette souveraineté est presque absolue sur les eaux territoriales mais elle est tout à fait relative en ce qui concerne la zone économique exclusive. Pourquoi ? Parce que le Maroc avait des compétences en ce qui concerne l'exploitation des ressources naturelles de cette région, le contrôle de passage sécurisé des bateaux etc, mais l'exploitation aussi des énergies et autres ressources reste dans la compétence du Maroc », ajoute-t-il dans ce sens. S'agissant de la réaction du front Polisario et l'Algérie en ce qui concerne la délimitation de ces zones, notre analyste estime que, dans un premier point, « les Algériens jusqu'au jour d'aujourd'hui considèrent la question du Sahara et le règlement de ce dossier comme une affaire de décolonisation. Et leur preuve qui appuie cette position, est le fait que le dossier est inscrit au niveau de la commission de décolonisation à savoir la commission des 24 qui est attachée à l'assemblée générale des nations unies ». «Cet argument n'est pas valable, pour la simple et unique raison et que, quand on revient à l'histoire, on constate que le Maroc est le premier pays, dans les années 60, à avoir demandé l'inscription de la question du Sahara au sein de cette commission de décolonisation, parce que son objectif est de compléter son indépendance vis-à-vis de l'Espagne », fait savoir Tajeddine El Husseini. D'ailleurs, dit-il, cette indépendance n'a jamais été obtenue de façon définitive, ou d'un seul coup, mais qu'elle a été obtenue progressivement. « D'ailleurs jusqu'à aujourd'hui Sebta et Melilla et les îles Zaffarines et Leila restent toujours sous domination espagnole », rappelle-t-il. Ce fin connaisseur des relations internationales n'a pas hésité à revenir à l'histoire qui, selon lui, a prouvé « aux Algériens et au monde entier que la récupération, par exemple, de Tarfaya qui était sous la domination des Espagnols, a eu lieu en 1959 avec un accord entre le Maroc et l'Espagne. Sidi Ifni qui n'a été récupéré que 10 ans après, c'est-à-dire en 1969, c'était l'accord aussi de décolonisation avec l'Espagne. Et c'est la même chose qui s'est passée pour le Sahara puisque l'accord de Madrid, qui a été signé en 1975 après la marche verte, a été inscrit au secrétariat des nations unies dans ce cadre d'accord entre le Maroc et l'Espagne ». « Aujourd'hui, il est vrai que les Nations Unies considèrent que cette présence du Maroc a un caractère administratif, mais ça, c'est une position qui va être réglée par le conseil de sécurité dans le cadre d'une négociation qui est lancée exclusivement par les Nations Unies. Du coup, le Maroc ne peut pas attendre éternellement jusqu'à ce que cet accord ait lieu. Et maintenant s'il a une souveraineté sur l'espace aérien et territorial, ça n'a aucun sens de ne pas prolonger cette compétence au niveau de l'espace maritime. Et c'est ce qui a été décidé », analyse Tajeddine El Husseini. D'ailleurs, poursuit-il dans ce même contexte, « le parlement qui est composé également de représentants des populations du Sahara, a voté à l'unanimité pour l'adoption des deux textes concernant cette délimitation. Et je pense que ce pas qui a été franchi par le Maroc, qui est attendu depuis très longtemps, il fallait l'entamer depuis les années 80, ça n'a été fait que dans un cadre de négociations très compliquée et très profonde avec les Espagnols en particulier, parce qu'il y avait des problèmes concernant les Iles Canaries ». « Entre le Maroc et les Iles Canaries, il n'y a que 50 km d'espace. Alors, dans ce cas, et conformément aux dispositions de la convention de 1982, quand il y a un espace pour la zone économique qui n'arrive pas à 200 miles, il faut qu'un accord soit établi par les pays concernés pour régler ce problème » ajoute-t-il. Et d'estimer que le Maroc et l'Espagne se « doivent« de coordonner par rapport à ces zones, « parce qu'après tout, les deux pays et vu le voisinage, sont condamnés à coopérer ». Revenant à la grogne des séparatistes du Polisario, Tajeddine El Husseini rappelle que « la seule réaction qui a été enregistrée jusqu'à aujourd'hui est celle du Polisario, et les Algériens, et tout ça va être présenté aux Nations unies dans le cadre d'une coopération avec les pays de voisinage, et ça va être pour bientôt et définitivement conclu ». Cependant, l'analyste estime qu'il s'agit là d'une « question de souveraineté » soulignant que « même les Nations Unies n'ont pas le droit d'intervenir puisque le Maroc a agi dans le cadre de la convention qui a été ratifiée par le Royaume depuis 1987 ». « Alors, je ne vois pas pourquoi, les Nations Unies ou quiconque pourrait intervenir après qu'il y ait un accord entre les pays de voisinage, surtout l'Espagne. Et puis cette question de souveraineté va donner au Maroc la capacité d'exercer ses droits au niveau de la communauté internationale d'une façon beaucoup plus efficace et surtout quand on voit, qu'il y a maintenant des pays qui ont commencé à installer leurs consulats dans les provinces du Sud du Royaume (Dakhla – Laâyoune) », ajoute-il dans ce sens. En effet, s'agissant des nouveaux consulats de pays fraîchement installés dans les provinces Sahariennes du Royaume, notre interlocuteur avance que c'est « une très bonne chose puisque c'est un autre signe de la souveraineté, mais qui a été jusqu'à aujourd'hui, une souveraineté à caractère interne ». Pour lui, « le fait d'installer des consultants à Laâyoune et à Dakhla ce n'est qu'un autre signe complémentaire qui montre que cette souveraineté est reconnue au niveau international .Et ça aussi strès important ».