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Maroc-USA: Quelles seront les relations avec Joe Biden?
Publié dans Hespress le 08 - 01 - 2021

Depuis l'élection du démocrate Joe Biden à la Maison Blanche et la reconnaissance des Etats-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara sous l'administration Trump, l'évolution des relations entre les deux alliés historiques agite la curiosité des observateurs. Quels sont les fondements de la relation Maroc-USA et quelles seront les relations entre le Maroc et l'administration Biden? Les réponses avec le politologue Mustapha Sehimi.
L'élection du président démocrate Joe Biden a été officiellement proclamée, son élection est une opportunité pour s'interroger sur les perspectives des relations entre la nouvelle administration américaine démocrate et le Maroc.
Les deux pays partagent un capital sympathie traditionnel, qui remonte à l'indépendance des Etats-Unis. Au delà de l'histoire, le Maroc a toujours, de toutes les administrations américaines qui se sont suivies, entretenu de bonnes relations avec les Etats-Unis. Avec l'administration Biden « globalement ce sera la continuité », a résumé l'expert en relations internationales.
De fortes relations économiques
Cette continuité est basée sur un acquis, « un capital de relations bilatérales qui sont d'abord historiques, le Maroc a été le premier pays à reconnaitre l'indépendance des Etats-Unis, ça reste dans la mémoire historique, ce sont des liens d'amitié. Il y a aussi des relations traditionnelles qui n'ont pas changé malgré les conjonctures ».
Parmi les composantes du capital de relations bilatérales entre les deux pays se trouve des relations économiques fortes, notamment « l'accord de libre-échange de 2006 qui a conduit à une forte hausse des échanges commerciaux pour la période de 2016-2019, les échanges commerciaux ont été portés à 51 milliards de dirhams et ont pratiquement triplé, sans parler de la présence de quelques 150 entreprises américaines au Maroc », a déclaré Sehimi.
Ces relations économiques ont également évolué dans le temps puisqu'actuellement les Etats-Unis sont à la 7ème place des partenaires commerciaux du Maroc, alors qu'il y a 20 ans, ils étaient au niveau du 20ème rang.
Récemment encore, il y a eu la signature du deuxième accord du Millennium Challenge Corporation (MCC) qui a octroyé une aide directe de 450 millions de dollars, en plus du programme USAID qui a prévu 100 millions de dollars dans les années à venir.
L'élément géostratégique d'une importance capitale
Concernant l'aspect géostratégique, le rôle du Maroc dans la préservation de la sécurité et la stabilité de la région est primordial, a indiqué le politologue, citant à ce titre la lutte antiterroriste au Sahel et la stabilisation de l'espace sahélo saharien.
Les Etats-Unis et le Maroc travaillent ensemble notamment dans le cadre d'une commission mixte de dialogue politique approfondi, les deux pays ont une coopération sécuritaire dans la lutte anti-terroriste et dans laquelle le Maroc est en pointe avec une grande expertise qui est d'ailleurs saluée par les Etats-Unis et les autres pays européens, énumère Mustapha Sehimi qui rappelle également la coopération militaire, et l'aide militaire multiformes qui englobe des centaines de chars offerts au titre de l'aide américaine et d'autres chars que le Maroc a achetés.
Outre les chars, il y a également « l'achat des avions F-16 nouvelle génération avec un équipement sophistiqué, ainsi que des programmes de formation d'aviateurs militaires marocains, des manœuvres militaires conjointes dans la région et en Afrique et c'est un programme qui fonctionne bien », commente le spécialiste.
Et de citer que sur le plan sécuritaire, une feuille de route décennale a été arrêtée lors de la visite du secrétaire américain à la défense d'Etat Mark Esper pour la période 2020-2030 qui englobe le mandat de Joe Biden et au-delà.
Par ailleurs, le Maroc est un allié majeur non membre de l'OTAN. Il n'y a que deux autres pays arabes ou africains qui ont ce statut, c'est l'Egypte et la Jordanie. « Les Etats-Unis apprécient la place et le rôle du Maroc dans un espace sécuritaire complexe, éruptif où le Maroc a un rôle important », résume le politologue en présentant cette situation comme un acquis.
Biden et le Maroc
« Evidemment Joe Biden est un nouveau président, il aura son style, il aura sa méthode, et il a sûrement quelques idées sur le déploiement de la politique étrangère américaine dans le monde, non seulement en Europe et en Asie mais aussi en Afrique, au Maghreb et à l'égard du Maroc », déclare notre interlocuteur concernant l'évolution avec l'administration Biden.
« Il faut signaler qu'il a effectué une visite au Maroc en novembre 2014, dans le cadre d'un symposium mondial sur l'entreprenariat qui s'était tenu à Marrakech et il avait été reçu par le Roi à Fès le 17 novembre 2014 », a-t-il rappelé, notant qu'un communiqué commun entre lui et le Maroc portant sur a qualité des relations bilatérales et le partenariat privilégié qui lie les deux pays.
« Le premier point c'est qu'il connait le Maroc, c'est important parce que Trump ne connaissait pas le Maroc et n'avait pas eu de contact personnel avec le Roi si ce n'est la poignée de main à Paris le 11 novembre 2018 », a expliqué M. Sehimi. A noter que Donald Trump avait serré la main au défunt Roi Hassan II, et ce dans le cadre d'une rencontre privée.
Quelle position vis-à-vis du Maroc en tant que démocrate?
« Joe Biden ne peut pas ne pas tenir compte du capital relationnel existant entre les deux pays. Il ne peut pas non plus ignorer la conception marocaine de l'islam, qui est un islam modéré, un contre modèle par rapport aux extrémismes et radicalismes, à ceux qui instrumentalisent la religion », affirme notre interlocuteur.
Et d'ajouter que le Maroc est le seul pays qui peut se prévaloir de l'approche du dialogue religieux, une vision qui se distingue par rapport aux autres pays par sa position en faveur du dialogue inter-religieux notant que cela est apprécié aux Etats-Unis par toutes les administrations. A ce titre, le Maroc avait organisé une conférence sur ce sujet là il y a trois ans à Marrakech qui a connu une grande participation américaine.
Néanmoins, le spécialiste s'interroge sur l'approche des Etats-Unis sous l'administration Biden concernant la politique étrangère. Il estime qu'il faudra être vigilent. « Il peut y avoir une approche différente », du fait que le Maroc a toujours eu de meilleures relations avec les républicains qu'avec les démocrates.
« On a eu des tensions, certains frottements avec l'administration Obama, notamment sur la question du Sahara », a-t-il rappelé. Néanmoins, au sein du parti démocrate, Joe Biden se situe plutôt à droite, ce qui n'est pas le cas de sa vice-présidente Kamala Harris qui fait partie de la gauche militante des démocrates. « C'est une vice-présidente qui ne va pas être potiche, elle va être active, et activiste », prévient-il.
Quelle vision des Affaires Etrangères sous Biden?
« L'hypothèse que je formule c'est que la vice-présidente Kamala Harris va être très active, mais ce qui peut jouer pour nous, c'est que le président Biden a une grande expérience des relations internationales. A la différence de Trump, il a été parlementaire pendant 36 ans, et il a présidé la commission des Affaires étrangères du Sénat de 2001 à 2009, donc il sera enclin à prendre en référence sa connaissance des problèmes internationaux ce qui n'est pas le cas de sa vice-présidente ».
Concernant la direction que prendront les différentes institutions représentant le pouvoir aux Etats-Unis, Mustapha Sehimi prévoit un appui du Pentagone au Maroc pour des raisons sécuritaires, le département d'Etat sera centriste, et « il sera intéressant de voir au niveau de la Maison Blanche qui va peser le plus ».
Au niveau de la question du Sahara, « la différence entre l'administration Obama et les prochaines administrations, c'est qu'il y a un consensus international sur le processus de règlement de la question du Sahara », à savoir les résolutions du conseil de sécurité qui appuient la solution politique, et qui ont été validées par les Etats-Unis. Il sera donc difficile pour les Etats-Unis de revenir sur les résolutions du conseil de sécurité.
Mais maintenant, après la reconnaissance par l'administration Trump de la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara, l'ouverture prochaine d'un consulat US à Dakhla et tous les investissements qui suivront, il serait difficile d'imaginer un revirement de la situation, et ce en dépit des efforts, somme toute vains, déployés par l'Algérie, notamment.
En somme, les relations entre le Maroc et les Etats-Unis sous la présidence Biden sera feront sous le signe de la continuité mais sans exclure de possibles frottements.


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