Face aux crises sanitaires, financières, économiques, sociales et climatiques que connaît le Maroc, le besoin de réduction des dépenses, de mobilisation de fonds pour subventionner les familles et les entreprises en difficulté, passe entre autres, par le recours à des solutions difficiles, tel que le surendettement des générations futures, les taxations et les coupes budgétaires. Dans ce contexte, à l'instar d'autres pays, le Maroc peut transformer la crise en opportunité d'accélération de certains changements, dans les secteurs et domaines où il peut opérer des ruptures, économiser des moyens budgétaires pour l'état et les citoyens. Le secteur du transport qui représente une part importante dans la consommation d'énergie et les émissions polluantes : soit 38% de la consommation énergétique finale, 99% de la dépendance aux énergies fossiles, 23% des émissions de CO2 et 1% du PIB en termes de coût de la pollution de l'air. C'est l'un des secteurs clés à transformer pour faire des économies substantielles pour l'état, créer des emplois, améliorer la concrétisation du droit à la mobilité, l'équité sociale et le pouvoir d'achat d'une population vulnérable. Et pour contribuer au changement souhaité, l'AESVT-Maroc, dans le cadre des 5 Semaines de mobilisation annuelles pour l'éco-citoyenneté, a organisé récemment sa quatrième « Semaine Mobilité » en collaboration avec la fondation Henrich Boll et différents autres partenaires. La semaine a visé à mobiliser acteurs et décideurs et à sensibiliser les citoyens à travers différentes activités (exposition, webinaires) et productions (capsules de sensibilisation, émissions de Azegzaw-Radio, questions-réponses, concours...) ainsi qu'une visioconférence sous le thème « Mobilité et transport : les alternatives pour aujourd'hui et demain ». Cette visio-conférence a été l'occasion de visionner la capsule vidéo, d'ouvrir le débat et démontrer par l'analyse comparative et des propositions concrètes, les risques pour le Maroc de prendre du retard ou de rater ce virage qui peut lui offrir des opportunités accessibles et indispensables. « Le plan de relance et de sortie de crise du Maroc, doit être revu pour réintégrer et faciliter ces changements qui devront réduire notre facture énergétique, améliorer la santé des citoyens et de l'environnement, réduire notre dépendance énergétique, et ce, à travers essentiellement la réduction de la consommation des produits pétroliers et le développement des énergies renouvelables » fait savoir le communiqué de presse pour la circonstance. Cette rencontre a également été l'occasion pour un parterre d'intervenants et spécialistes et non des moindres, dans le domaine du transport mais également de l'environnement ou tout au moins dans sa défense, de débattre la question des transports individuels et leurs effets négatifs sur le pouvoir d'achat des citoyens, sur la santé et le climat, et les propositions pratiques pour réduire l'utilisation excessive de l'automobile individuelle dans les déplacements quotidiens et élargir l'usage des modes de transports collectifs et alternatifs plus propres au niveau de nos villes. C'est le panéliste Bauke Baumann Directeur de la fondation Heinrich Böll Afrique du Nord -Rabat, qui a ouvert les débats. Pour lui, le sujet « Mobilité et transport : les alternatives d'aujourd'hui et de demain » est pertinent, en ce sens qu' »il est primordial de se pencher d'abord sur le secteur du transport pour quiconque veut combattre un phénomène polluant, coûteux et qui tout de même englobe au Maroc 23% des émissions de CO2 et 1% du PIB en termes de coût de la pollution de l'air , sans compter de la consommation en énergie (38%) ». Pour le directeur de la fondation Heinrich Böll en Afrique du Nord, « nous devons développer des concepts alternatifs qui puissent renforcer le transport public, un nouveau concept de conduite pour nos voitures (électriques ou autres) et concevoir la ville autrement, afin que les gens puissent se déplacer en toute sécurité en tant que cyclistes et piétons. Se déplacer en vélo actuellement n'est pas évident avec le manque de moyens comme les voies cyclables que bien de villes dans le Royaume développent. Et Bauke Blaumann d'ajouter: « Nous devons dorénavant apprendre à penser la mobilité autrement et se questionner si au besoin de la voiture, il n'y a pas d'autres alternatives pour se déplacer sans polluer ». Et de prendre l'Allemagne comme exemple de projection, « on œuvre en Allemagne avec la société civile dans le cadre d'une mission d'éducation civique sur les domaines de l'écologie, la démocratie, la migration et la vocation de notre fondation repose sur les valeurs des droits humains, l'égalité entre genre et une vision globale de la protection de l'environnement dont justement la mobilité et le transport afin que ces domaines ne soient pas nocifs à un vivre ensemble propice ». Pour Hassan Agouzoul, expert en changement climatique et en développement durable, modérateur pour la circonstance de la visioconférence y afférente, « il est urgent et essentiel, de secouer et booster notre manière de penser le transport et la mobilité, en agissant sur les comportements et mentalités individuelles. C'est un projet sociétal à ré-imaginer notre manière de concevoir les villes de demain où la mobilité sera fluide, propre et sera un moyen de bienêtre et de résilience ». Quant à Abderrahim Ksiri président de l'AEVST, il a estimé que « le sujet concerne tout le monde qui se doit d'agir et de contribuer au changement, car 38% de consommation d'énergie et la pollution dans les villes qui en en découle ont un impact direct sur notre qualité de vie. A cause de cela nous vivons une crise sanitaire où l'oxygène est le cœur du problème ». Et d'avoir cette réflexion toute de pertinence: « Au Maroc les appareils d'oxygène se louent jusqu'à 15 000 dirhams pour les particuliers et dans les centres hospitaliers à 70 000 dirhams alors que l'oxygène dans la nature il est gratuit, mais malheureusement pollué (centres urbains) par la mobilité ». Et de constater par rapport aux feuilles de route et du travail en amont pour ce qui est des alternatives à apporter aux inconvénients de la mobilité et des transports : « Au Maroc, malgré les efforts beaucoup reste à faire, notamment dans la coordination entre les parties prenantes ou départements concernés (Intérieur, Collectivité locales, Equipement, Transport, Environnement, Agences urbaines ainsi qu'un certain nombre de corps de métier etc.). Il y a aussi énormément de travail à effectuer au niveau de la chose de la culture aussi bien celle des décideurs, que des acteurs activistes que du citoyen ». Il s'est tout de même réjouit dans cette perspective du lancement tout récent de la radio verte Azegzaw-Radio qui devrait satisfaire quant à la sensibilisation. Des autres interventions, nous retiendrons celle du consultant en développement durable, Ahmed Mirane, une urbaniste statisticien à travers l'exposé de son excellente étude sur les deux et trois roues notamment à Casablanca. Tout y est passé depuis le marché de ces engins jusqu'à leurs caractéristiques, parc (environ 200 000 motos dont près de 90% immatriculés), utilisateurs (âge, genre et niveau d'étude) et usages. Si pour les deux roues quant à cela, c'est un moyen de transport sans plus, les trois roues consacre 26% de leurs activités au commerce, 51% au transport de marchandises et 23% au transport des personnes. Karim Ben Amara Chargé de la Réglementation Véhicule & Mobilité Durable qui représentait le ministère de l'Equipement, du Transport, de la Logistique et de l'Eau, a, pour sa part, dressé un aperçu sur les transports terrestres. Le parc automobile national, nous dit le jeune cadre du département du transport, est de 4.552.356 automobiles, dont les deux tiers (3.090.063) sont des véhicules du tourisme et qle tiers restant 1 225 878, relevait des véhicules utilitaires, tandis que les motocycles étaient de 236 415 à utiliser les bitumes du Royaume. L'énergie utilisée relevait à 99% du fossile, le diésel représentait l'essentiel au trois quarts (76%) l'essence à 23%, seul 1% était électrique. On retiendra de l'exposé du représentant du département du transport, le projet Bonus & Malus qui consiste à encourager l'incitation du véhicule propre (Bonus) de la part de l'Etat ou Malus au pollueur, pour réglementer et ainsi maîtriser les émissions de CO2 ainsi que l'étiquetage écologique à des fins de transparence et autres initiatives allant dans le bon sens vert. On ne saurait se quitter sans mentionner les heureuses initiatives de l'initiatrice de Pikala, Mme Cantal Backer à Marrakech, à savoir l'utilisation du vélo afin de contribuer à l'objectif de la ville propre avec des projets comme des opportunités d'emploi avec le vélo (techniciens de la bécane, accompagnateur touristiques pour développer l'écotourisme, la livraison etc.), l'aspect éducatifs (sécurité routière et apprendre aux jeunes et notamment les filles à faire du vélo...). Pikala a fait ses débuts à Agadir, Taroudant et le projet devrait bientôt voir le jour à Rabat et Casablanca.