La Société marocaine de médecine d'urgence (SMMU) a souligné l'urgence de «réformer en profondeur l'organisation des soins dans nos services d'urgences et de donner à chacun les moyens d'accomplir une permanence des soins de qualité ». Dans son Livre blanc publié suite à la tenue de son conseil académique le 15 juin 2020, la SMMU estime que les services d'urgence souffrent de « beaucoup de faiblesses, que ce soit sur le plan architectural, structurel ou organisationnel ainsi qu'au niveau des ressources humaines qualifiées ». Préfaçant la publication, Pr. Lahcen Belyamani, président de la SMMU, a mis en avant l'importance de la médecine d'urgence en tant que «système intégré horizontalement de soins d'urgence comprenant : l'accès aux soins, la dispensation de soins de Médecine d'Urgence au sein de la collectivité et pendant le transport des patients, ainsi que la dispensation de soins dans l'unité ou le service d'urgence ». Dans un plaidoyer intitulé «Il est Temps pour Laver la Vitrine de l'Hôpital !», le spécialiste assure que « la médecine d'urgence peut fournir nombre d'outils pour améliorer la santé publique, dont la prévention des pathologies primaires, les interventions pour faire face aux abus de substances et aux violences interpersonnelles, la formation et l'entraînement cliniques des prestataires de soins et la participation aux réponses locales et régionales aux catastrophes d'origine naturelle et humaine». « Notre pays a besoin d'un système de santé fort, protocolisé et bien structuré. Tous les indicateurs montrent que la globalisation expose tous les pays du monde à des crises de plus en plus difficiles à gérer et qu'il faudrait à l'avenir en disposer de moyens adaptés (humains et matériels) pour pouvoir y faire face », plaide encore Pr Belyamani, qui affirme que «les services des urgences constituent la vitrine de tout hôpital, l'amélioration de l'offre de soins aux niveaux des instances hospitalières et extra hospitalières dédiées à la prise en charge des malades urgents, passe premièrement par l'amélioration de tous ce qui se rapporte au facteur humain». Pour lui, l'organisation efficiente de ce secteur « garantira, à elle seule, une amélioration du service rendu à la population, tout en préservant une certaine qualité de vie au travail des professionnels de santé ». Tout en retraçant la genèse de la mise en place d'un service des urgences au Maroc, le Livre Blanc rappelle qu'à partir des années 80, avec l'augmentation de la demande aux soins, « les unités +Porte+ ou urgence des hôpitaux, se sont imposées (...) et la nécessité d'améliorer la qualité des soins dans ces unités était derrière leur transformation en +services+ hospitaliers, avec une équipe indépendante et entièrement dédiée à l'image des autres services de l'hôpital». La Médecine d'Urgence est née en tant qu'activité reconnue, mais il reste à la nourrir et à la développer jusqu'à l'âge de raison ! La volonté politique, élément crucial s'est exprimée en la personne de la plus haute autorité de l'Etat, le Roi Mohamed VI, qui a ordonné la mise en place d'un « Plan national pour la promotion des Urgences », fait encore noter le Livre. Malheureusement, déplorent les auteurs, « après 18 ans d'existence, les objectifs escomptés n'ont pas été atteints, les spécialistes formés en cette discipline ne dépassent pas plus que 22 (à raison d'un médecin spécialiste formé par an), les postes d'enseignement supérieur sont pratiquement inexistants, si on exclus les postes militaires, les unités pédagogiques et de recherche (UPR) se limitent à seulement deux facultés de médecine sur dix, la formation d'infirmiers spécialistes en soins intensifs et soins d'urgences (ISSISU) n'a commencé qu'en 2012, et les services d'accueil des urgences (SAU) sont gérés dans la plupart des cas par un personnel non qualifié et/ou en cours de formation (Internes) même dans les CHU». Et de faire valoir que puisque le niveau des prestations dispensées dans le domaine des urgences constitue un label de « qualité » d'un système médical moderne, la SMMU a nommé un conseil d'experts avec comme objectif principal l'analyse de la situation actuelle et la proposition de recommandations qui permettront d'insuffler une nouvelle vie dans ce secteur afin de lui rendre la place qu'il mérite, à seule fin de promouvoir la qualité des services rendus à la population marocaine. L'objectif de ce plaidoyer, indique le Livre Blanc, est d'adapter les besoins professionnels et le dispositif juridique pour répondre à la demande croissante de la population marocaine, en quantité et surtout en qualité en tout ce qui concerne les soins d'urgences, à travers la promotion de la spécialité de médecine d'urgence. Il fait observer que les services d'urgences constituent aujourd'hui l'image de marque d'un établissement de santé, afin de préserver des niveaux de soins de qualité optimaux et offrir une sécurité aux différents patients se rendent aux urgences, plusieurs pays développés ont opté pour le développement de la Médecine d'Urgence en tant que spécialité à part entière, offrant un haut niveau de technicité pour la gestion des situations médicales critiques et des crises sanitaires en tout temps et tout lieux. Ceci, poursuit-il, a motivé la SMMU pour agir et produire une réflexion constructive, afin d'exposer et d'analyser les défaillances qui bloquent la voie de développement de ce secteur au Maroc. Une réforme est donc impérative, concluent les spécialistes, qui ont tenu à souligner 2 points clés : -L'acteur humain (Urgentologue, Urgentiste, Infirmier urgentiste, aides-soignants, brancardiers, secrétaires...) doit rester au cœur des préoccupations dans tout projet de réforme intéressant les urgences, en lui offrant la formation académique adaptée et les outils nécessaires pour exercer ses compétences. -Le patient doit être acteur de sa prise en charge et il est indispensable pour cela qu'il puisse bénéficier d'une réelle information et éducation à la santé et au système de soins.