Le gouvernement algérien a adopté mercredi un projet de décret pour encadrer juridiquement la presse en ligne. Ce projet de décret oblige désormais les sites médias à être hébergés en Algérie et d'avoir une autorisation de l'Etat pour pouvoir exercer. Cette adoption passée sous la trappe fait suite à une vive polémique en Algérie concernant la liberté de la presse suite à l'emprisonnement de plusieurs journalistes durant la période des manifestations du Hirak, ainsi que la censure de certains sites, seulement en Algérie. Récemment, la chaine de télévision française M6 a été interdite de diffusion en Algérie à la suite d'un documentaire sur le Hirak en Algérie. Par peur de la répression, le journal satirique El Manchar avait annoncé sa suspension pendant trois mois avant que le président algérien n'ait ordonné « de programmer une réouverture graduelle d'El Manchar ». Alors que la majorité de la presse papier est subventionnée par l'Etat, les médias en ligne bénéficiaient jusqu'ici d'une marge de liberté car l'Etat avait du mal à les contrôler. Pourtant, l'Etat algérien a visé certains sites et radios en ligne, notamment le site d'information Tout sur l'Algérie (TSA) en les interdisant de diffuser en Algérie. Actuellement le groupe Interface Médias: Maghreb Emergent et Radio M, une webradio, sont inaccessibles en Algérie depuis le 9 avril. Le pouvoir algérien ne pouvait pas contrôler ce domaine là, étant donné que ces sites étaient hébergés à l'étranger et qu'il y avait un vide juridique les concernant. Mais à présent, avec ce projet de décret, les choses changeront. Ainsi, tous les sites devront être hébergés en Algérie et devront recevoir une autorisation de l'Etat. En outre, ces sites qui devront être représentés par des entités « publiques ou privées » devront obligatoirement être domiciliées en Algérie, c'est à dire que tout leur matériel et ressources humaines doit être physiquement sur place en Algérie. Selon le texte préparé par le ministre de la Communication Ammar Belhimer, l'activité d'information en ligne est « soumise à la publication à travers un site électronique, dont l'hébergement est exclusivement domicilié physiquement et logiquement en Algérie, avec une extension du nom de domaine +.dz+: (Article 6) ». Et d'ajouter que « l'extension du site doit être (.dz) » ce qui veut dire que « l'acquisition du nom de domaine doit se faire en Algérie à travers l'Etat (CERIST) ». La domiciliation physique et logique veut dire que « toutes les ressources (matériels, logiciels, humaines, création, exploitation) nécessaires à l'hébergement d 'un site doivent être en Algérie ». Ce chantier de changement a été ordonné par le président Algérien Abdelmadjid Tebboune, qui avait appelé à « la régularisation de la situation juridique des journaux électroniques domiciliés en Algérie » et le ministre Abdelaziz Djerad avait exhorté début février Belhimer à « engager les procédures et modalités pratiques et réglementaires en vue de concrétiser dans les meilleurs délais » cette décision. « J'avais déjà évoqué le sujet de la liberté d'expression en Algérie et je me suis interrogé s'il existait un pays, de par le monde, à l'image de l'Algérie qui compte 180 quotidiens et près de 8.500 journalistes, outre le soutien de l'Etat au papier d'impression et la publicité dont bénéficient ces journaux pour se retrouver, à la fin, avec des articles truffés d'injures et d'atteintes à la sécurité publique », a récemment déclaré le président Algérien. Interrogé sur le cas du journaliste Khaled Drarni, condamné récemment à deux ans de prison ferme après avoir couvert les manifestations du Hirak, le président algérien a expliqué que cette personne est « impliquée dans une affaire n'ayant aucune relation avec la presse » et a assuré qu'il n'existe aucun document prouvant sa relation avec la chaine de télévision qu'il prétend travailler avec, faisant référence à TV5 Monde. Abdelmadjid Tebboune a par ailleurs repris les propos du ministre de la Communication en affirmant que Khaled Drareni n'avait jamais été détenteur de la carte de presse sous-entendant qu'il n'était pas journaliste. Pourtant, les internautes algériens n'ont pas oublié qu'Abdelmadjid Tebboune, alors ministre de l'Habitat, avait été interviewé en 2016 par Khaled Drareni pendant le Journal télévisé de 19H sur Canal Algérie, une chaine de télévision publique. Depuis le début de Hirak et l'emprisonnement de plusieurs journalistes et militants, ainsi que le blocage de la diffusion de journaux, les pratiques de l'Etat Algérien sont dénoncées par plusieurs ONG internationales dont Reporters Sans Frontières (RSF) qui a classé le pays à la 146ème place sur 180 au niveau du classement mondial de la liberté de la presse 2020. Répondant aux critiques des organisations internationales, le président Tebboune avait rétorqué que l'Algérie était « ciblée » par des ONG qui tentent de « saper la stabilité du pays ».