Alors que le secteur du transport en commun, avec à sa tête les bus, souffre de nombreuses irrégularités dans la ville de Kénitra, et ce, depuis plusieurs années, un nouvel incident a jeté un pavé dans la marre. Détails de l'affaire. L'affaire remonte à dimanche tôt le matin, lorsque des bus de la compagnie de transport Al Karama, filiale de City Bus, ont tenté de « prendre la fuite » vers la ville de Meknès. Un situation cocasse, qui cache une histoire vieille de quelques années déjà. En effet, Al Karama et la commune de la capitale du Gharb sont en litige depuis maintenant trois ans et actuellement une réunion doit avoir lieu pour clarifier la situation entre les deux belligérants et trouver une solution au problème. Car, depuis dimanche, plus aucun bus n'est en circulation dans cette ville connue pour ses nombreuses lignes de bus et ses utilisateurs qui empruntent ce moyen de transport pour rallier différents quartiers lointains pour travailler ou pour aller à la Faculté Ibn Tofail. Le cabinet du président de la commune de Kénitra, Aziz Rebbah, n'a pas attendu pour publier un communiqué dénonçant cet événement et imputant toute la responsabilité à la société de transport qui a cherché « à faire fuir les bus« . « Ce comportement qui va à l'encontre de toutes les lois est arrivé au moment des examens, ce qui montre que l'entreprise persiste et entend aggraver la situation de la ville« , a déclaré Aziz Rebbah dans ce communiqué incendiaire. Pourtant, sur les réseaux sociaux, c'est lui qui est visé par un vent de critiques. En effet, les internautes lui reprochent d'être le premier responsable dans la mauvaise gestion de la ville et évoquent à cet effet plusieurs irrégularités vécues et ressenties dans la ville depuis qu'il en est devenu le président de la Commune. Un problème qui traîne depuis 2016 Contacté par Hespress FR, Rachid Belamkissia, vice-président de la commune de Kénitra, est revenu sur les dessous de cette crise. « Ce problème de transport a commencé depuis 2016 et l'entreprise qui a remporté l'appel d'offre s'est plaint de déficit, de manque à gagner dès la première année et a demandé à ce qu'il y ait un équilibre financier. Nous avons dit pas de problèmes, nous avons ajouté une annexe et d'autres ont suivi« , cela en vue de créer un équilibre financier. Ces annexes qui se rapportent à l'investissement de la compagnie en matière de bus étaient revues à la baisse afin de créer un équilibre. Notre interlocuteur cite un exemple d'une baisse de 10 bus sur un le total prévu initialement qui parfois peut atteindre cinq fois ce chiffre. « Il nous ont dit que ça ne leur convient pas, qu'ils ne s'en sortent pas » avec cette formule qui ne leur permet pas de faire de bénéfices, nous apprend-il. Le problème est d'autant plus important car le contrat qui lie Al Karama Bus avec la ville de Kénitra s'étale sur une durée de 15 ans. Affirmant qu'il s'agit d'une durée normale pour un contrat de transport, et que « c'est comme ça qu'on accorde un marche« , le vice-président ajoute qu'en général, « les contrats en rapport avec le transport durent en moyenne 14 à 16 ans« . « Depuis 2016, l'entreprise nous fait des doléances sur son manque à gagner, donc nous avons essayé d'ajouter 4 annexes et nous n'avons pas eu de résultats« , affirme le vice-président. Des propos que Aziz Rebbah a également évoqués. « Les services se dégradent depuis trois ans et vous savez que le secteur du transport à Kénitra est catastrophique, l'état des bus est lamentable. On leur dit, on a un contrat avec vous, on ne vous demande rien si ce n'est que d'en respecter les termes« , a ajouté le responsable communal. Alors que le problème ne semblait pas trouver d'issue durant ces dernières années, la commune de Kénitra a appliqué des pénalités. « Ça fait trois ans qu'on suit cette situation, donc ce qu'on leur a fait, c'est de leur envoyer une mise en demeure, il y a trois mois de cela, pour leur dire que leur situation tend vers la dégradation et, ce qu'on leur demande c'est de revenir aux termes du contrat. Dans ce contrat, il est stipulé qu'ils doivent mettre en circulation 100 bus neufs » pour cette année, nous dit notre interlocuteur. « Ils ne nous ont pas répondu, on les a relancés, puis on a demandé l'arbitrage du ministère de l'Intérieur et c'est là qu'ils ont répondu qu'ils ne sont plus capables de gérer dans la ville de Kénitra« , a expliqué le représentant de la ville. La gestion des bus en cause Cette situation déplorable à laquelle est arrivé le transport urbain à Kénitra, soulève plusieurs questions puisque la ville a une base solide de personnes empruntant les transports en commun. Nul besoin d'être fin connaisseur pour remarquer les bus qui partent, tous, complètement pleins et les arrêts de bus qui sont toujours fréquentés. Selon notre interlocuteur, la société aurait des problèmes au niveau de la gestion des bus. En cause, les receveurs et les chauffeurs qui gèrent le parc des autobus et qui, d'ailleurs ont fermé le garage où sont parqués les véhicules. « Nous avons deux études qui affirment que chaque année, ils doivent avoir une fréquentation de 53 millions de passagers, et eux affirment que l'année dernière ils ont eu 33 millions. La deuxième étude a été réalisée avec eux. Ils disent que la billetterie leur a sorti 33 millions et affirment que 40% des passagers ne paient pas leur ticket. Donc, en effet si l'on compte ces 40%, c'est le reste des 53 millions », a affirmé Rachid Belamkissia. « On leur a alors dit, le dysfonctionnement vient de vous« , a-t-il continué. Affirmant que ce qui s'est passé dimanche, « est le résultat des dégradations » de leurs services, « ils voient qu'une autre ville peut être plus rentable pour eux, ils transfèrent les bus« , le responsable a menacé de résilier le contrat. « Si cette semaine, ils ne remettent pas les bus en circulation, nous allons résilier le contrat« , a-t-il martelé. Pour lui, les usagers des bus ne veulent pas payer, parce que leur réputation s'est détériorée. « Les citoyens ne les respectent plus et c'est pour ça qu'on est arrivé à l'étape de la résiliation du marché avec eux« , dit-il, ajoutant que le transport en bus était relativement bon en 2013, 2014, et 2015 et qu'il n'a commencé à se dégrader qu'en 2016. La prochaine étape Pour le vice-président de la commune, les prochaines étapes serviront à installer une période de transition d'une durée de 6 à 8 mois avant de lancer un nouvel appel d'offre pour ce marché. Alors que le bus ne sont toujours pas en circulation, des mini-bus dont le prix du ticket a été fixé à 5 dirhams (presque deux fois plus qu'un ticket de bus normal) ont été affrétés pour remédier à la situation, ce qui a provoqué la colère des usagers des bus. Le responsable communal affirme qu'il s'agit d'une situation passagère, de 3 ou 4 jours et explique la non disponibilité des bus par la rébellion des employés d'Al Karama. « Quand les employés ont entendu que l'entreprise n'allait plus être employée, ils ont encerclé le garage et ont séquestré les bus, et ça, c'est une autre affaire« , a déclaré notre interlocuteur, faisant remarquer qu'un rapport de la Cour régionale des comptes (CRC) est attendu et, le résultat sera « accablant« . « Le contrat (avec Al Karama) stipule trois choses, soit l'entreprise continue de gérer avec nous pendant 6 mois, soit on prend les bus et c'est la commune qui gère, et cette option est impossible, nous ne pouvons pas gérer, soit on fait entrer une entreprise qui passe avec nous cette période de transition d'une durée d'un an et ça se fait de gré à gré sans appel d'offres« , a-t-il conclu.